ELLE. Que vous ont transmis vos parents ? En termes de féminité, de féminisme, d'engagement politique, de culture…

Isabelle Adjani. La transmission parentale ? Sujet âpre, en ce qui me concerne… J'ai commencé par chercher ailleurs ce que je ne trouvais pas à la maison, ce que je ressentais comme un manque, parfois même comme une injustice. Et, avec le recul, grâce au travail de l'analyse freudienne, j'ai réalisé que mes parents m'avaient sûrement transmis quelque chose me permettant de combler ces trous. Le terme de transfuge de classe est très actuel, et assez juste : quand vous quittez votre milieu social pour un autre, supérieur, en intégrant ses codes, vous reléguez dans la honte et l'oubli ce que vous pensez avoir été, mais que vous êtes aussi toujours un peu. Je suis peut-être devenue féministe parce que ma mère ne l'était pas, et que la féminité était considérée comme une déviance par mon père. Les discriminations subies par mes parents ont laissé des traces qui ont motivé certains de mes engagements. Ça, c'est de la transmission à leur insu, transmission indirecte, mais indiscutablement transmission. La culture, c'était une denrée rare chez nous, et je n'ai eu de cesse de vouloir apprendre, tout en regrettant encore aujourd'hui de ne pas être assez cultivée…                

ELLE. Et vous, Zoé ?

Zoé Adjani. J'ai baigné, dès l'enfance, dans une famille dont la culture est le métier, où se construire intellectuellement passe par la curiosité, la recherche, le travail. Ma chance a été d'avoir une fenêtre sur le monde de l'art et la possibilité de m'y confronter très tôt. De tester des médiums différents et complémentaires. De faire de la culture non pas un savoir en soi, mais un outil d'éveil social et politique. On m'a toujours laissé le choix, sans faire de distinction entre mes désirs, sans