Animaux captifs : 5 destins hors du commun

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Animaux captifs : 5 destins hors du commun

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"Le Rêve", tableau du Douanier Rousseau peint en 1910 et conservé au Museum of Modern Art de New York
"Le Rêve", tableau du Douanier Rousseau peint en 1910 et conservé au Museum of Modern Art de New York
© Getty - VCG Wilson/Corbis

Qu'ils soient coqueluche du cirque, star du petit écran ou cobaye pour la science, ces animaux enfermés ont marqué l'histoire et contribué à faire évoluer les mentalités sur la captivité des espèces. De Zarafa la girafe à Nénette l'orang-outan, voici 5 bêtes au destin hors du commun.

Simple objet de divertissement ou arme politique, ces animaux ont eu un destin bien différent de celui qu'une vie à l'état sauvage leur aurait réservé. Et si le nom de certains d'entre eux est passé à la postérité en raison d'une fin de vie tragique, ils ont tous œuvré à faire évoluer les mentalités sur le traitement réservé aux animaux en captivité. 

Zarafa, un cadeau diplomatique

Afin de resserrer ses liens avec les souverains européens, le pacha d’Égypte Méhémet-Ali décide d’offrir deux girafons à ses homologues français et britannique. L’animal présenté au roi George IV meurt quelques jours après son arrivée à Londres, mais la girafe de Charles X vivra 19 ans.

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Après avoir parcouru 880 km durant un mois, Zarafa arrive en 1827 dans la rotonde de la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris qui accueille des animaux inconnus en France. La première girafe présente sur le territoire suscite un enthousiasme national. À l’été 1927, 600 000 curieux se pressent pour admirer l’animal venu du Soudan. L’engouement est tel que des objets de la vie quotidienne vont porter les couleurs du mammifère : vaisselle, mouchoirs, enseignes, coiffures et même cravates.

Nourrie au lait de vache, Zarafa meurt de la tuberculose bovine en 1845, à l’âge de 19 ans. Elle est naturalisée et transférée au Musée d’histoire naturelle de La Rochelle en 1931. 

Dans son dernier recueil de poèmes, L'Art d'être grand-père (1877), Victor Hugo évoque déjà la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris dans un texte dédié à son petit-fils, Georges : 

Mon doux Georges, viens voir une ménagerie quelconque, chez Buffon, au cirque, n’importe où. Sans sortir de Lutèce, allons en Assyrie et sans quitter Paris, partons pour Tombouctou. - Victor Hugo

À réécouter : Le périple de la girafe
Le Monde vivant
3 min

Jumbo, le martyr du cirque

Jumbo dans une illustration de 1884
Jumbo dans une illustration de 1884
© Getty - The Graphic

Né en 1860 en Abyssinie (l'actuelle Éthiopie), Jumbo est un éléphant dont la mère a été tuée par des braconniers. Capturé et acheté par des marchands d’animaux, il rejoint ensuite l’Europe par bateau. Après un premier séjour en Allemagne puis en France, il rejoint le zoo de Londres en 1865.

Très vite, il devient la coqueluche de l'aristocratie britannique, on raconte même qu’il aurait porté le jeune Winston Churchill sur son dos.

Mais devenu adolescent, l’éléphant devient incontrôlable. Pour le rendre inoffensif, ses défenses sont taillées, on le saoule à la bière et il subit de nombreux sévices corporels. Jumbo finit par être vendu à un cirque ambulant américain. Les studios Disney vont alors s’inspirer de cette histoire pour le film d’animation “Dumbo”, sorti en 1949. Mais la réalité est beaucoup moins rose que la fiction : enchaîné et maltraité, Jumbo meurt percuté par un train au Canada.  

LSD, La série documentaire
55 min

Laïka, chienne sacrifiée pour la conquête spatiale 

Laïka en 1957
Laïka en 1957
© AFP - RIA Novosti / Sputnik

Le 3 novembre 1957, la chienne Laïka devient le premier être vivant mis en orbite autour de la Terre . Après le succès de Spoutnik 1, premier satellite envoyé dans l'espace un mois plus tôt, l’URSS veut s’imposer à nouveau face aux Etats-Unis dans la conquête spatiale et célébrer le 40e anniversaire de la révolution russe en grande pompe. Nikita Khrouchtchev commande alors Spoutnik 2, engin construit à la hâte, en seulement quatre semaines, sans étude préalable. 

Si le lancement de Spoutnik 2 depuis le Kazakhstan est un succès, la petite chienne ne résistera pas au voyage. Le Kremlin soutiendra durant des décennies que Laïka fut empoisonnée, mais cette version sera démentie plusieurs années après la mission. L’animal, recueilli dans les rues de Moscou à l'âge de 3 ans, est vraisemblablement mort de déshydratation quelques heures après le décollage. En 1960, deux chiennes soviétiques vont à nouveau être envoyées en orbite ; elles reviendront vivantes sur Terre. Un an plus tard, Youri Gagarine devient le premier homme à effectuer un vol dans l’espace.

Dans la conquête spatiale, comme dans toutes les expérimentations scientifiques, l'animal précède toujours l'homme. Laïka a été la première martyr de l’histoire de la conquête spatiale. - Général Pesquiès, du Centre d'enseignement et de recherche de médecine aéronautique, dans l’émission Perspectives scientifiques en 1986.

Juke-Box
59 min

Flipper, la mort plutôt que la captivité ? 

Flipper, Pamela Franklin et Luke Halpin sans la série "Flipper le dauphin", 1964
Flipper, Pamela Franklin et Luke Halpin sans la série "Flipper le dauphin", 1964
© Getty - Metro-Goldwyn-Mayer

Derrière le célèbre héros de la série télévisée à succès diffusée entre 1964 et 1967 se cachent en réalité cinq dauphins “interprètes” femelles. Des animaux dressés par Richard O'Barry, soigneur américain devenu militant à partir des années 1970. C’est à la mort du dernier dauphin Flipper, qu’il interprète comme un suicide, que son regard sur la captivité de l’animal va changer. Richard O’Barry va alors s’engager activement pour la protection du mammifère marin. En 2010, il figure dans le documentaire oscarisé The Cove de Louie Psihoyos, qui met en lumière la chasse controversée dans la baie de Taiji au Japon. 

Si ces animaux sont vivement menacés dans certaines mers du monde, en France leur pêche est strictement interdite. Ils n’en restent pas moins fragilisés par l’activité humaine. En 2020, plus de 1 000 individus ont été retrouvés sans vie sur la côte Atlantique. Depuis une dizaine d'années, les spécialistes recensent une recrudescence des échouages. Un phénomène qui pourrait s’expliquer par des captures accidentelles : 

Ce qu’on note c’est qu’une bonne partie des dauphins examinés montrent des signes de capture accidentelle. Donc, il y a des interactions avec les engins de pêche. Non pas que la pêche ait changé, il n'y a pas eu de grosses évolutions dans les techniques de pêche, ni même dans l'effort de pêche. Par contre, les dauphins sont plus sujets aux captures accidentelles - Sami Hassani, ex-biologiste de pêche, aujourd’hui directeur de l’association "Oiseaux marins et mammifères marins" d'Océanopolis dans La Méthode scientifique, septembre 2020.

La Méthode scientifique
57 min
Le Monde vivant
3 min

Nénette, coqueluche du Jardin des Plantes

Nénette et son bébé au Jardin des Plantes de Paris en 2000
Nénette et son bébé au Jardin des Plantes de Paris en 2000
© Getty - Jean-Pierre REY

Né en 1969 sur l’île de Bornéo, Nénette arrive à l’âge de 3 ans au Jardin des Plantes de Paris. Cet orang-outan, en danger critique d’extinction dans son habitat naturel, est l’un des plus vieux individus de son espèce connus au monde.

Arrivée en France avec un mâle, Toto, elle va donner naissance à quatre bébés orangs-outans et contribuer ainsi au développement de l’espèce en Europe. En 2014, lors d’un atelier consacré au bien-être de l’animal, elle se découvre une passion pour la peinture. Ses “œuvres” ont été mises aux enchères afin de récolter des fonds pour la rénovation des bâtiments du parc.

Un film documentaire réalisé par Nicolas Philibert lui a été consacré en 2010. 

Dans La Méthode Scientifique (juillet 2017), la journaliste et primatologue Emmanuelle Grundmann décrivait la nature de ces grands singes particulièrement intelligents : 

Pendant longtemps, on a affublé l'orang-outan d'un bonnet d'âne, parce que dans la nature, il ne faisait pas grand chose à part se nourrir, faire son nid pour dormir le soir, mener sa petite vie. Or, depuis les travaux de précurseurs comme Jane Goodall, puis de celles primatologues japonais, en particulier Toshisada Nishida, la fabrication d'un outil était le comportement-clé pour attester de l'intelligence des grands singes. L'orang-outan est un paradoxe : dans la nature, il ne fait pas d'outils à part trois petits chapeaux en feuilles pour se protéger de la pluie. Mais en captivité, il devient un "génie de la mécanique" selon l'expression de Robert Yerkes : il est capable de tout démonter ! Et contrairement aux chimpanzés qui sont désordonnés, qui font un peu tout dans tous les sens, il est plus posé, semble réfléchir. Et tout à coup, il s'active. Et là, il résout le problème. Emmanuelle Grundmann, primatologue et journaliste.

Concordance des temps
58 min

À voir : exposition Les origines du monde : l'invention de la nature au XIXe siècle, du 15 décembre 2020 au 2 mai 2021 au Musée d'Orsay, Paris.

À écouter : LSD, pourquoi le zoo ?