CONFINEMENT - C’est tranché. La mise en place d’un dispositif rendant l’isolement “obligatoire” pour les personnes testées positives au nouveau coronavirus ne fait “pas consensus”, a affirmé ce jeudi 10 décembre le Premier ministre Jean Castex, écartant cette piste. Il a indiqué que l’accent serait plutôt mis sur un “accompagnement renforcé”.
La mesure avait fait débat dans la communauté scientifique après qu’Emmanuel Macron avait évoqué l’idée de contraindre les malades du coronavirus à s’isoler, durant son allocution du 24 novembre. Le but étant qu’ils ne transmettent pas le virus autour d’eux. “Je souhaite que le gouvernement et le Parlement prévoient les conditions pour s’assurer de l’isolement des personnes contaminées, y compris de manière plus contraignante”, avait-il expliqué.
“Un débat démocratique”
Jean Castex est donc revenu sur ce point. “Les échanges que j’ai eus ces derniers jours sur ce sujet avec les représentants politiques et parlementaires (...) m’ont conduit à la conclusion qu’une telle évolution qui passerait au demeurant par une nouvelle loi ne faisait pas consensus. Nous devons donc orienter nos pistes d’amélioration vers l’accompagnement renforcé des personnes malades”, a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse.
Le 20 novembre dernier, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait déclaré sur Franceinfo que l’isolement obligatoire des malades méritait “un débat démocratique”.“Est-ce qu’il ne faudrait pas adapter nos dispositifs, notamment sur l’isolement, et avoir un isolement des cas positifs et des cas contact, avec des contrôles, voire des sanctions, s’il n’est pas respecté comme c’est le cas dans certains pays?” s’était-il interrogé en s’appuyant sur des propositions de parlementaires.
La mesure repose sur l’idée selon laquelle les personnes testées positives au Covid-19 ne respecteraient pas la mise en quarantaine et participeraient par conséquent à la diffusion du virus dans la population. Dans une tribune publiée le 23 novembre dernier dans Le Parisien, le collectif France Assos Santé, qui fédère 85 associations d’usagers de la santé se prononçait notamment en faveur “d’une restriction complète de déplacement et de visite” pour les personnes positives et leurs cas-contacts, “sous contrôle et réduite au temps de la contagiosité (de 7 à 15 jours selon les cas), avec isolement en conditions adaptées.”
Mais Martin Blachier, médecin de Santé publique et fondateur de Public health expertise avait rétorqué sur BFM TV que dans les faits “aucune nouvelle donnée scientifique” ne venait attester cette affirmation, ajoutant que “le problème vient avant tout de ceux qui ne savent pas qu’ils sont contaminés, pas de ceux qui savent.” Aujourd’hui, la circulation du virus repose sur le faible diagnostic des personnes positives, de 20 à 50% seulement.
Des effets pervers
Plusieurs spécialistes ont également affirmé que l’isolement contraint pourrait avoir des effets pervers. “Il existe une abondante littérature scientifique sur ‘l’économie du crime’ montrant que les gens réagissent à la punition et à la coercition”, avait expliqué au HuffPost Fabio Galeotti, chercheur CNRS au laboratoire Groupe d’Analyse et de Théorie Economique. “La raison est simple: les gens ne veulent pas payer d’amende ou être punis.”
La première chose à laquelle on pense, c’est la stratégie de contournement: si l’isolement devient obligatoire, contrôlé, il y a un risque que les personnes malades mais peu symptomatiques ne se fassent pas tester. Ou encore qu’une personne positive ne déclare pas ses cas contacts à l’Assurance maladie.
La mise en place d’un isolement forcé pose d’autres contraintes. “Il y a un problème de logistique: si on a des centaines de milliers de cas par semaine, on ne va pas tous les mettre à l’hôtel”, avait estimé au HuffPost Xavier Briffault, chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé au CNRS. “Et les maintenir à domicile nécessiterait des vérifications, comme avec un arrêt maladie, ce qui demanderait des ressources humaines dont nous avons besoin ailleurs”.
Plutôt que de contraindre, le chercheur recommandait plutôt de former les gens “sur la manière correcte de se protéger, de disposer d’outils efficaces, notamment dans le milieu familial”, regrettant que ce type de stratégies ne soient pas assez explicitées de façon opérationnelle pour éviter les contaminations au sein du foyer.
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