Accueil

Agora Billets & humeurs
"Non Yannick Jadot, le voilement des fillettes ne relève pas de la liberté religieuse"
Yannick Jadot
© JOEL SAGET / AFP

"Non Yannick Jadot, le voilement des fillettes ne relève pas de la liberté religieuse"

Humeur

Par Naëm Bestandji

Publié le

Naëm Bestandji est blogueur et militant laïque et féministe. Il s'oppose aux propos de Yannick Jadot, invoquant la liberté religieuse afin de ne pas interdire le voilement des fillettes.

Yannick Jadot est député européen Europe Écologie Les Verts. Le dimanche 13 décembre 2020, il fut l'invité du « Grand jury », l'émission politique diffusée sur RTL et LCI. Le possible candidat à l'élection présidentielle fut interrogé sur divers sujets d'actualité. Le projet de loi « confortant les principes républicains » fut de ceux-là.

Un amendement à ce projet de loi, pour interdire le voilement des petites filles, pourrait être déposé. Le journaliste demande alors à Yannick Jadot s'il est pour ou contre un tel amendement. Sa réponse est : « Je suis contre. » Son explication concentre à elle seule toutes les contradictions d'EELV, ses renoncements chirurgicaux aux valeurs républicaines de façon générale et aux valeurs de gauche en particulier. Nous avons assisté à une nouvelle illustration du soutien d'une partie de la gauche à l'islamisme, tout en déclarant bien sûr vouloir lutter contre « l'islamisme radical ». Ce pléonasme sous-entend qu'il existerait un « islamisme modéré » donc acceptable. Le voilement des fillettes relèverait de cet islamisme « non radical »… On se serait cru dans Le bourgeois gentilhomme de Molière. Y. Jadot joue les VRP de l'islamisme sans le savoir, comme Monsieur Jourdain fait de la prose sans le savoir. En moins de sept minutes, une bonne partie de la rhétorique des « idiots utiles » de l'islamisme a été déroulée. Plus lucide que d'autres au sein de son parti, les contradictions de Yannick Jadot sont d'autant plus prononcées.

"Voiler les petites filles sert à les préparer au sort d'objet sexuel honteux qui les attend."

Le voile sexualise le corps féminin. Il fait de la femme un objet sexuel par essence. Un objet coupable, responsable de la tentation sexuelle pour l'homme considérait comme un animal incapable de se contrôler à la vue d'une mèche de cheveux ou d'une oreille. Cet objet doit donc être caché pour « ne pas susciter le désordre dans la société » comme disent les islamistes. Le Coran ne prescrit pas le port du voile pour les femmes, et encore moins pour les petites filles. Le voile n'est pas une prescription « islamique » mais islamiste. Non pas pour raison spirituelle mais par motivation sexiste et patriarcale.

Voiler les petites filles sert à les préparer au sort d'objet sexuel honteux qui les attend. Cela permet, je cite des prédicateurs islamistes, de « les habituer très tôt » pour ne « pas qu'elles se rebellent plus tard ». À EELV, et chez les féministes intersectionnelles, on appelle cet endoctrinement « le libre choix ». Comment Yannick Jadot peut-il parler de « croire ou de ne pas croire » pour une fillette quand il trouve normal de poser un voile d'obscurantisme (au sens propre comme au sens figuré) sur la construction du libre arbitre d'une gamine ?

En parlant « d'application stricte de la loi sur la laïcité », il illustre ce que j'ai écrit à de multiples reprises : concernant le voile, la laïcité est retournée pour servir de bouclier au sexisme islamiste. Les relativistes se réfugient derrière le juridique pour occulter les questions de valeurs, philosophiques, politiques. Aller sur le terrain de la laïcité, pour un accessoire vestimentaire qui concerne d'abord et avant tout l'égalité des sexes, ne fait qu'affaiblir la laïcité et renforcer le sexisme.

"Cette gauche qui a abdiqué pour se fourvoyer avec une extrême droite religieuse tente à chaque fois de botter en touche"

Je ne cesserai de le répéter : le voile ne concerne pas la laïcité. Il concerne le sexisme. La laïcité vient en soutien de la lutte pour l'égalité des sexes. Mais elle n'est pas le premier terrain concerné. La laïcité est instrumentalisée pour permettre l'aménagement du sexisme du voile, pour faire en sorte que la « liberté religieuse » prime sur l'égalité des sexes. C'est de l'antiféminisme pur. Yannick Jadot en fait la plus éclatante démonstration.

Cette gauche qui a abdiqué pour se fourvoyer avec une extrême droite religieuse tente à chaque fois de botter en touche en évoquant « la désertion de l'État dans nos quartiers » qui a permis l'installation de l'islamisme, ainsi que les ambiguïtés des gouvernements successifs dans les liens de la France avec le Qatar ou son rôle en Libye par exemple. Ces cas prêtent effectivement à débat et Yannick Jadot a raison. Mais cela justifie-t-il les errements et les compromissions d'EELV en France ? Ces dénonciations sont là pour faire diversion, éviter d'évoquer son relativisme sur l'islamisme dans nos quartiers et son soutien à son arme politique qu'est le sexisme du voile.

Le voilement des fillettes envoie donc un message clair : leurs corps sont désignés comme sexuellement attirants. La « liberté religieuse » (argument non valable pour une enfant) n'est pas supérieure à tout. Par la sexualisation et la banalisation de la pédophilie, le voilement des fillettes relève de l'atteinte à la dignité humaine. Il relève aussi de la maltraitance infantile par les dégâts psychologiques et physiques que cela engendre. En effet, grandir avec cette image de soi, en y ajoutant l'inconfort et le manque de vitamine D (démontré par certaines études sur le voile), cet accessoire créé par des hommes dans l'antiquité est une profonde atteinte aux droits et à l'intégrité physique des enfants. L'endoctrinement par le voile posé sur la conscience de la fillette parachève la monstruosité d'un tel accessoire vestimentaire.

Voilà ce que Yannick Jadot, possible candidat écologiste à la présidentielle, défend. Et il ne se pose évidemment aucune question sur l'absence de voilement des petits garçons. Ce retour en arrière concernant les corps des femmes et des petites filles, une telle discrimination pour un parti qui prétend lutter contre les discriminations, est présenté comme un progrès par EELV. Inversion typique de l'islamisme politique adopté par le parti qui invente ainsi le « sexisme bio ».

A LIRE AUSSI : "Mennel a raison de se dévoiler : dans le Coran, rien n'oblige les femmes à porter le voile"

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne