41 000 euros ! Sovaldi, un médicament au prix qui tue

Le sofosbuvir (commercialisé sous le nom de Sovaldi) pourrait soigner plus de 90% des malades de l'Hépatite C, mais de nombreux pays ont rationné le médicament en raison de son prix ©Getty -  Monty Rakusen
Le sofosbuvir (commercialisé sous le nom de Sovaldi) pourrait soigner plus de 90% des malades de l'Hépatite C, mais de nombreux pays ont rationné le médicament en raison de son prix ©Getty - Monty Rakusen
Le sofosbuvir (commercialisé sous le nom de Sovaldi) pourrait soigner plus de 90% des malades de l'Hépatite C, mais de nombreux pays ont rationné le médicament en raison de son prix ©Getty - Monty Rakusen
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Superfail revient cette semaine sur la mise sur le marché d’un puissant antiviral, le Sovaldi, permettant de soigner définitivement les malades d’Hépatite C. Seul problème ? Son prix, s’élevant à 41 000 euros en France, qui oblige le gouvernement à rationner ce médicament.

Avec
  • Olivier Maguet

Un médicament qui soigne et qui soigne bien, c’est une véritable bénédiction. Mais lorsque la cure est vendue 41 000 euros, ça fait cher la bénédiction. Et ce, surtout, lorsque le médicament coûte seulement quelques centaines d’euros à produire. 

Comment sont fixés les prix des médicaments aujourd’hui ? Peut-on justifier ces prix par les efforts en recherche et développement des laboratoires ? Pour répondre à nos questions, nous avons interrogé Olivier Maguet, administrateur de Médecins du Monde et auteur d’un ouvrage intitulé La Santé hors de prix : l’affaire Sovaldi, publié aux éditions Raisons d’agir. 

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Le Sovaldi, un médicament efficace contre l’hépatite C au prix exorbitant 

Lors de son arrivée sur le marché fin 2013, le Sovaldi est une véritable révolution pour les malades d’hépatite C : à raison d’un comprimé par jour pris pendant 12 semaines, le Sovaldi éradique le virus sans effets secondaires, et guérit de manière définitive. Jusqu’alors, les stratégies thérapeutiques reposaient uniquement sur le renforcement des défenses immunitaires du patient :  

Pendant de longues années, depuis que le virus est identifié en 1989, nous n’avons eu pour seule stratégie thérapeutique que de renforcer l’immunité de la personne infectée. Et puis c’était à la personne de se débrouiller quelque part elle-même, avec ses défenses immunitaires. Le Sovaldi introduit une vraie rupture thérapeutique, il introduit une nouvelle modalité de lutter contre cette infection en s’attaquant directement au virus. Olivier Maguet, auteur 

Cet antiviral est ainsi porteur d’espoirs considérables pour la santé mondiale. Mais un élément déterminant va empêcher sa diffusion massive auprès des populations : son prix, qui s’élève à quelques 41 000 euros pour un traitement en France. C'est pourquoi le gouvernement français - comme d'autres gouvernements -  décide de rationner le médicament, ne l’octroyant qu’aux personnes les plus « gravement atteintes ». La moitié des 200 000 personnes malades en France ne pourront ainsi pas y accéder. 

Comment expliquer un tel prix ? 

En juillet 2014, une commission du Sénat américain mène une enquête pendant 18 mois pour comprendre le montant du Sovaldi : cette enquête révèle que l’industriel américain Gilead Sciences, qui a commercialisé ce médicament, n’a fait que racheter un brevet développé par une start-up en 2011, au prix de 11 milliards d’euros. En fixant un prix de vente élevé au médicament, le laboratoire s’assure ainsi de rentabiliser son précédent investissement et accumule suffisamment de liquidités pour pouvoir acheter des brevets à l’avenir : 

Aujourd’hui ces industriels ne sont plus des laboratoires pharmaceutiques, ce sont des gens qui rachètent un produit quasiment fini pour le commercialiser. 

Quant à savoir plus précisément comment les prix sont fixés auprès des États, les négociations sont basées, selon Olivier Maguet, sur la capacité des payeurs à absorber la note. Les laboratoires pharmaceutiques vont ainsi sonder les décideurs publics, et ajustent le prix de vente en fonction de la capacité financière des pays : 

Donc ça n’a rien à voir avec les qualités thérapeutiques d’un médicament, ça n’a rien à voir avec les efforts réels de recherche et développement qui ont été nécessaires pour finaliser le produit (…), ça a juste à voir avec la capacité maximale du payeur à accepter et absorber la demande. 

En pleine période de pandémie, il semble ainsi légitime de s’interroger sur le prix des vaccins contre le Covid-19. Pour Olivier Maguet, l’injonction émise par l’Union Européenne de ne pas divulguer le prix de vente des vaccins laisse entendre que le processus de négociation fut similaire à celui observé pour l’antiviral Sovaldi

La Méthode scientifique
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