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La priorité au Yémen actuellement est d’empêcher une famine massive, prévient l’ONU

Au Yémen, un enfant déplacé joue avec un peu sur un site pour personnes déplacées dans le gouvernorat d’Al-Dhale’e.
OCHA/Mahmoud Fadel
Au Yémen, un enfant déplacé joue avec un peu sur un site pour personnes déplacées dans le gouvernorat d’Al-Dhale’e.

La priorité au Yémen actuellement est d’empêcher une famine massive, prévient l’ONU

Paix et sécurité

Deux hauts responsables onusiens ont prévenu jeudi le Conseil de sécurité que la priorité la plus urgente au Yémen à l'heure actuelle est d'éviter une famine massive.

« Les données montrent que 16 millions de personnes auront faim cette année. Déjà, environ 50.000 personnes meurent de faim dans ce qui est essentiellement une petite famine. Cinq autres millions suivent juste derrière », a déclaré le chef de l’humanitaire des Nations Unies, Mark Lowcock, devant les membres du Conseil. « Chaque décision que le monde prend en ce moment doit tenir compte de cela », a-t-il ajouté.

Les États-Unis ont annoncé dimanche qu’ils inscrivaient Ansar Allah (les rebelles houthis qui contrôlent le nord du pays) sur leur liste des groupes terroristes. M. Lowcock a rappelé que depuis des mois, les agences humanitaires se sont unanimement opposées à cette désignation, estimant que cela accélérerait le glissement du Yémen vers une famine à grande échelle.

Le Yémen importe 90% de sa nourriture. Presque toute cette nourriture est acheminée par des canaux commerciaux. Les négociants risquent de ne plus pouvoir continuer à importer des produits alimentaires au Yémen dans ces circonstances. 

« Déjà, les Yéménites se pressent dans les marchés et les magasins pour stocker tout ce qu'ils peuvent se permettre. Les familles sont terrifiées à l'idée qu'il n'y ait plus de nourriture ou d'autres fournitures dans le pays », a expliqué M. Lowcock aux membres du Conseil.

« Certains fournisseurs, banques, expéditeurs et assureurs appellent leurs partenaires yéménites et disent qu'ils prévoient désormais de quitter complètement le Yémen. Ils disent que les risques sont trop élevés. Ils craignent d'être accidentellement, ou bien d’une autre manière, pris dans une mesure réglementaire américaine qui les mettrait en faillite ou en prison », a-t-il précisé.

« Certains des fournisseurs, banquiers, expéditeurs et assureurs des commerçants yéménites disent espérer pouvoir continuer. S'ils le peuvent, disent-ils, leur meilleure estimation est que les coûts pourraient augmenter de 400%. Cela rendra trop coûteux pour de nombreux importateurs de continuer à faire des affaires. Et de toute façon, presque personne au Yémen ne pourrait se permettre d'acheter de la nourriture importée à ce prix », a-t-il ajouté.

Le chemin vers la paix est beaucoup difficile maintenant

L’Envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, s’est également dit « extrêmement préoccupé par l’impact de la décision des États-Unis de désigner Ansar Allah comme organisation terroriste étrangère ».

« Nous craignons qu’il y ait inévitablement un effet dissuasif sur mes efforts pour rapprocher les parties », a-t-il ajouté. Il a partagé l’avis de M. Lowcock selon lequel la décision contribuerait à la famine au Yémen et devrait être révoquée le plus tôt possible pour des raisons humanitaires.

M. Griffiths est également revenu sur l’attaque du 30 décembre qui a visé le nouveau gouvernement yéménite à son arrivée à l’aéroport d’Aden. Des dizaines de civils ont été blessés ou tués, y compris des représentants du gouvernement, des travailleurs humanitaires et un journaliste.

« Le gouvernement a ouvert une enquête sur l'attaque d'Aden et a rendu publiques plus tôt dans la journée ses conclusions selon lesquelles Ansar Allah était derrière l'attaque », a ajouté M. Griffiths.

Selon l’Envoyé spécial, cette attaque « a jeté une ombre noire sur ce qui aurait dû être un moment d'espoir dans les efforts visant à instaurer la paix au Yémen ». 

« Le chemin vers la paix au Yémen n'a jamais été facile. Et je pense que c'est maintenant beaucoup plus difficile qu'il y a un mois », a-t-il ajouté. « Pour les parties, la reprise du processus politique est plus qu'une obligation, c'est un devoir ».