Neurosciences

Réguler ses émotions en respirant

La pratique du souffle pranayama enseignée par le yoga modifierait l’activité d’un centre émotionnel de notre cerveau et atténuerait ainsi les ressentis négatifs.

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Prana, en sanskrit, signifie « énergie vitale ». Et ayama, « contrôler ». Dans les exercices de respiration pranayama du yoga, il s’agit bien de respirer de façon maîtrisée afin d’obtenir des effets sur le corps – fréquence cardiaque, tension artérielle, ressentis émotionnels. Dans l’un de ces exercices, on inspire pendant une durée déterminée, par la narine droite, puis on observe une apnée de quelques secondes, avant d’expirer par la narine gauche, pendant une durée également bien mesurée, qui peut être égale ou supérieure à celle de l’inspiration.

Le « souffle contrôlé », d’après la tradition yogi et comme l’ont confirmé certaines études scientifiques, permet de réguler le climat émotionnel en atténuant les états d’angoisse, de peur ou de tristesse. Récemment, une étude de l’université de Rio de Janeiro a montré que cet exercice pratiqué sur une durée de 4 semaines modifie le fonctionnement du cerveau en atténuant l’activité d’une zone spécialisée dans les émotions négatives.

Pour cette étude, 30 jeunes adultes en bonne santé se sont livrés à des exercices de pranayama à raison de 5 séances de 30 minutes par semaine, dont trois séances en groupe et en présence d’un instructeur. À l’issue, les participants étaient placés dans un appareil à IRM pour mesurer l’activité de leur cerveau. Un dispositif de projection permettait de leur montrer des images éveillant différents types d’émotions : joie, peur, tristesse, bien-être, etc. Face aux images suscitant de la peur, de la tristesse ou de l’anxiété, notre cerveau réagit habituellement en activant une zone précise appelée « amygdale », et plus particulièrement l’amygdale située dans son hémisphère droit. Or, chez les sujets ayant participé au programme de respiration pranayama, l’activité de cette amygdale droite était très nettement réduite.

L’équipe de chercheurs a fait passer des tests d’émotivité à tous les participants, pour savoir comment se traduisait cette modification cérébrale sur un plan subjectif. Les tests ont révélé une très forte baisse des scores d’anxiété : globalement, les sujets ayant pratiqué la respiration contrôlée étaient plus détendus, et le visionnage d’images angoissantes (catastrophes, cadavres, etc.) ne leur causaient plus la même détresse.

Une expiration profonde et prolongée a la particularité d’activer le réseau nerveux apaisant du corps, le système autonome parasympathique. Entre autres effets, celui-ci ralentit la fréquence des battements du cœur, mais on sait aussi depuis peu qu’il stimule également les mécanismes neuronaux inhibiteurs faisant usage du neuromédiateur GABA. Ces voies inhibitrices relient notamment le cortex préfrontal à l’amygdale. Grâce à elles, notre cerveau frontal peut plus efficacement tempérer les accès de tristesse ou d’angoisse de notre amygdale. De ce point de vue, contrôler sa respiration est aussi un moyen de mieux réguler ses émotions.

D’autres techniques mariant corps et esprit ont un impact bénéfique sur un plan émotionnel. C’est le cas de la méditation de pleine conscience, qui donne elle aussi une place importante à la respiration. Cette fois, il ne s’agit plus de la contrôler, mais de l’observer et de s’en servir comme d’un point d’appui pour relâcher l’emprise des émotions sur notre psychisme… Dans tous les cas, à l’heure où les motifs d’angoisse sont de plus en plus nombreux et nous assaillent, aussi bien à l’écoute des informations que sur les réseaux sociaux, passer plus de temps à bien respirer et un peu moins de temps devant votre écran vous apportera sûrement d’immenses bénéfices !

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Sébastien Bohler

Sébastien Bohler est docteur en neurosciences et rédacteur en chef de Cerveau & Psycho.

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