La Suisse n’échappe pas à une épidémie plus silencieuse que celle du covid. Le surpoids et l’obésité concernent près de 42% des adultes et 15% des enfants. Le sucre n’est pas le seul et unique coupable, néanmoins nous avalons 110 grammes de sucre par jour en moyenne, c’est deux fois trop par rapport aux recommandations de l’OMS. La consommation de boissons sucrées est même vertigineuse chez certains adolescents et adultes: jusqu’à 3 litres de Coca par jour, soit l’équivalent de plus de 50 morceaux de sucre! Un vrai problème de santé publique auquel l’industrie agroalimentaire et la publicité contribuent au premier chef. Et l’on nous dit depuis des années que la guerre a été déclarée contre les sucres ajoutés. C’est exact dans plus de 20 pays, dont la France, et dans les grandes villes américaines, qui ont adopté une politique offensive, en introduisant une «taxe soda», préconisée d’ailleurs par l’OMS. Le succès est au rendez-vous. En Grande-Bretagne, par exemple, la taxe sur les boissons sucrées, entrée en vigueur malgré les protestations de fabricants, a généré une diminution de 28% de leur consommation. Mieux, à Philadelphie, en un an, les ventes ont baissé de 38%.
Surtout ne rien exiger ou sanctionner, pas question de loi ni de taxe, le Conseil fédéral et le parlement, dans sa majorité, comptent sur le bon vouloir des fabricants
Et en Suisse? La formule imaginée pour le covid peut s’appliquer sans mal au sucre: «Il faut agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire.» Surtout ne rien exiger ou sanctionner, pas question de loi ni de taxe, le Conseil fédéral et le parlement, dans sa majorité, comptent sur le bon vouloir des fabricants. C’est insuffisant, au vu de l’ampleur du problème en termes de santé et de coûts induits. Rappelez-vous la Déclaration de Milan, en 2015. Dix producteurs et distributeurs alimentaires s’engageaient, sur une base volontaire, à diminuer sur cinq ans le taux de sucre dans les céréales du petit-déjeuner et les yogourts. L’accord a été récemment prolongé jusqu’en 2024, élargi également à d’autres partenaires. L’effort peut être salué, mais n’applaudissons pas! Pourquoi les sodas ou d’autres aliments très sucrés ne sont-ils pas inclus dans cet accord?
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Proposition de taxes abandonnée
Il faut des mesures plus fortes, les professionnels de la santé en sont convaincus. Or des propositions de taxe sur le sucre ont été abandonnées dans plusieurs cantons. Dans le canton de Genève, une motion du Grand Conseil invitait l’exécutif à introduire une taxe sur les sucres ajoutés dans les boissons industrielles et les produits ultra-transformés. Réponse du Conseil d’Etat en septembre dernier: une taxe de ce type devrait être prélevée au niveau national. Affaire classée. Le Grand Conseil genevois a également adressé une initiative au parlement fédéral, demandant d’édicter des «normes rigoureuses sur la teneur en sucre admise dans les boissons sucrées et les aliments transformés».
La démarche a-t-elle des chances d’aboutir? On ne peut que l’espérer, sans grand optimisme, même si elle est totalement pertinente. Fixer une teneur maximale en sucre, c’est également une mesure envisagée par l’UE dans sa stratégie «De la ferme à la fourchette». Du côté de Neuchâtel, ça bouge aussi. Dans un contre-projet en discussion, le Conseil d’Etat propose une taxe cantonale sur les boissons sucrées dont le produit serait affecté au programme de santé bucco-dentaire. Tous reconnaissent que l’excès de sucre provoque des maladies graves. Est-il tolérable que la mise en place de mesures visant à réduire sa consommation et sa teneur dans les denrées alimentaires prenne autant de temps dans notre pays?