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Tunisie : le chanteur Noomane Chaari menacé de mort pour son clip "Paix entre voisins"

Pour avoir chanté la paix entre les religions en arabe avec un artiste israélien, l'artiste Noomane Chaari est menacé de mort.

Camille Neveux , Mis à jour le
Le chanteur tunisien Noomane Chaari.
Le chanteur tunisien Noomane Chaari. © Capture d'écran du clip vidéo

Neuf minutes ont fait basculer sa vie. Lorsqu'il s'est attelé à ce projet il y a neuf mois, jamais le chanteur tunisien Noomane Chaari n'aurait pensé que son clip Paix entre voisins lui ferait vivre un tel enfer. Et pour cause : l'objectif de la chanson, interprétée aux côtés de l'artiste juif israélien Ziv Yehezkel, d'origine irakienne, était de construire "des ponts les uns vers les autres". "J'avais en tête cette chanson depuis longtemps, confie-t-il depuis Tunis, lunettes rondes sur le nez et traits tirés. Je pensais au départ regrouper des chanteurs avec des cultures et des religions très différentes. J'avais déjà écrit une opérette qui parle de paix en Libye, une chanson dans le même esprit après la révolution tunisienne. J'avais une sorte d'expérience dans ce domaine."

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Mais la mélodie en arabe, sous-titrée en hébreu et en anglais, n'est pas du goût de tout le monde, tout comme les images de Tunis et de Jérusalem incrustées dans le clip. Après sa mise en ligne courant décembre, le syndicat UGTT des musiciens l'a qualifié de "provocation contre le peuple tunisien et contre l'ensemble du peuple arabe". Sur Facebook - que Noomane Chaari a quitté depuis -, les menaces de mort pullulent : "Vous suivrez votre père dans la tombe", "Puisse Dieu vous tuer, collabo…"

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Je pense qu'il y a des hommes politiques derrière ces menaces, mais je n'ai pas de noms

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Le père de famille a également été licencié de la première chaîne de télévision publique, où il était chroniqueur. "Les réactions des médias ont été très violentes, surtout la radio Mosaïque FM, regrette-t-il. Quand je demandais à mes détracteurs 'as-tu écouté la chanson?', on me répondait immédiatement : 'Non, il y a un Israélien dedans…' Je pense qu'il y a des hommes politiques derrière ces menaces, mais je n'ai pas de noms." Sa demande de protection policière étant restée lettre morte, le chanteur a fini par embaucher des gardes du corps à ses frais. "Je n'ai eu aucun retour, ni des forces de l'ordre, ni du gouvernement", accuse-t-il. Quelques "pro-Noomane" ont tout de même pris la parole ou le crayon pour le soutenir, comme le chanteur Imed Aziz ou le caricaturiste Anis Mahrsi.

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La question palestinienne reste une ligne rouge

La polémique dépasse désormais les frontières de la Tunisie. Noomane Chaari a reçu cette semaine le soutien sur Twitter du porte-parole adjoint du département d'Etat américain, Cale Brown. Les députées françaises LR Constance Le Grip et Brigitte Kuster ont également envoyé une lettre à l'ambassadeur de Tunisie en France pour savoir "quelles mesures de protection lui étaient apportées", tandis que le sénateur Richard Yung (LREM) a demandé dans un courrier au ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, de signaler aux autorités tunisiennes "l'intérêt que la France porte à sa sécurité personnelle".

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C'est un sujet sensible, mais je chante simplement la paix entre les religions

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Son initiative, lancée au nom du Conseil arabe pour l'intégration régionale, composé d'intellectuels arabes appelant au dialogue avec l'Etat hébreu, survient dans un contexte doublement particulier. D'abord, les dix ans du printemps arabe, qui ont désormais pour Noomane Chaari un goût amer. "Je pensais qu'après la révolution on serait tous heureux de connaître la liberté, souffle l'artiste. Mais il n'y a rien, même pas de loi qui me protège… C'est un sujet sensible, mais je chante simplement la paix entre les religions."

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Ensuite, la normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes comme les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan ou le Maroc, sous l'égide de l'administration Trump. Pour la Tunisie, le sujet n'est pas à l'ordre du jour : la question palestinienne reste une ligne rouge. Le chanteur explique pourtant que son calendrier n'a rien à voir avec l'agenda diplomatique. "La date de diffusion n'était pas fixée, elle est due à divers contretemps personnels et à la crise sanitaire", rapporte-t-il, en précisant vouloir désormais "quitter le pays" : "J'ai une famille. Dans ces conditions, je ne peux pas rester…"

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