Paul Auster : "L'écriture m'a permis d'être entremêlé aux choses qui m'entouraient, et de ressentir une nouvelle expérience du monde"

Paul Auster ©AFP - Jeff Pachoud
Paul Auster ©AFP - Jeff Pachoud
Paul Auster ©AFP - Jeff Pachoud
Publicité

Ses écrits couvrent tous les champs de l'écriture, du roman à la poésie, de l'essai au théâtre, des nouvelles au scénario. Au micro d'Arnaud Laporte, Paul Auster retrace les expériences fondamentales de sa vie d'écrivain, de ses premières romans à la construction de son dernier livre "4 3 2 1".

Avec

Enregistrée dans le cadre du Festival Le Goût des Autres au Havre, l'écrivain-cinéaste Paul Auster répond en français, avec un léger accent, aux questions d'Arnaud Laporte, et évoque son long parcours d'écrivain, poète et cinéaste. 

À 18 ans, lors d’un voyage en Europe, Paul Auster tombe amoureux de la France et de Paris. Il se lie d’amitié avec le futur cinéaste Wim Wenders. Trop timide, il ne tente pas le concours d’entrée à l'IDEHC (ancêtre de la Fémis actuelle), que son ami Wim va d’ailleurs rater. Paul Auster avait déjà en tête de devenir écrivain. Il se souvient de son exaltation lorsqu’il écrit son premier poème sur le printemps dans un parc. Il a une autre révélation à 15 ans en lisant Crime et châtiment de Dostoïevski.

Publicité

Paul Auster : J'ai commencé à écrire quand j'avais 9 ans, et je ne sais pas pourquoi. Mais je me souviens très bien d'une journée en avril, un samedi matin, le premier jour du printemps, j'étais rempli d'une joie, du bonheur de dire au revoir à l'hiver et tout à coup j'ai eu l'inspiration d'écrire un poème. Ecrire m'a donné une nouvelle expérience d'être plus connecté aux choses qui m'entouraient Ce fut une révélation. Cette sensation d'être entremêlé aux choses du monde, ce fut une exaltation. A l'âge de 14 ans, je suis arrivé à une maturité d'esprit où je pouvais à comprendre n'importe quel livre. Et à 15 ans, j'ai lu Crime et Châtiment de Dostoïevski, ce livre m'a changé, ce fut une explosion extérieure et intérieure. Je me suis dit si un livre peut provoquer tant d'émotions et de pensées, alors écrire des romans est la meilleure chose que l'on peut faire." 

Jusqu’à l’âge de 30 ans, il se consacre à ses études et à l’écriture et la traduction de poèmes. Une autre "expérience fondamentale" le fait devenir romancier. Spectateur d’une chorégraphie, il constate l’impossibilité de décrire avec des mots la beauté d’une danse.

Paul Auster : Un espace s’est ouvert entre le monde et la parole. Et j’ai compris finalement l’impuissance des mots  face à la réalité du monde. Et ça m’a donné une vague de bonheur qui est passée par moi. Et j’ai été libéré par ça. Et tous les doutes que je traînais avec moi, tous les problèmes d’écriture que je n’ai pas résolus, ne comptaient plus. Et le lendemain j’ai commencé à écrire quelque chose qui n’est pas un récit, ni un poème, un texte étrange qui a eu le titre "Espaces blancs.

Le Temps des écrivains
58 min

Paul Auster termine l'écriture dans la nuit. Quelques heures plus tard, son oncle l'appelle pour lui annoncer la mort de son père. Un événement qui déclenche l’écriture de son récit Invention de la solitude. Ecrire pour Paul Auster, s'annonce par un rythme, une musique, une cadence, "sans mots attachés". Paul Auster écrit paragraphe par paragraphe ses romans ou récits. Et s’il corrige ses textes, il tient compte aussi de la lecture décisive de sa femme, l’écrivain Siri Hustvedt : "Elle est plus intelligente que tous les éditeurs". 

Paul Auster : Pour moi, chaque livre que j’ai écrit possède un rythme et une musique différents de tous les autres. Et dès que j’entends cette musique et que je me familiarise avec cette musique, c’est très curieux, les faits, les choses et les personnages commencent à apparaître autour de cette musique et de danser. Ecrire un roman est un long processus, c’est comme un marathon. Alors il ne faut pas courir trop vite, parce qu’on va s’épuiser trop vite, trop tôt. Chaque livre est un nouveau livre. Le travail du passé ne compte pas. Je suis débutant chaque fois que je commence un livre.

Les Nuits de France Culture
2h 57

Pour aller plus loin

-Bernard Pivot reçoit Paul Auster dans Apostrophes en 1990, un entretien à revoir sur le site de l'Ina.

- À chaque être, plusieurs autres vies me semblaient dues. Diacritik relit le dernier roman de Paul Auster à travers le prisme de cette phrase de Rimbaud.

- Paul Auster : une philosophie de l’identité : article publié dans la revue de sciences humaines Interrogations (n°15, décembre 2012)

-Marie Thévenon : Les ”avatars du moi” chez Paul Auster : autofiction et métafiction dans les romans de la maturité. Thèse en Littératures Centre d'Études sur les Modes de la Représentation Anglophone-Université de Grenoble, 2012.

Réécoute du 15 août 2018

L'équipe