Selon la légende, « si les corbeaux de la Tour de Londres sont perdus ou s’envolent, la Couronne tombera et le Royaume-Uni avec elle ». C’est avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête que les Britanniques recherchent activement Merlina, la chef du groupe des volatiles censé protéger le pays.
Le corvidé « n’a pas été vu à la Tour depuis plusieurs semaines et son absence prolongée nous indique qu’il est peut-être malheureusement mort », a annoncé le compte Twitter de la Tour de Londres, mercredi 13 janvier. Comme pour conjurer le mauvais sort, l’institution s’est empressée d’ajouter que la forteresse bâtie à partir de 1066, à l’époque de la conquête normande, abrite encore sept corbeaux, soit « un de plus que les six requis ».
Si l’on en croit la légende, c’est à Charles II (1630-1685) que l’on doit l’introduction des corbeaux, qui doivent être au nombre de six sur le site à tout moment. Pour les forcer à rester, une de leurs ailes est même taillée, bien que cela ne les empêche pas vraiment de s’envoler.
Un corbeau fantasque, au service de Sa Majesté
Christopher Skaife, le sixième maître des corbeaux – et à ce titre responsable de leur bien-être –, décrit Merlina comme un animal singulier, solitaire, presque fantasque, entré au service de Sa Majesté en 2007. « C’est un oiseau à l’esprit libre », a-t-il expliqué à la radio BBC4. Avant de revenir sur les circonstances de sa disparition : « C’était juste avant Noël, avant le confinement, nous “mettions les corbeaux au lit” [dans leur volière] et elle n’est pas revenue. Je suis son copain et généralement elle revient, mais pas cette fois. »
Dans son autobiographie, The Ravenmaster : My Life with the Ravens at the Tower of London (éd. Farrar, Straus and Giroux, 2018, non traduit), Christopher Skaife avait décrit la relation qu’il entretenait avec Merlina : « Elle aime jouer avec des bâtons, faire des roulades en avant » ou encore imiter le cri des mouettes « pour les ennuyer ». Il précisait : « Je la considère comme la princesse de la Tour parce qu’elle refuse de fréquenter d’autres corbeaux ou de dormir avec les autres dans l’enclos à l’épreuve des renards que je leur ai fait construire lorsque je suis devenu maître des corbeaux, en 2011. » Gourmande, elle allait même parfois réclamer des chips aux visiteurs du site.
Le Daily Mail explique qu’il arrive aux corbeaux de s’aventurer au-delà des murs de la forteresse qui abrite les joyaux de la couronne britannique. Mais, en général, ils rentrent à la nuit tombée. En 2011, un corbeau, Munin, est allé faire un tour jusqu’à Greenwich, à une dizaine de kilomètres de la Tour, avant de revenir une semaine plus tard. En 1981, un certain Grog s’est fait la belle, pour de bon. Il a été vu pour la dernière fois devant un pub de l’East End, le Rose and Punchbowl. Après vingt et un ans de bons et loyaux services, Grog avait manifestement senti qu’il avait besoin de changer de décor.
Un corbeau en réserve
Il arrive aussi que les oiseaux se fassent dévorer, comme en 2013, lorsque Jubilee et Gripp furent tués par un renard. D’où l’enclos dans lequel ils dorment désormais.
Mais qu’importent les défections ou les renards. Au cours des dernières années, Jubilee, Harris, Gripp, Rocky et Erin ont rejoint la Tour. Ils y sont arrivés en tant que poussin, fournis par Martin Harris, éleveur dans le Somerset (mort en 2016), tandis que Poppy et Georgie y sont nés dans le cadre d’un nouveau programme.
Le séjour leur réussit plutôt bien : alors que les corbeaux sauvages vivent généralement entre dix et quinze ans, certains résidents de la Tour ont atteint l’âge de 40 ans. Mais d’autres ne s’adaptent pas et sont renvoyés à l’éleveur : ce fut le cas de Pearl, qui a été maltraitée par ses congénères et a fini par retrouver M. Harris, en 2011.
Quant à la légende des corbeaux censés protéger la monarchie, Geoff Parnell, historien officiel de la Tour de Londres, a tenté de lui tordre le cou en 2004. Leur présence sur le site remonterait à l’époque victorienne, lorsque les Yeomen Warders, les gardiens chargés de gérer et de faire visiter les lieux, se seraient entichés de ces oiseaux. Que ce soit vrai ou non, il est du devoir de Christopher Skaife de veiller sur le royaume, a-t-il expliqué à la BBC.
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