Que nous apprend la sexualité des animaux ?

Gros plan sur un pénis de grand dauphin (Tursiops truncatus) ©Getty - Wild Horizons/Universal Images Group via Getty Images
Gros plan sur un pénis de grand dauphin (Tursiops truncatus) ©Getty - Wild Horizons/Universal Images Group via Getty Images
Gros plan sur un pénis de grand dauphin (Tursiops truncatus) ©Getty - Wild Horizons/Universal Images Group via Getty Images
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Des pénis en gouttière, des pénis à quatre glands, sonores ou même détachables, des vagins stockeurs et des clitoris épineux… la liste est longue. L’espèce animale regorge de stratégies adaptatives. Et contrairement aux idées reçues, les pratiques sexuelles ne se limitent pas à un but reproductif.

Avec
  • Emmanuelle Pouydebat Directrice de recherche au CNRS et au MNHN, spécialiste de l'évolution des comportements

Les organes génitaux des animaux comme leurs pratiques sexuelles ont évolué au cours de l'évolution des espèces, et pas uniquement dans le but de se reproduire. Emmanuelle Pouydebat est l'invitée de Guillaume Erner. Spécialiste de l'évolution des comportements animaliers, elle évoque en détail ces pratiques que l'on croyait à tort réservées à la sexualité des humains :

Emmanuelle Pouydebat : La fellation, le cunnilingus, la bisexualité, l’homosexualité, l’orgasme, toutes ces pratiques existent chez les animaux et sont liées au plaisir, même si on sait que certaines d’entre elles comme le cunnilingus ou la fellation ont aussi un but anti mycosique ou anti bactérien. On sait aussi que la masturbation existe chez les écureuils, le plus souvent après la copulation, pour limiter les Infections Sexuellement Transmissibles (IST). Mais ce n'est pas une pratique isolée, on l'observe aussi chez les koalas, les chevaux, les dauphins, les grands singes. Chez les macaques, certaines femelles peuvent se masturber sur d’autres animaux.

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La chercheuse évoque aussi des pratiques de viol et de harcèlement telles qu'on peut les observer chez les canards et chez les dauphins notamment.

Emmanuelle Pouydebat : Chez les canards, le viol arrive quand les femmes sont moins nombreuses et qu’il faut absolument s’accoupler. Mais les femelles ont développé des stratégies de ripostent. Les femelles dauphins par exemple ont développé des plis à l’intérieur de leur organe génital ou même des clapets pour bloquer le sperme des indésireux. Chez les psoques, des minuscules mouches, la femelle a développé un faux pénis et c’est elle qui pénètre le mâle pour aller chercher le sperme. Et l’accouplement dure 70 heures ! Les chauve-souris disposent quant à elles de banques de sperme. Tout un tas de ripostes existent chez les femelles mais elles sont encore sous-étudiées.

Emmanuelle Pouydebat évoque la variabilité étonnante des organes génitaux masculins : pénis à gouttière, à quatre glands, double pénis accrochés, épineux, en tire-bouchon, mobiles, sonores, etc. Mais précise que la science est beaucoup moins avancée en matière de connaissance des organes génitaux féminins. Comment expliquer ce biais scientifique qui fait que les femelles sont moins étudiées ?

Emmanuelle Pouydebat : Il y a au départ une difficulté réelle d'accès à l’anatomie des femelles. Pendant longtemps, il était plus facile de conserver un pénis qu'un vagin. Mais ce décalage est problématique. Pour le canard par exemple, il est impossible de comprendre pourquoi le mâle a un pénis en tire-bouchon si l’on ne sait pas que la femelle est pourvue d’un vagin en tire-bouchon parfois en sens inversé afin de limiter la pénétration du mâle. On se rend compte aujourd'hui qu'il devient indispensable d’étudier les femelles de façon à pouvoir saisir les enjeux de la co-évolution des espèces. Mais également qu'il faut combler ce biais dans une perspective médicale.

Le Monde vivant
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