Publicité

«Les Centrafricains veulent choisir leurs dirigeants par les urnes et non par les armes»

Une semaine après les élections présidentielle et législatives, la capitale de la république centrafricaine oscille entre le soulagement d’avoir pu voter et la psychose d’une attaque des rebelles qui contrôlent désormais la majorité du pays. Le témoignage de Brice Ndangoui, rédacteur en chef de la radio Ndeke Luka

Des soldats centrafricains patrouillent le 4 janvier dans la capitale Bangui avant l’annonce des premiers résultats de l’élection présidentielle du 27 décembre, donnant le président sortant, Faustin Archange Touadéra, vainqueur au premier tour. — © keystone-sda.ch
Des soldats centrafricains patrouillent le 4 janvier dans la capitale Bangui avant l’annonce des premiers résultats de l’élection présidentielle du 27 décembre, donnant le président sortant, Faustin Archange Touadéra, vainqueur au premier tour. — © keystone-sda.ch

Le président sortant de la République centrafricaine, l’un des pays les plus pauvres du monde et miné depuis une décennie par l’instabilité, est en passe de rempiler pour un second mandat. Selon des résultats encore partiels annoncés lundi, Faustin Archange Touadéra a obtenu un peu plus de 50% des suffrages lors de l’élection du 27 décembre. Mais l’opposition réclame d’ores et déjà l’annulation de ce scrutin tronqué, puisque la moitié de la population n’a pas pu voter à cause de la situation sécuritaire. La Cour constitutionnelle doit encore valider les résultats d’ici au 19 janvier.

Retrouvez notre suivi de l’actualité africaine

«Aucune loi ne fixe un seuil de participation pour valider les élections, juge Brice Ndangoui, le rédacteur en chef de la radio Ndeke Luka, premier média du pays fondé et créé par la fondation Hirondelle, basée à Lausanne. De nombreux Centrafricains ont voté malgré les menaces. Les gens ne veulent plus de la guerre, ils sont fatigués, ils veulent choisir leurs dirigeants par les urnes et non les armes.»

Psychose à Bangui

Le scrutin s’est déroulé sans problème majeur dans la capitale, Bangui, mais, dans les zones contrôlées par les groupes rebelles, les électeurs ont été empêchés de voter ou les urnes ont été détruites. Les partis d’opposition dénoncent pour leur part des fraudes et des bourrages d’urnes. La rédaction de radio Ndeke Luka, une trentaine de journalistes basés à Bangui et autant dans le reste du pays, ne dispose pas d’éléments dans ce sens. «Les candidats de l’opposition disent avoir des preuves de ces irrégularités, nous verrons bien», continue Brice Ndangoui.

Lire aussi: «Après la réélection du président centrafricain, l’opposition réclame l’annulation du scrutin»

En attendant, les habitants de la capitale vivent dans la psychose d’une attaque des rebelles. Ces derniers sont en effet «aux portes de Bangui», rapporte le rédacteur en chef de radio Ndeke Luka. «Les activités sont paralysées, certaines écoles et certains commerces n’ont pas ouvert, d’autres ont fermé à la mi-journée», témoignait-il mardi.

Dimanche, les insurgés ont attaqué Damara, la ville du président Touadéra, à près de 70 km de la capitale. L’assaut qui a eu lieu dimanche a été repoussé par l’armée centrafricaine, avec l’appui des Casques bleus de l’ONU mais aussi de militaires rwandais et russes, dépêchés avant l’élection du 27 décembre.

Rivalité entre la France et la Russie

La coalition de rebelles avait en effet juré d’empêcher le scrutin. A la veille du vote, l’ancien président François Bozizé, dont la candidature à la présidentielle avait été invalidée, s’est rallié aux rebelles. La justice centrafricaine vient de lancer des poursuites judiciaires contre cet ancien président, qui s’est volatilisé.

En plus d’une guerre civile, la Centrafrique est le théâtre d’une rivalité entre Paris et Moscou. La France, ancienne puissance coloniale et qui était intervenue militairement une énième fois en 2013, voit en effet d’un très mauvais œil la présence de mercenaires russes depuis trois ans.

Le rôle de Moscou est-il stabilisateur ou déstabilisateur? Brice Ndangoui ne se prononce pas sur cette question sensible mais rapporte les justifications du gouvernement. Selon ce dernier, la Centrafrique n’a pas le luxe de pouvoir refuser les mains tendues. Même si celles-ci sont loin d’être désintéressées. La Russie a vendu des armes à la Centrafrique et le pays n’est pas dénué de richesses, en particulier en or et diamants.