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Cyborgs : l’armée française lance un programme pour développer des soldats bioniques résistants à la douleur grâce à des micro-puces implantées dans leur cerveau
©Capture d'écran Franceinfo

Soldats du futur

Plusieurs pays réfléchissent à "augmenter" leurs soldats, grâce notamment à des puces. En France, un comité d'éthique militaire a rendu ses conclusions sur ce sujet.

Jean-Christophe Noël

Jean-Christophe Noël

Jean-Christophe Noël est chercheur associé au Centre des Etudes de Sécurité de l'Ifri. Il est un ancien officier de l’armée de l’Air. Après avoir mené une carrière de pilote de chasse, il a tenu diverses places en état-major, traitant notamment des affaires de doctrine ou de prospective.

Il a également été l’adjoint du chef de cabinet du chef d’état-major de l’armée de l’Air de 2006 à 2009, Military Fellow au Center for Strategic and International Studies à Washington DC en 2009 et expert chargé des affaires politico-militaires pendant cinq ans au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Ministère des Affaires Etrangères de 2012 à 2017.

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Atlantico : Jean-Christophe Noël, vous êtes chercheur associé à l’IFRI. Vous avez fait paraître en septembre dernier un rapport intitulé « A la recherche du soldat augmenté », qui est disponible gratuitement sur le site de l’IFRI. Pour commencer, qu’est-ce qu’un soldat augmenté ?

Jean-Christophe Noël : Un soldat augmenté est un combattant dont les capacités physiques ou cognitives sont volontairement transformées afin d’accomplir des performances extrahumaines. Ces techniques d’augmentation peuvent s’appliquer sur le corps du soldat qui emportent des équipements adéquats ou dans le corps du soldat, où elles sont introduites dans l’organisme.

Est-ce si nouveau ?

Non, bien sûr. Les soldats ont toujours porté sur eux des équipements destinés à améliorer leurs capacités pour dominer leur adversaire. Une longue-vue ou des jumelles de vision nocturne sont des moyens d’augmentation. De la même manière, les combattants ont absorbé dès l’Antiquité des produits pour mieux supporter les contraintes ou les douleurs de la guerre. Homère raconte que les guerriers de l’Iliade buvaient du népenthès, qui contient de l’opium. Les Allemands avalaient en 1940 de la pervitine pour se tenir éveillés et exploiter la percée du front français.

Alors pourquoi cet intérêt actuel pour cette notion ?

De formidables progrès sont enregistrés dans les technologies numériques ou dans les sciences de la vie, notamment en génétique. Ces technologies, appliquées respectivement sur ou dans l’homme, peuvent provoquer des effets de seuil et changer notre vision traditionnelle du combattant.

Les nouveaux soldats augmentés existent déjà ?

Les technologies numériques ont envahi le champ de bataille. Le soldat connecté est aujourd’hui une réalité, qui va prendre une importance de plus en plus grande. Tout combattant est un émetteur et un récepteur d’informations, informations qu’il s’agit de rassembler, de traiter et d’utiliser pour qu’il maitrise mieux son environnement que son adversaire et qu’il en tire profit. Le but est de lever une part du brouillard qui recouvre le champ de bataille. Le problème est que le soldat va devoir gérer un volume d’informations de plus en plus important et son équipement va s’alourdir avec l’emport d’ordinateurs, de monoculaires et autres caméras. Parmi les défis de demain figurent les moyens à trouver pour limiter cette « infobésité » et rendre une certaine mobilité au fantassin.

Qu’en est-il des soldats augmentés de l’intérieur ?

C’est plus simple dans ce cas. Il n’existe pas de soldats dans les armées françaises ou étrangères qui ont subi des évolutions dites « invasives », comme les nomme la ministre des Armées. Mais les choses pourraient évoluer à plus long terme.

C’est-à-dire ?

Il y a un an, Steven A Walker, le directeur de la DARPA qui est l’agence américaine qui réfléchit aux applications militaires des nouvelles technologies et qui les teste, estimait publiquement que le potentiel militaire des sciences de la vie était plus élevé que celui de l’intelligence artificielle ou de l’informatique quantique. Des experts américains ont par ailleurs relevé l’intérêt avancé de l’Armée populaire de libération chinoise pour la recherche génétique.

On évoque aussi l’intégration d’implants dans les cerveaux pour interagir avec les objets numériques proches, comme les drones.

Oui, vous faîtes allusion à une étude de l’US Army sortie en 2019. Elle réunissait des experts officiels qui estiment possible l’avènement d’un tel dispositif dans une trentaine d’années. Mais Walker a plutôt en tête la mise au point de dispositifs pour protéger les soldats de la maladie, des agressions chimiques ou bactériologiques.

En France, le comité d’éthique de la défense a rendu son « avis portant sur le soldat augmenté ». La ministre des armées y a répondu. Que retenir de ces annonces ? Les technologies invasives sont-elles autorisées ?

La ministre a été très claire. Elle a mis fin, je cite « à tout fantasme ». Les évolutions invasives « ne sont pas à l’agenda des armées françaises ». Elle a également souligné que le contenu du rapport du comité d’éthique avait l’avantage de poser un cadre pour préciser les enjeux et les limites. Certains principes éthiques sont avancés, comme celui du consentement du soldat face à l’augmentation qui lui est proposé, de la garantie de la santé du militaire ou du principe de réversibilité. L’effet de l’augmentation devra avoir disparu lors du retour à la vie civile.

La France sera-t-elle contrainte malgré tout de s’engager sur le terrain des soldats augmentés pour rester compétitive face aux autres puissances ?

L’avenir le dira. La France, pour le coup, pose le problème et propose une solution. Sera-t-elle suivie ? Que se passera t’il si la situation évolue brutalement dans un sens défavorable à nos intérêts ? A mon sens, si la porte est aujourd’hui bien fermée, la clé n’est pas égarée. Le comité d’éthique estime par exemple qu’il est impératif de ne pas inhiber la recherche pour éviter tout décrochage capacitaire et qu’un bilan périodique de son avis doit être régulièrement effectué. La ministre a d’ailleurs confirmé que cet avis « n’était pas gravé dans le marbre ».

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