Si les journalistes indiquent que le pape se fait vacciner alors il faut également donner sur les antennes la position d’un iman, d’un rabbin, d’un bouddhiste et un représentant de l’athéisme militant nous écrit un auditeur :

Professeur-documentaliste en lycée, j’interviens pour sensibiliser nos élèves à la question de la laïcité. Informer les auditeurs que sa sainteté le pape François va se faire vacciner, je n’y vois aucun inconvénient ! Mais il conviendrait aussi de donner l’avis sur cette question des responsables de la mosquée de Paris, d’un rabbin, d’un responsable bouddhiste, et surtout sans oublier un représentant de l’athéisme militant ! Comment voulez-vous que j’explique la laïcité aux élèves quand les médias considèrent toujours la France comme « la fille ainée de l’Église » ? Par avance merci pour votre réponse! Meilleures salutations d’un auditeur fidèle.


Cette suggestion éditoriale est-elle pertinente ? Emmanuelle Daviet, Médiatrice des antennes de Radio France, a posé la question à Bruce de Galzain, correspondant de Radio France en Italie et au Vatican.

Pour quelles raisons informe-t-on de la vaccination du pape ?

Sans doute parce qu’il a pris une position forte. François n’a pas seulement annoncé qu’il se ferait vacciner. Il incite tout le monde à le faire. Et il met en garde en affirmant qu’« il y a un négationnisme suicidaire que je ne saurais pas expliquer ». Depuis que les vaccins sont sur le marché, le pape s’est beaucoup exprimé sur le fond de cette question. Et il estime que « d’un point de vue éthique tout le monde doit se faire vacciner, parce ce qu’on met à risque sa santé, sa vie, mais aussi la vie des autres ». Depuis le début, François est très sensible à cette question, au fait que tous et surtout les plus pauvres ne soient pas oubliés. Le Vatican a publié plusieurs notes sur le sujet. Ce n’est donc pas la vaccination en elle-même du pape qui est une information essentielle mais les questions que cela soulève. D’ailleurs le Vatican n’a confirmé que tardivement la vaccination du pape après une information de presse car c’est une question de vie privée. En revanche, le Vatican communique beaucoup sur la question éthique. Et puis il faut savoir aussi que le pape est un chef d’Etat, certes le plus petit du monde, et que les journalistes du monde entier sont « accrédités » au Vatican comme l’on est accrédité à l’Elysée en France lorsque l’on suit l’actualité du président de la République.

Est-ce la raison pour laquelle on ne peut pas mettre sur un même plan « l’avis sur cette question des responsables de la mosquée de Paris, d’un rabbin, d’un responsable bouddhiste, et surtout sans oublier un représentant de l’athéisme militant » comme le suggère cet auditeur ?

En partie en effet car le pape est le seul responsable religieux à être chef d’Etat. Le Saint-Siège a une Mission permanente auprès des Nations-Unies à New-York, Genève, Vienne, auprès de la FAO à Rome, de l’UNESCO à Paris, auprès du Conseil de l’Europe et des Institutions européennes à Strasbourg. Le Saint-Siège a même une Mission permanente auprès de l’Organisation des Etats Américains à Washington, de l’Organisation de l’Union Africaine à Addis-Abeba et auprès de l’Organisation mondiale du Tourisme à Madrid ! Mais comme je l’explique plus haut le point de vue du pape n’est pas seulement celui d’un chef d’Etat c’est vrai ! Le pape est une autorité morale qui s’adresse à 1,3 milliards de catholiques dans le monde.

Donner cette information ne serait donc pas réellement en lien avec le fait que les médias considéreraient toujours la France comme « la fille aînée de l’Église » comme l’écrit cet auditeur ?

Je suis convaincu que les médias ne considèrent pas la France comme « la fille aînée de l’Eglise » et suis bien placé pour savoir que l’actualité du pape François n’est pas la plus couverte. Correspondant de Radio France pour l’Italie et le Vatican, depuis le début de mon mandat en septembre 2019, j’ai peu couvert les sujets directement liés au Vatican et au pape. C’est incomparable avec les sujets d’actualité italienne. Il me semble même que l’on devrait davantage entendre la voix du pape qui aujourd’hui est l’un des rares chef d’Etat et autorité morale à s’exprimer sur le multilatéralisme dans une période où les nations ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Il faut savoir distinguer ce qui est purement religieux et ce qui peut être matière à réflexion politique, géopolitique et éthique dans les propos du pape. Je n’y vois pas d’attaque à la laïcité qui est aujourd’hui fondamentale. La laïcité permet le pluralisme sur nos antennes.