Archéologie : un « fast-food » antique et son exceptionnel décor mis au jour à Pompéi

Archéologie : un « fast-food » antique et son exceptionnel décor mis au jour à Pompéi
Un thermopolium, établissement de restauration rapide antique, a été découvert sur le site archéologique de Pompéi ©Luigi Spina

Ce samedi 24 décembre, le directeur du site archéologique de Pompéi, Massimo Osanna, a annoncé la découverte d'un thermopolium, équivalent à nos fast-foods modernes, qui nous en apprend un peu plus sur les us et coutumes (gastronomiques) des Pompéiens avant l'éruption du Vésuve.

Le thermopolium de Regio V, qui compte parmi les 80 établissements de « fast food » antiques découverts à Pompéi, avait été partiellement exhumé en 2019 dans le cadre des opérations de sécurisations liées au Grand Projet Pompéi. L’intervention avait révélé, sur l’une des faces de ce comptoir de rue, une splendide fresque figurant une Néréide chevauchant un hippocampe. Compte tenu de la qualité exceptionnelle du site et de ces premières découvertes, les fouilles ont été reprises en 2020 pour dégager la dernière section du thermopolium. Celles-ci ont permis de mettre au jour différents ustensiles de cuisine ainsi que des résidus alimentaires et surtout l’ensemble du décor peint de cette échoppe. Exceptionnellement bien conservé, celui-ci représente, de manière naturaliste, les produits alimentaires et les boissons que l’on pouvait effectivement acheter sur place. Ces artefacts et représentations nous renseignent sur les habitudes alimentaires et la vie quotidienne des Pompéiens avant l’éruption du Vésuve en 79 av. JC.

Des cantines de rues antiques

À l’instar de nos restaurants, les thermopolia étaient ancrés dans le paysage urbain des cités romaines. Il était coutumier dans le monde romain de consommer le repas (prandium) à l’extérieur de la maison et ces commerces proposaient des plats et de boissons à emporter, que l’on pouvait parfois consommer sur place. Ces échoppes, très fréquentées, disposaient généralement d’un comptoir maçonné, revêtu de plaques de marbre, dans lequel étaient encastrées de larges jarres en terre cuite, appelées dolia, destinées à stocker les aliments. La clientèle des thermopolia, composée de citoyens modestes, de voyageurs, d’étrangers et de marginaux, leur vaut, selon certains écrits antiques, une mauvaise réputation…

Les dolia permettaient le stockage des aliments et des liquides ©Parco Archeologico di Pompei

Les dolia permettaient le stockage des aliments et des liquides ©Parco Archeologico di Pompei

Les nouvelles fouilles menées au thermopolium de Regio V ont révélé dans les creusements de la table la présence d’une grande variété de reliefs alimentaires : fragment d’os de canard, restes de porc, de chèvre, de poisson et d’escargots. Ces ingrédients étaient destinés à être cuisinés ensemble, à la façon d’une paella, et consommés probablement avec du vin ou des boissons chaudes. Au fond d’une de ces jarres, on a également retrouvé des fèves broyées qui pouvaient être mêlées au vin pour en modifier la couleur et le goût. Divers objets permettant de conserver et de transporter les aliments et les boissons ont aussi été trouvés, parmi lesquels neuf amphores, une patère en bronze (servant au service du vin), deux flacons et une olla de table (équivalent à une marmite) en céramique. « En plus d’être un témoignage sur la vie quotidienne à Pompéi, les possibilités d’analyse de ce thermopolium sont exceptionnelles, parce que pour la première fois on a exhumé un environnement entier », explique Massimo Osanna, directeur général du parc archéologique de Pompéi, dans le communiqué d’annonce de la découverte.

Les fresques ont conservé leur polychromie exceptionnelle ©Luigi Spina

Les fresques ont conservé leur chatoyante polychromie ©Luigi Spina

Images publicitaires ?

Outre la scène mythologique figurant une néréide sur un hippocampe, les images qui composent le décor polychrome du thermopolium représentent les denrées alimentaires qui y étaient proposées à la vente ou évoquent plus largement l’activité de la boutique. À un satyre soulevant des couvercles de jarres répondent ainsi deux natures mortes : l’une figurant deux canards colverts, l’autre une volaille. Grâce au travail conjoint des archéologues, anthropologues, archéobotanistes et archéozoologues travaillant sur le site, il a pu être établi que les restes conservés dans les jarres correspondaient aux espèces illustrées dans ces natures mortes. Exceptionnellement bien conservé, le décor peint de cette échoppe antique, aux couleurs chatoyantes, semble donc avoir eu une fonction publicitaire, quasi signalétique. Les badauds pouvaient ainsi se faire rapidement une idée du menu qui pouvait leur être proposé.

Fresque d'une Néréide chevauchant un hippocampe ©Luigi Spina

Fresque d’une Néréide chevauchant un hippocampe ©Luigi Spina

Dans l’un des encadrés peints, apparaît également un chien en laisse. Selon l’équipe de fouille, cette image tiendrait lieu d’avertissement, suivant l’expression latine Cave canem (« Attention au chien »). Sur le pourtour de cette fresque, un graffiti malveillant a été mis au jour : NICA CINAEDE CACATOR, qui se traduit par « Nicias, merde sans vergogne ». Ce mot a probablement été laissé par un client qui cherchait à se moquer du propriétaire ou d’un travailleur du thermopolium.

Le chien en laisse du thermopolium de Regio V et le graffiti ©Luigi Spina

Le chien en laisse du thermopolium de Regio V et le graffiti ©Luigi Spina

Les victimes de l’éruption

En plus d’un squelette complet de chien, des ossements humains ont été découverts à l’intérieur du thermopolium. Deux individus semblent avoir été surpris par l’éruption volcanique survenue en octobre 79 av. JC. « L’échoppe semble avoir été fermée à toute hâte et abandonnée par ses propriétaires, mais il est possible que quelqu’un, peut-être l’homme le plus âgé, soit resté et ait péri au cours de la première phase de l’éruption, dans l’effondrement du grenier », a expliqué Massimo Osanna, dans un entretien accordé à l’agence de presse italienne Ansa.

Les ossements appartenant à deux hommes ont été identifiés sur le site ©Parco Archeologico di Pompei

Les ossements appartenant à deux hommes ont été identifiés sur le site ©Parco Archeologico di Pompei

L’étude des ossements s’avère complexe en raison des passages de pilleurs illégaux. Au XVIIe siècle, des individus se sont introduits sur le site et y ont creusé des tunnels. Ils ont éparpillé les restes humains à la recherche d’objets précieux. De ce fait, un nombre important d’ossements a été déplacé de la réserve jusqu’au comptoir. Ces ossements appartiennent à un homme d’une cinquantaine d’années qui se trouvait probablement sur un lit d’appoint lorsqu’il a été surpris par les nuées pyroclastiques, comme en témoignent les résidus de bois trouvés sous son corps. Les os d’un autre homme ont été découverts à l’intérieur d’un grand dolium. S’agirait-il d’un voleur ? Les futures analyses permettront de détailler les hypothèses quant à ce second individu. La présence d’ossements de victimes de la célèbre éruption du Vésuve fait écho à la découverte, le mois dernier, de deux corps exceptionnellement conservés et moulés dans une villa pompéienne du secteur de Civita Giuliana.

@ newsletters

La sélection expo
Chaque semaine découvrez nos expositions coup de cœur, nos décryptages exclusifs et toutes les infos pratiques.

S'inscrire à la newsletter
newsletters

Retrouvez toute la Connaissance des arts dans vos mails

Découvrir nos newsletters