Pillage au détecteur de métaux : un trésor archéologique de 27 400 pièces saisi chez un particulier

Pillage au détecteur de métaux : un trésor archéologique de 27 400 pièces saisi chez un particulier
Un trésor archéologique inestimable a été saisi grâce à une coopération entre les autorités belges, la DRAC Grand-Est et la douane ©PxHere

Monnaies romaines, bijoux de l'âge du Bronze, parures mérovingiennes... Au total, ce ne sont pas moins de 27 400 pièces archéologiques qui viennent d'être saisies par les douaniers français chez un particulier. Ce dernier pillait depuis des années des sites français à l'aide d'un détecteur de métaux.

C’est la saisie de pièces archéologiques pillées la plus importante jamais réalisée en France à ce jour. Le service des Douanes a annoncé, mardi 15 décembre 2020, la découverte d’une collection de 27 400 pièces archéologiques, datant de l’âge de Bronze jusqu’à la Renaissance, récoltées par un particulier. Utilisant un détecteur à métaux, ce dernier a pillé durant de nombreuses années des gisements archéologiques situés dans l’Est de la France et en Belgique. Il est aujourd’hui passible d’emprisonnement et de centaines de milliers d’euros d’amende douanière.
Cette annonce est le résultat d’une année d’enquête menée conjointement entre les autorités belges et françaises. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot-Narquin, a réagi à cette saisie historique en réaffirmant le rôle essentiel de la coopération internationale contre ce type d’atteinte au patrimoine culturel : « Pillages et trafics provoquent des pertes souvent irrémédiables à ce bien commun qu’est notre patrimoine archéologique ».

Blanchiment d’objets pillés

En septembre 2019, un résident français, qui vient d’acquérir un terrain en Belgique, déclare la découverte fortuite sur celui-ci d’un trésor monétaire composé de 14 154 pièces de l’époque romaine. Marleen Martens, archéologue de l’agence du Patrimoine de Flandre et spécialiste de la période, se rend sur place pour faire état de la découverte. En découvrant les seaux en plastique entiers de pièces de monnaie et l’emplacement supposé de la trouvaille, elle pressent une supercherie… Compte tenu de l’importance du « trésor », une fouille en bonne et due forme est effectuée sur le site tandis que les monnaies font l’objet d’un examen approfondi. Les résultats sont sans appel : les pièces de monnaie n’ont pas pu être trouvées à l’endroit décrit par le propriétaire du terrain.

14 154 pièces de l’époque romaine ont été saisies par les autorités françaises ©Douane Française

14 154 pièces de l’époque romaine ont été saisies par les autorités françaises ©Douane Française

Le dossier est alors confié à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), en charge de la lutte contre les trafics de biens culturels, qui soupçonne l’heureux inventeur de vouloir blanchir des biens archéologiques pillés grâce à la législation belge. Celle-ci permet, en effet, au propriétaire d’un terrain de rester propriétaire des objets archéologiques qui y sont découverts. En France, au contraire, et ce depuis la loi de 2016 : « les biens archéologiques mobiliers sont présumés appartenir à l’État dès leur mise au jour au cours d’une opération archéologique et, en cas de découverte fortuite, à compter de la reconnaissance de l’intérêt scientifique justifiant leur conservation ». En août 2020, une perquisition est menée en France au domicile du supposé pilleur où l’on découvre plus de 13 000 objets archéologiques supplémentaires. La douane, avec l’aide des spécialistes de la Drac Grand Est, évalue la valeur marchande du trésor autour de 770 000 euros.

La collection du pilleur contenait des boucles de ceintures mérovingiennes, médiévales et de la Renaissance ©Douane Française

Le pilleur conservait des boucles de ceintures mérovingiennes, médiévales et de la Renaissance à son domicile ©Douane Française

Une pièce rarissime de l’époque romaine

Parmi les objets découverts figurent notamment des bracelets et torques datant de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer, des fibules romaines, des boucles de ceintures mérovingiennes, médiévales et de la Renaissance, des éléments de statues, des monnaies romaines et gauloises pillées. Ce butin, amassé pendant plusieurs années par le pilleur sur des sites archéologiques référencés du Grand Est, contient par ailleurs un bien rarissime : un dodécaèdre bouleté romain. Il s’agit d’un objet en bronze à 12 faces dont on ne connaît qu’une centaine d’exemplaires à l’heure actuelle. Cet objet dont l’utilisation demeure encore énigmatique est un artefact majeur pour la recherche archéologique.

Le dodécaèdre romain ©Douane Française

Le dodécaèdre romain ©Douane Française

Le pillage d’un patrimoine commun

Pour Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, cette saisie historique est « un message clair adressé à ceux qui, pour le profit et le plaisir égoïste de quelques-uns, nous privent de notre patrimoine commun et effacent des pans entiers de notre histoire ». Rappelons en effet que, si les fouilles programmées permettent de préserver le contexte archéologique nécessaire à l’analyse de vestiges, le pillage, et en particulier celui trop largement répandu qui procède de la détection de métaux, nuit gravement à la connaissance des objets découverts. Arraché à son contexte archéologique, l’artefact pillé devient un objet isolé. Les données scientifiques qui permettent de comprendre son origine et ses liens éventuels avec d’autres objets sont irrémédiablement perdus.
En France, la recherche de monuments ou d’objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie est heureusement encadrée par des règles strictes. Comme l’indique l’article L. 542-1 du code du patrimoine, l’utilisation d’un matériel de détection d’objets métalliques (communément appelé « poêle à frire ») est soumise à une autorisation préfectorale préalable qui sera délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.

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