Un boulanger en grève de la faim pour protester contre l'expulsion de son apprenti

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Un boulanger en grève de la faim pour protester contre l'expulsion de son apprenti

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Le boulanger de la rue Rivotte à Besançon se bat pour garder son apprenti Laye Fodé Traore, jeune immigrant de la Guinée menacé d'expulsion
Le boulanger de la rue Rivotte à Besançon se bat pour garder son apprenti Laye Fodé Traore, jeune immigrant de la Guinée menacé d'expulsion
© Radio France - Christophe Mey

À Besançon, Stéphane Ravacley, boulanger, a embauché un apprenti il y a plus d'un an, un jeune mineur venu de Guinée. Aujourd'hui majeur, le jeune homme est menacé d'expulsion. Son patron a décidé de se battre contre cette décision, et a entamé une grève de la faim.

Le patron de la Huche à Pain, à Besançon, ne s'alimente plus depuis trois jours : lui, qui a formé un apprenti depuis un an et demi, embauché alors qu'il était mineur, a appris que la préfecture le considère, aujourd'hui majeur, expulsable. Pour les autorités, il n'aurait pas fourni de papiers en bonne et due forme, mais son patron, lui, ne comprend pas. 

Le sourire de Laye Fodé Traoréiné est aussi doux que timide, sur la photo prise dans la boulangerie de Stéphane Ravacley. "C'est vraiment un super gamin qui parle français mieux que moi, plaide l'artisan. Il a appris très très rapidement. Et puis il devait passer son CAP entre mai et juin de cette année", enrage-t-il. Pris en charge mineur à son arrivée en France, le garçon a d'abord cherché des stages en plomberie, mais il n'a pas trouvé de patron. Sa tutrice l'a alors orienté vers la boulangerie. Il est arrivé chez Stéphane Ravacley avec elle. "Former des jeunes en alternance c'est galère raconte t-il. On n'en trouve pas !" Le boulanger l'a pris en apprentissage en août 2019, content de le voir prendre des initiatives, dès le premier jour où il s'est présenté. Il le juge aujourd'hui doué et travailleur, "suffisamment motivé pour se lever à 3 heures du matin."

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"Tu rentres chez toi !"

Stéphane Ravacley comptait donc emmener le jeune renfort jusqu'au CAP, voire jusqu'au BAC pro. Pour l'instant c'est compromis. Mais c'est surtout humainement que le boulanger peine à comprendre la situation. "On ouvre les portes à un gamin et on lui dit 't'en fais pas on te protège, tu risques rien'. On lui alloue de l'argent, on le loge. Et 2 ans après on lui dit 'non, ce beau rêve dans lequel tu étais , il n'existe plus, tu rentres chez toi !'" Stéphane Ravacley a donc cessé de s'alimenter pour attirer l'attention. Pour l'instant, il ne ressent pas la faim, il n'y pense pas. Il a aussi lancé une pétition auprès de ses clients. Elle est aujourd'hui en ligne sur Change.org. Elle dépasse les 123.000 signatures.

Un recours contre l'expulsion 

Le parcours de Laye est classique : orphelin, parti de Guinée à 16 ans, passé par la Libye, la Méditerranée sur un canot, débarqué en Italie, arrivé en France à Nice, avant de trouver refuge en Haute Saône. La préfecture estime aujourd'hui que les documents d'état civil qu'il a produits ne sont pas conformes. La Police de l'air et des frontières en tous cas, considère que leur authenticité est douteuse, comme souvent pour les jeunes migrants provenant de Guinée. "Mais ils proviennent des autorités guinéennes" précise Me Amandine Dravigny qui défend le jeune homme. "Il a un acte de naissance, un jugement supplétif, les autorités du pays lui ont remis une carte d'identité consulaire. Quand on lit le rapport de la PAF, très honnêtement j'ai du mal à voir qu'on puisse qualifier ces documents de faux" argumente l'avocate, qui a formulé un recours contre l'expulsion devant le tribunal administratif de Besançon. Elle s'adresse également à l'ambassade de Guinée en France pour qu'elle légalise la situation de Laye, quitte à ce qu'il se déplace à Paris, pour attester de son identité.

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