Justice Strasbourg : un livreur antisémite refuse la course, des plaintes déposées

Par deux fois dans deux restaurants casher strasbourgeois jeudi, un ou deux livreurs ont refusé de prendre une course au motif qu’ils ne livraient « pas pour les juifs ». Les restaurateurs ont porté plainte de même que le bureau national de vigilance contre l’antisémitisme.
Jean-Frédéric TUEFFERD - 10 janv. 2021 à 19:21 | mis à jour le 02 sept. 2021 à 16:22 - Temps de lecture :

Jeudi 7 janvier, un livreur siglé Deliveroo s’est présenté dans un restaurant casher de Strasbourg. « Il a demandé quelle est la spécialité du restaurant. Quand on lui a dit la cuisine israélienne,  il a répondu : « Je ne sers pas les juifs » et il a tendu son portable en disant : « Voilà c’est annulé », raconte Me Raphaël Nisand. La même scène s’est déroulée quelques instants plus tard dans un autre restaurant casher, sans que l’on puisse savoir pour l’instant s’il s’agit du même livreur.

Suite aux faits, les deux restaurateurs ont porté plainte vendredi matin et prévenu le consistoire israélite. Shabbat passé, une nouvelle plainte a été posée dimanche par Me Nisand, au nom du bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA), pour discrimination dans l’offre d’un bien ou d’un service en raison de l’ethnie, la race ou la religion contre Deliveroo et le ou les livreurs. « C’est maintenant à la diligence des autorités de police et du procureur », note Me Nisand. Une enquête a été ouverte.

Tout cela atterre l’avocat : « Le seul moyen de subsister pour les restaurants actuellement, c’est le click and collect et donc il faut passer par les livreurs. Et c’est inquiétant de savoir que des livreurs ont ce type de réactions pour les restaurateurs comme pour les clients. Ça rappelle des heures sombres de l’histoire. C’est le marquage et le boycott ! D’autant plus qu’ici, on passe d’Israël aux juifs », de l’antisionisme à l’antisémitisme.

« Ce n’est pas nouveau », soupire un livreur Deliveroo contacté hier soir avant sa tournée. Il évoque une histoire entre un restaurateur et un livreur l’an dernier. « Mais c’en était resté là. » Par contre, croit savoir ce livreur, « les restaurateurs ne peuvent porter plainte que contre le ou les livreurs ; Deliveroo n’est pas responsable car n’est pas employeur ». Le BNVCA n’en exige pas moins « que les dirigeants de Deliveroo publient une charte destinée à leur personnel, interdisant le boycott et la discrimination ».

Les enseignes casher ne sont pas ciblées

Les enseignes casher, restaurants, épicerie et supermarchés, ont toutes entendu parler de l’affaire, mais elles assurent n’avoir jamais été confrontées à des actes antisémites. Dans la rue Sellenick, voisine des restaurants victimes du livreur, l’employé d’une épicerie note qu’il n’a jamais vu aucun incident. L’une de ses clientes relève qu’à Strasbourg, c’est assez calme, pas comme dans la région parisienne, où elle vit. Dans un autre quartier, l’épicerie Shemtov accueille beaucoup de clients non-juifs, signale un salarié : « On est dans un quartier pluriel, on pourrait penser qu’il pourrait y avoir des incidents mais il n’y a jamais rien eu. Strasbourg est une ville très calme, on a beaucoup de chance. » Même écho dans la moyenne surface Buchinger, située dans la passante avenue de la Forêt-Noire : « Chez nous, on n’a pas eu ça, tant mieux. On espère que ça n’arrivera pas. »

Quant au Haut-Rhin, il n’y a pas de restaurant spécifiquement casher, les communautés étant moins importante, mais il y a une épicerie à Mulhouse, note Henri Metzger, président de la communauté israélite de Mulhouse : « Heureusement nous n’avons pas eu de remontées d’événements de ce genre. Il y a eu des tags antisémites récemment, sinon c’est plus diffus. »