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L’écart salarial entre migrants et nationaux se creuse dans de nombreux pays riches (OIT)

Une migrante du Bangladesh travaillant dans la confectiion partage une chambre avec sept autres collègues dans le dortoir d'une usine en Jordanie.
Photo OIIT/Marcel Crozet
Une migrante du Bangladesh travaillant dans la confectiion partage une chambre avec sept autres collègues dans le dortoir d'une usine en Jordanie.

L’écart salarial entre migrants et nationaux se creuse dans de nombreux pays riches (OIT)

Migrants et réfugiés

Dans les pays développés, les migrants gagnent en moyenne près de 13% de moins que les travailleurs nationaux, selon un nouveau rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT), qui souligne que dans certains pays, l’écart atteint même 42%.

Selon cette étude publiée ce lundi à Genève, les travailleurs migrants gagnent moins que les travailleurs nationaux ayant des qualifications similaires dans la même catégorie professionnelle. C’est le cas dans certains pays comme Chypre, l’Italie et l’Autriche où l’écart entre les salaires horaires est plus élevé.

Selon cette agence onusienne basée à Genève, l’inégalité salariale des migrants s’est creusée ces cinq dernières années dans plusieurs pays à revenu élevé. En Italie par exemple, les travailleurs immigrés gagnent 30% de moins que les travailleurs nationaux selon les données récentes, contre 27% en 2015. Au Portugal, l’écart salarial est de 29% contre 25% en 2015 et, en Irlande, il est de 21% contre 19% en 2015.

Et dans l’ensemble de l’Union européenne, l’écart salarial approche les 9%. « Les travailleurs migrants jouent un rôle fondamental dans de nombreuses économies. Ils ne peuvent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone », a déclaré Michelle Leighton, Cheffe du service des migrations de main-d’œuvre.

D’une manière générale, ils sont davantage susceptibles d’occuper des emplois peu qualifiés et mal rémunérés qui ne correspondent pas à leur formation ni à leurs compétences, ce qui pourrait indiquer une discrimination au cours du processus de recrutement. Dans les pays à revenu élevé, les travailleurs migrants diplômés de l’enseignement supérieur ont également moins de chances d’obtenir un emploi dans les catégories professionnelles supérieures.

La « double peine » des travailleuses migrantes

Aux Etats-Unis et en Finlande par exemple, alors que les part des travailleurs migrants ayant un niveau d’études secondaires est respectivement de 78 et 98%, la part des travailleurs migrants dans les emplois hautement ou semi-qualifiés n’est que de 35 et 50%. Selon l’OIT, cette situation reflète leur difficulté à transférer leurs compétences et leur expérience d’un pays à l’autre. Le plus souvent, il n’existe pas de mécanisme reconnaissant les qualifications des travailleurs migrants.

Parmi les migrants, les femmes font l’objet « d’une double peine », en tant que migrantes et en tant que femmes. Dans les pays à revenu élevé, l’écart de rémunération entre les nationaux hommes et les femmes migrantes est estimé à près de 21% en termes de salaire horaire.

C’est plus que l’écart salarial entre hommes et femmes (16%) dans ces pays. Dans les pays à revenu élevé, l’écart salarial entre les personnels soignants migrants et non migrants est d’environ 19%.

D’une manière générale, le rapport montre que, dans les pays à revenu élevé, les migrants sont plus susceptibles d’occuper un emploi précaire. Près 27% d’entre eux ont des contrats temporaires et 15% travaillent à temps partiel. 

Ils sont représentés de manière disproportionnée dans le secteur primaire (agriculture, pêche et foresterie). Ils occupent également la majorité des emplois du secteur secondaire: mines et carrières, production manufacturée, électricité, gaz et eau, et construction.

Dans les pays en développement, les « expats » gagnent plus que les nationaux

En revanche, dans les pays à bas revenu et à revenu intermédiaire, la situation s’inverse. Les travailleurs migrants sont généralement des expatriés temporaires hautement qualifiés. Ils ont tendance à gagner environ 17,3% de plus à l’heure que les travailleurs non migrants.

Plus largement, les migrants sont confrontés à des problèmes de discrimination et d’exclusion dans tous les pays. Une situation qui s’est aggravée avec la pandémie de Covid-19. Comme le montre l’étude de l’OIT, la crise du coronavirus a eu des effets sanitaires et économiques plus importants sur les travailleurs migrants que sur le reste de la population active.

Au début de la crise de Covid-19, des dizaines de millions de travailleurs migrants ont été contraints de rentrer chez eux après avoir perdu leur emploi.

« Les travailleurs migrants font souvent face à une inégalité de traitement sur le marché du travail, notamment en ce qui concerne les salaires, l’accès à l’emploi et à la formation, les conditions de travail, la sécurité sociale et les droits syndicaux », a fait valoir la Cheffe du service des migrations de main-d’œuvre à l’OIT.

Selon l’agence onusienne, leurs emplois se prêtent moins au télétravail que ceux des non-migrants et beaucoup d’entre eux sont des travailleurs de première ligne qui sont davantage exposés au virus. La crise pourrait accentuer les différences entre travailleurs immigrés et travailleurs nationaux sur le marché du travail, ce qui risque de creuser davantage les écarts de rémunération entre migrants et nationaux, conclut l’OIT dans son rapport.