L’Ukraine pourra-t-elle sortir indemne dans la crise qui
ébranle ses régions orientales ? Dans la journée du 12 avril, le pays a
assisté au retour des “petits hommes verts”, surnom donné par les Ukrainiens
aux “mystérieux” soldats sans insignes distinctifs ni marques de grade que
l’on avait vus se répandre un peu partout en Crimée au mois de mars. Maintenant,
c’est dans l’est qu’ils surgissent, pour prêter main forte aux séparatistes
prorusses.

Cagoulés, casqués, équipés de gilets pare-éclats et de fusils
d’assaut AK-100 (qui ne sont en dotation que dans l’armée de la Fédération de
Russie), ils opèrent avec des “titouchki”, les gros bras qui avaient aidé
l’ex-président Viktor Ianoukovitch à lutter contre les manifestants de Maïdan,
et d’autres hommes armés. Ils dressent des barrages à l’entrée des villes,
attaquent les commissariats, prennent le contrôle de bâtiments officiels dans
plusieurs villes du Donbass.

“Nous sommes pour la Russie”
Mais cette fois, semble-t-il, Kiev estime que la coupe est
pleine. Parfaitement conscient du danger d’une intervention russe, le
gouvernement de transition ne peut cependant se laisser déposséder de tout
l’est du pays sans réagir, sous peine d’être débordé par ses propres
extrémistes. Aussi, depuis les premières heures de la matinée, il a lancé une
“opération anti-terroriste, qui a commencé à Slaviansk [une ville où, la veille, ont
eu lieu des échanges de tirs entre séparatistes et policiers]”, d’après le
quotidien en ligne Oukraïnska Pravda. Sur sa page Facebook, le ministre de
l’Intérieur Arsen Avakov laisse libre cours à sa colère : “Qui sont les
idiots qui envoient des gens à Kharkiv […] ? Qui sont les marionnettistes qui
agissent ainsi alors que nous devons nous concentrer sur le Donbass ? Qui
êtes-vous, voyous et provocateurs ? […] Pour qui travaillez-vous ?”

Pour l’hebdomadaire Oukraïnsky Tyjden, la réponse est
évidente. Dans un article intitulé “Les séparatistes de Louhansk [une des
premières villes touchées par le mouvement le 6 avril dernier] : qui sont-ils
et à qui rendent-ils service ?”, la rédaction cite un de ces inconnus
cagoulés, qui déclare : “Qui nous a amenés ? Personne, nous sommes
venus par nous-mêmes. Car nous sommes pour la Russie.”Commandos d’élite russes

Sur le terrain, la situation s’aggrave d’heure en heure. Sur le
site de la chaîne de télévision espreso.tv, on peut suivre les événements au
fil de leur déroulement. “A Slaviansk, les unités spéciales ont éliminé deux
postes de contrôle séparatistes et se déploient à l’entrée de la ville.” “Les
séparatistes disent avoir des tués, d’après des communications interceptées par
les forces antiterroristes.”

Information confirmée par le site de l’hebdomadaire Dzerkalo
Tyjnia
,
qui fait également état de “blessés”. Dzerkalo Tyjnia affirme par
ailleurs que “parmi ceux qui se sont emparés d’édifices du ministère de
l’Intérieur à Slaviansk, des membres des forces spéciales de la Fédération de
Russie ont été identifiés”. Des spetsnaz, les commandos d’élite russes,
participeraient donc à ce “soulèvement” séparatiste manifestement téléguidé.Engager le combat

Dans les régions du centre-est, beaucoup redoutent des
tentatives de coup de main du même type. “Dans l’oblast de Dnipropetrovsk, les
habitants ont dressé des barrages contre les séparatistes, explique ainsi
l’agence de presse indépendante UNIAN. Depuis ce matin, à l’entrée de l’oblast
de Dnipropetrovsk, neuf barrages mobiles ont été mis en place, à l’est, au nord
et au sud. Youri Bereza, représentant régional du Conseil de la sécurité
nationale, déclare que ces mesures sont liées aux événements qui ont lieu dans
la région de Donetsk et à la pénétration probable de commandos russes sur le
territoire de Dnipropetrovsk.”

Pour l’heure, l’opération se poursuit. Le gouvernement
ukrainien n’a désormais plus le choix, s’il ne veut pas perdre le contrôle de
tout l’est, région moteur de l’économie du pays, il se doit d’engager le combat
ouvertement avec les séparatistes et les “petits hommes verts”. Sous la menace
d’une véritable épée de Damoclès, incarnée par les 40 000 hommes et les
700 blindés russes positionnés à la frontière orientale, qui attendent
peut-être ce prétexte idéal pour déferler.