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Ernestine Ronai, 72 ans et infatigable pionnière de la lutte contre les féminicides

Ernestine Ronai
Ernestine Ronai est l'une des pionnières dans la lutte contre les féminicides. (Paris, le 22 août 2019.) Zakaria Abdelkafi / AFP

Militante de la première heure, Ernestine Ronai alerte depuis des années sur le fléau des féminicides. À quelques jours du Grenelle des violences conjugales, la femme de 72 ans compte bel et bien faire entendre sa voix.

Elle militait déjà contre les violences faites aux femmes quand personne ou presque ne parlait de féminicide. À 72 ans, Ernestine Ronai a su s'imposer comme une figure incontournable à l'approche du Grenelle lancé mardi 3 septembre, en écho au 3919 (le numéro d'écoute national destiné aux femmes victimes de violences conjugales, NDLR).

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Petite femme en jupe classique, foulard coloré sur le cou, elle bat le pavé après chaque féminicide recensé. Son objectif ? Rendre hommage à toutes ces femmes mortes sous les coups de leur (ex)conjoint et "alerter l'opinion publique" sur ce fléau contre lequel elle s'active depuis des années en coulisses. Ces prochaines semaines, Ernestine Ronai compte d'ailleurs faire entendre sa voix. Aux côtés d'autres associations, elle demandera au gouvernement d'augmenter les moyens contre ces violences. "J'ai déjà connu un Grenelle où mes moyens avaient augmenté", raconte-t-elle à l'AFP avec malice. C'était en 1968, je venais d'être nommée instit' à La Courneuve et nos salaires avaient doublé."

Engagée dès le plus jeune âge

Directrice d'école, puis psychologue scolaire, Ernestine Ronai a fait l'essentiel de sa carrière en Seine-Saint-Denis. Pour autant, elle habite toujours à Paris, métro Colonel Fabien, à deux pas du siège du Parti communiste. Encartée dès 13 ans, elle milite très tôt pour "l'égalité et la parité", sans prendre immédiatement conscience des violences conjugales. C'est lors de permanences juridiques à "Femmes solidaires", dont elle est la secrétaire nationale à la fin des années 80, qu'elle comprend avoir échoué à détecter ces violences dans ses précédentes fonctions. Faute, simplement, d'avoir interrogé les victimes.

"Il y a encore du travail pour donner confiance aux femmes dans les forces de sécurité"

"Quand j'ai repris mon travail de psychologue, j'ai systématiquement posé la question aux mères d'enfants en difficulté scolaire. Êtes-vous victime de violences à la maison? Une sur deux me répondait oui", raconte-t-elle. Face à ce constat, former les professionnels à recueillir la parole des femmes en danger devient l'une de ses priorités. Plus tard, elle mettra en place, avec le ministère de l'Intérieur, une "trame d'audition" à destination des gendarmes et policiers. "Il y a eu beaucoup de progrès, mais il y a encore du travail pour donner confiance aux femmes dans les forces de sécurité."

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"Une force intérieure"

Nos parents nous ont donné l'envie de nous battre pour que la lumière l'emporte

Intarissable sur les dispositifs et les lois, Ernestine Ronai garde secrète sa vie privée et s'attarde peu sur son histoire familiale. Tout juste lâche-t-elle qu'"être victime, je sais ce que ça veut dire". Née à Paris au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans une famille juive et ouvrière, elle est fille d'une Polonaise et d'un Autrichien qui se sont rencontrés en France, où ils s'étaient cachés pour fuir l'antisémitisme. "Nos parents nous ont donné l'envie de nous battre pour que la lumière l'emporte", explique sa sœur jumelle, Henriette, toujours à l'AFP. Cette dernière l'assure : elle n'a jamais vu Ernestine abattue, malgré la dureté des situations rencontrées. "Elle a le goût de se battre pour changer les choses et la joie de le faire."

En 2002, nouveau combat pour la militante. Le conseil départemental de Seine-Saint-Denis fait appel à elle pour lancer le premier Observatoire départemental des violences faites aux femmes, structure qui a essaimé ailleurs en France. Sur le terrain, les acteurs sont "bluffés" par cette "grosse bosseuse", "opiniâtre" qui sait les entraîner derrière ses projets. Alors procureur à Bobigny, François Molins se souvient d'un partenariat inédit. Ensemble, ils se penchent sur des dossiers de féminicides "pour voir ce qu'on aurait pu faire" pour que cela n'arrive pas. "Elle a beaucoup de force intérieure", salue le magistrat, admiratif de son "expertise quasiment inégalée sur le sujet".

La nouvelle génération s'en inspire

Pour la jeune génération, c'est une "boussole". "Ernestine fait partie des deux, trois personnes que j'appelle quand j'ai un doute", confie Caroline De Haas, instigatrice du collectif #NousToutes. "Elle donne envie d'être impliquée, de ne jamais relâcher", ajoute Assia Benziane, 30 ans, élue locale en banlieue parisienne et membre, comme Ernestine Ronai, du Haut Conseil à l'égalité femmes-hommes (HCE).

Si elle a dépassé l'âge de la retraite, la militante continue de sillonner la France pour former les professionnels. Elle fera même sa cinquième rentrée au sein du diplôme universitaire lancé à l'Université Paris-8 avec un juge des enfants de Bobigny. Toujours comme enseignante.

Ernestine Ronai, 72 ans et infatigable pionnière de la lutte contre les féminicides

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30 commentaires
  • demalherbe

    le

    Cette femme, comme toute militante, fait de la lutte contre les violences conjugales sa propre justice. A l’écouter, tous les hommes sont violents, pervers narcissiques, brutaux, violeurs ... on ne peut traiter ce fléau sous cet angle unilatéral et la violence conjugale est un phénomène extrêmement plus complexe que leurs discours extrémistes. Tout existe dans le code pénal pour traiter convenablement ce contentieux. Il faut juste plus de rigueur et bien sûr un peu plus de budget pour les acteurs en place et certainement pas davantage pour les associations militantes qui font inconsciemment plus de dégâts qu’elles ne règlent les vrais problèmes.

  • Yaka51

    le

    En français : un homicide. Veuillez vous référer à la définition du dictionnaire de l'académie Française.

  • RAFAELRI

    le

    Féminicide! Je ne suis pas abonné au Figaro pour lire un mauvais ersatz de Libé.