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Phil Spector, du roi des «charts» au tueur psychotique

Phil Spector
Phil Spector (en 1957, 1965, 1980, 2000, 2005, 2007, 2009 et 2013), faiseur de hits et criminel aux mille perruques. © Getty Images / Sipa
Clément Mathieu , Mis à jour le

ARCHIVES. Il y a 20 ans, l'actrice Lana Clarkson était retrouvée morte chez Phil Spector. En 2009, le producteur de légende était condamné pour le meurtre. Match avait retracé sa carrière et sa chute...

Phil Spector, le génie et le monstre. Avec sa fameuse technique du « mur de son », le producteur de légende aura régné sur la musique pop des années 60 en enchaînant les tubes, de « Be My Baby » des Ronettes à « River Deep - Mountain High » d’Ike et Tina Turner. Après avoir produit « Let It Be » et plusieurs albums solos de certains des Beatles, Phil Spector a vu son étoile vaciller à mesure qu'avançaient les années 70. 

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De revers musicaux en longs contentieux, il ne parviendra plus à retrouver le succès. Il sera aussi rattrapé par des troubles psychologiques chroniques, ses « démons », selon son expression, dont son obsession pour les armes à feu, lui qui ne se rendait jamais en studio sans un pistolet.

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Le 3 février 2003, la police avait retrouvé le corps de l'actrice Lana Clarkson dans la demeure du producteur, à Alhambra, en Californie. Phil Spector affirmera que la quadragénaire s'était tiré elle-même une balle dans la bouche, «un baiser au canon», une version taillée en pièces par l'accusation. A l'issue de deux procès, Harvey Phillip Spector, de son nom complet, avait été condamné, fin 2009, à une peine minimum de 19 ans de réclusion. Pour Match, Karl Zéro s’était rendu en Californie, afin de retracer la carrière et la chute de Phil Spector... L'homme est décédé en prison, le 16 janvier 2001, à l'âge de 81 ans.

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Voici le reportage consacré à Phil Spector, tel que publié dans Paris Match en 2010…

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Paris Match n°3166, 21 janvier 2010

Phil Spector, rocker killer

Par Karl Zero

Il fut un producteur de génie, avec un instinct inné. Des Beach Boys aux Beatles, il est l’artisan de véritables triomphes de 1970 à 1980. Milliardaire à 25 ans, il a peu à peu basculé dans de dangereux délires. En 2003, il est accusé du meurtre d’une serveuse de bar et croupit maintenant en prison. Karl Zéro a enquêté à Los Angeles pour 13ème Rue et nous raconte son incroyable trajectoire. Son documentaire, passionnant, sera diffusé le 27 janvier. Il retrace la vie de ce personnage aux mille perruques, aussi attachant que repoussant. Un procès à rebondissements.

« Je m'appelle Phil Spector et il n'y a jamais eu de crime commis ici le 2 février 2003. » Depuis que son avocat a annoncé qu'il ferait appel de sa condamnation à dix-neuf ans de prison pour meurtre, Spector reprend espoir.

Son procès a captivé l'Amérique : après trente heures de délibérations, le jury de Los Angeles a décidé que le producteur était coupable d'avoir tué, chez lui, Lana Clarkson, une actrice de série B. La légende vivante du rock'n'roll ! Spector, qui avait été acquitté en première instance, ne cille pas. Il est immédiatement conduit à la fameuse prison des Twin Towers, repaire des gangs de la ville. « Ma vie était entre les mains de douze personnes qui ont toutes voté pour George W. Bush. Ces jurés ont eu à remplir un questionnaire : pour 45 % d'entre eux j'étais coupable et pour 20 %, fou », grince-t-il aujourd'hui.

Retour sur ce 2 février 2003. Il est 5 heures du matin dans la brume nocturne d'Alhambra, banlieue anodine de Los Angeles, quand la police reçoit un appel : « Je m'appelle Adriano, je suis le chauffeur de Phil Spector, je crois que mon patron vient de tuer quelqu'un... Il y a une femme sur le sol, elle baigne dans son sang et elle a un pistolet dans la main. »

Quarante minutes plus tard, plusieurs unités d'intervention encerclent le Pyrenees Castle, manoir néo basque et rock'n'roll où le producteur le plus cintré du monde se planque depuis vingt ans. En formation tactique d'assaut, à la manière du GIGN, protégés par leurs boucliers pare-balles, ils avancent armés de mitraillettes MP 5. Dans le vestibule, ils découvrent un Spector hagard, en état de choc. A quelques pas, gisant dans un fauteuil : le corps inanimé d'une femme, le sang dégoulinant entre ses doigts, un pistolet 38 mm à ses pieds.

C'est un Phil Spector vociférant qui se voit emmener au commissariat ; un mot sur deux est un « fuckin »...

Le détective Richard Tomlin, en charge de l'enquête, n'a jamais entendu parler de ce monsieur perruqué. Il tente de lui demander ce qui s'est passé chez lui, il y a quelques heures. Spector ne desserre pas les dents. Il téléphone à son ami Robert Shapiro, l'avocat de O. J. Simpson et des stars de Hollywood. Spector paie 1 million de dollars de caution et rentre tranquillement chez lui.

Dès les premières minutes de l'enquête, la police comprend qu'incriminer Spector ne sera pas chose facile et qu'elle devra tout miser sur le témoignage d'Adriano, le chauffeur, ex-officier de l'armée brésilienne, qui affirme que son patron lui a dit avoir tiré. Adriano n'a aucune raison de mentir. C'est alors que le « New York Post » publie un article ironique citant des sources au sein même de la police : « C'est un suicide, voyons ! Phil Spector ne sera même pas mis en examen, et l'affaire sera classée ! » Panique dans les plus hautes sphères politiques de la ville de Los Angeles. Six mois plus tard, le détective Richard Tomlin et son équipe remettent un dossier au procureur Alan Jackson ; la culpabilité de Spector ne fait pas un pli : « Si le coup est parti, ce n'est pas de la faute de la victime. C'est donc un meurtre. »

Phil Spector et les Ronettes (dont il épousera la chanteuse, Ronnie) en 1963.
Phil Spector et les Ronettes (dont il épousera la chanteuse, Ronnie) en 1963. © GAB Archive / Redferns / Getty Images
Phil Spector avec Ike & Tina Turner en 1966.
Phil Spector avec Ike & Tina Turner en 1966. © GAB Archive / Redferns / Getty Images
Phil Spector à l'apogée de sa carrière, au début des années 1970.
Phil Spector à l'apogée de sa carrière, au début des années 1970. © Michael Ochs Archives/Getty Images

 

Boutonneux, méprisé et soudain la gloire

Ingénieur et patron du mythique studio Gold Star, véritable usine à disques d'or, Stan Ross a vu défiler les plus grands artistes de l'histoire de la musique. Il se souvient parfaitement de l'arrivée de Spector, gamin fauché du lycée voisin de Fairfax, venu avec son groupe, The Teddy Bears, pour mendier une séance d'enregistrement. Il n'avait de quoi financer qu'une face de 45-tours ! En hommage à son père... Spector avait 7 ans quand il s'est donné la mort en inhalant des gaz d'échappement. Bertha, sa mère, déménage alors la famille du Bronx à Los Angeles. Un passage à la télé, et cette chanson à l'eau de rose reste quarante semaines n ° 1 dans les charts américains. Même Elvis à l'époque n'égalera jamais ce record.

Bac en poche, le « boutonneux » considéré comme bizarre pour ne pas dire semi-autiste, méprisé par ses copains de classe, se retrouve à 18 ans propulsé l'égal des poids lourds du showbiz. Il enchaîne les hits avec une multitude de groupes. A 21 ans, il rencontre Ronnie, une Cubaine à la voix d'or, celle qui deviendra sa femme. Avec elle, il crée les Ronettes, écrit et produit l'inoubliable « Be my Baby ». Brian Wilson, le leader des Beach Boys : « Dire que ça fait quarante ans que j'essaie d'écrire une chanson comme ça ! C'est au-delà de la perfection. » Pour Nino Tempo, meilleur ami de Spector, qui vit reclus avec ses souvenirs et ses disques d'or au 27 e étage d'une tour chic ( Cher vit à l'étage du dessus !) : « Son plus grand talent, c'est de savoir immédiatement discerner un hit d'une simple bonne chanson. Il avait ce don, que je n'avais rencontré chez personne d'autre. »

A l'époque, la stéréo n'existe pas. Alors Spector double, triple les musiciens sur une même piste, un feu d'artifice d'instruments qui, passé à la chambre d'écho, est encore démultiplié... A l'arrivée, c'est le fameux « mur de son », comme un orchestre philharmonique électrique qui déferle et vous prend la tête et les tripes. Ses fameuses « symphonies pour adolescents ». Il enchaîne les hits, les Ronettes triomphent en Angleterre, avec, en première partie, un petit groupe d'agités, les Rolling Stones. Puis il rencontre les Beatles. En 1969, en plein conflit entre eux, c'est lui qu'ils appelleront à l'aide pour l'enregistrement du classique « Let It Be », le seul disque des Beatles qui récoltera un Grammy Award, l'oscar de la musique. Mais c'est avec John Lennon que Spector forgera une amitié indestructible. Entre autres, ils écriront « Imagine ». Spector n'a pas 30 ans, il est multi-millionnaire, un dieu vivant dans le métier. Les stars se bousculent pour le prier de les produire. Il peut tout se permettre, même d'envoyer bouler Bruce Springsteen !

C'est à ce moment que les choses se gâtent... Nino Tempo se souvient : « Un soir, on était en voiture et, tout à coup, il a pris sa tête dans les mains et m'a dit : " j'en peux plus, tout ce que je fais devient un hit ! Cela va durer combien de temps, Nino ?" »

Spector lâche la rampe, il s'enferme mentalement. Petit à petit, rongé par une paranoïa aiguë, il n'honore plus ses engagements, jusqu'à planter Lennon en plein enregistrement. Son succès le dépasse, et il choisit de se retirer du monde. Downtown, L. A ., dans son Pyrenees Castle, avec, comme ultime rempart contre les intrus et toute forme de réalité, un pistolet qui ne le quitte plus. Pour Mick Brown, célèbre régisseur : « A chaque fois qu'il pétait les plombs, il foutait son arme dans la gueule des gens ! Il l'a fait avec Leonard Cohen ! Il a menacé ses violonistes, des petits vieux qui se sont enfuis en hurlant. En colère contre John Lennon, il a tiré une balle dans le plafond du studio. » Des incidents qui se répètent pendant des années... Spector inspire au Tout-Los Angeles un respect mêlé de terreur. Personne n'ose plus essayer de le calmer, de peur de prendre une balle perdue…

Lana Clarkson, sur une photo non datée de son book. « Son rêve s’est arrêté à l’âge de 40 ans, le soir où son chemin a croisé celui de Phil Spector, un milliardaire qu’elle ne connaissait pas deux heures avant. » - Paris Match n°3166, 21 janvier 2010.
Lana Clarkson, sur une photo non datée de son book. « Son rêve s’est arrêté à l’âge de 40 ans, le soir où son chemin a croisé celui de Phil Spector, un milliardaire qu’elle ne connaissait pas deux heures avant. » - Paris Match n°3166, 21 janvier 2010. © SIPA/AP Photo/courtesy Ray Cavaleri
Pyrenees Castle, la demeure de Phil Spector, alors visitée par les jurées (vans blancs) en septembre 2007. « L’endroit est lugubre. Décoration kitsch – mélange de faux style médiéval avec armures et masses d’armes aux murs – et emblèmes pop – comme la guitare de Lennon, offerte par Yoko Ono après son assassinat. » - Paris Match n°3166, 21 janvier 2010.
Pyrenees Castle, la demeure de Phil Spector, alors visitée par les jurées (vans blancs) en septembre 2007. « L’endroit est lugubre. Décoration kitsch – mélange de faux style médiéval avec armures et masses d’armes aux murs – et emblèmes pop – comme la guitare de Lennon, offerte par Yoko Ono après son assassinat. » - Paris Match n°3166, 21 janvier 2010. © Richard Hartog/Los Angeles Times via Getty Images
Phil Spector et son épouse Rachelle Short en novembre 2003, dix mois après le meurtre. « Quelques jours après la mort de Lana Clarkson, Spector s’est fait mettre le grappin dessus par cette ex-playmate (à gauche), qui s’érige vice-présidente de Spector Entreprises depuis que son mari est en prison. Elle reste catégorique : "Mon mari est innocent. La fille s’est suicidée."- Paris Match n°3166, 21 janvier 2010.
Phil Spector et son épouse Rachelle Short en novembre 2003, dix mois après le meurtre. « Quelques jours après la mort de Lana Clarkson, Spector s’est fait mettre le grappin dessus par cette ex-playmate (à gauche), qui s’érige vice-présidente de Spector Entreprises depuis que son mari est en prison. Elle reste catégorique : "Mon mari est innocent. La fille s’est suicidée."- Paris Match n°3166, 21 janvier 2010. © Jim Steinfeldt/Michael Ochs Archives/Getty Images

 

Des enfants adoptés en cadeau de noël à sa femme !

Décembre 1973 : pour sauver un mariage qui commence à sérieusement battre de l'aile, il offre à sa femme Ronnie... des jumeaux qu'il a adoptés pour lui faire la surprise ! Six mois plus tard, malgré ce « beau cadeau », Ronnie jette l'éponge, fatiguée des abus et des violences de Phil. Séquestrée et alcoolique, elle s'enfuit pieds nus, laissant derrière elle ses trois enfants : les jumeaux et Donte, le premier, adopté après une pub à la télé... pour l'adoption ! Phil Spector ne sachant que faire de ses « cadeaux de Noël » devenus encombrants, en confie l'éducation à George, son garde du corps, un ancien flic new-yorkais qui travaillera vingt ans pour lui avant de développer un Alzheimer et de mourir dans la misère. Bienvenue au pays des stars et du rock'n'roll ! L'un des jumeaux, Louis Spector, vit aujourd'hui pauvrement au fin fond d'une banlieue minable de Los Angeles, serveur dans un restaurant. Il n'a plus aucun contact avec son père depuis des lustres... Il nous raconte la parano de son enfance dans le manoir du fantôme Spector, toujours planqué à l'autre bout de la maison, n'éduquant ses enfants qu'au travers de règles délirantes et d'ordres qu'il communique à ses employés par écrit. Pas de sorties, interdiction de jouer avec d'autres enfants, les trois frères adoptifs n'ont pour apprentissage de la vie que les démences de leur tyran de père.

Que s'est-il vraiment passé cette nuit de février 2003 ? L'heure du procès a sonné . Après avoir éjecté Robert Shapiro, son avocat et ami, soupçonné de vouloir négocier avec le gouvernement de Californie une peine minimale, l'imprévisible milliardaire passera par quatre autres équipes d'avocats pour convaincre les douze jurés de son innocence. Le juge Larry Fiddler sait que tous les projecteurs sont sur lui. Il faut en finir avec la mauvaise réputation de Hollywood, terre promise pour criminels fortunés.

Sous les caméras de Court TV, la « trash TV » qui retransmet tous les procès en live qu'il est de bon ton de critiquer mais de regarder sous cape non-stop, on rejoue la soirée fatale du 2 février 2003.

Vers 20 heures, après quelques apéros, Spector dîne au très chic Beverly Hills Grill avant de repartir avec la serveuse vers le bruyant Dan Tana's pour faire le plein de vodka cocktails. Un agent d'acteurs se souvient : « Il avait un de ces regards ; on sentait qu'il allait se passer quelque chose... » Vers 1 heure du matin, Spector, bourré, débarque à la « House of Blues », sorte de saloon décati pour cow-boys cocaïnés qui roulent en Hummer.

Lana Clarkson, actrice sans avenir, doit sourire et présenter son décolleté aux stars pour les faire boire. Il n'y a pas si longtemps, elle était la coqueluche de leurs soirées très privées... mais elle n'a plus le choix, il faut bien payer le loyer. Spector l'invite, elle hésite puis accepte à la fermeture du club de le suivre dans sa Mercedes. Durant le trajet, d'après Adriano son chauffeur, Spector se montre entreprenant et Lana joue la sainte-nitouche : « Juste un verre, et je rentre. »

Au procès, Adriano passe neuf jours à la barre. Pièce maîtresse de l'accusation, tout repose sur son témoignage, et aucune des parties n'a intérêt à le lâcher. La défense le cherche sur son niveau de compréhension d'anglais : a-t-il vraiment entendu son patron dire : « Je crois que je viens de tuer quelqu'un » ou n'était-ce pas plutôt : « Je crois que quelqu'un vient de se tuer »? L'accusation attaque : il s'est écoulé quarante minutes entre le coup de feu et l'arrivée de la police et pendant tout ce temps, l'enquête scientifique démontre que Spector essuie le sang déjà coagulé sur le visage de la victime avec un chiffon qu'on a retrouvé dans les toilettes. Il essaie d'effacer les preuves, tente de planter un décor factice pour accréditer la thèse d'un suicide.

Lana Clarkson a été tuée avec le pistolet de Spector, rangé dans le tiroir de la commode, près du fauteuil où elle est morte .

Adriano De Souza, le chauffeur de Phil Spector et témoin clef du procès, en mai 2007.
Adriano De Souza, le chauffeur de Phil Spector et témoin clef du procès, en mai 2007. © Damian Dovarganes/AP/SIPA
Nicole Spector, la fille du producteur, lors du procès en août 2007.
Nicole Spector, la fille du producteur, lors du procès en août 2007. © Joshua Gates Weisberg/AP/SIPA
Phil Spector sur son portrait d'identité judiciaire lors de son incarcération, au lendemain de sa condamnation à 19 ans de détention, en juin 2009.
Phil Spector sur son portrait d'identité judiciaire lors de son incarcération, au lendemain de sa condamnation à 19 ans de détention, en juin 2009. © Michael Ochs Archive/Getty Images

 

Sa propension à violenter, à humilier les femmes est exposée devant des millions de téléspectateurs

Et comme on est bien à Hollywood, l'équipe du procureur présente alors une animation en 3 D digne des grands studios : le meurtre de Lana par Spector version dessin animé va convaincre le juge et les 12 jurés. « Pure fiction ! Inacceptable !» s'étranglent les avocats de Spector qui, lui, pète les plombs : il traite le procureur de « nazi » et les jurés d'une bande de « tueurs à gages ». Roger Rosen l'avocat de Spector, contre-attaque : « Mademoiselle Clarkson était prédisposée au suicide. Elle a elle-même appuyé sur la gâchette. » Deux experts viennent corroborer cette thèse. Puis vient le clou de l'expertise : « Sur le pistolet, la police scientifique a dénombré sept traces d'ADN. Toutes appartiennent à Mlle Clarkson mais aucune à Phil Spector... Et sur aucune des balles contenues dans ce pistolet on ne retrouve l'ADN de Spector. » Une bataille de scientifiques qui ne donnera rien sinon semer le doute dans les esprits sur le fonctionnement de la justice. Pendant son procès, l'accusé a signé des chèques impressionnants aux experts : 540 000 dollars chacun. Les jurés ont le sentiment que les témoignages ont été achetés et payés cash. Six mois d'expertises, de balistique, de témoignages, de dollars et d'injures... Pour Louis, le fils maudit, les délires de son père, il connaît : « Une nuit quand j'étais gamin, il avait ramené une femme. Elle criait : " Enlève cette arme de mon visage" et lui : " Allez, mets le pistolet dans ta bouche ! " puis un truc comme " Fais-moi confiance, j'ai le pouvoir de te prendre la vie et, tu vois, je choisis de ne pas le faire". C'est ce qu'il disait à cette femme : " Ferme ta putain de gueule et fais-moi confiance ! Elle est vite repartie de la maison ! » Sa propension à violenter, à humilier les femmes est exposée devant des millions de téléspectateurs. « Il agit de la même manière à chaque fois. Si une femme l'éconduit, s'il a bu et qu'il a accès à un pistolet, alors il le brandit et la menace. » Plusieurs femmes le confirment au tribunal.

Phil Spector, lui, a fait défiler une dizaine d'avocats et dépensé 18 millions sur sa fortune personnelle. A la surprise générale, c'est un non-lieu !

Confronté à une pression politique énorme d'un Etat de Californie qui se juge ridiculisé par ce verdict, le procureur Jackson n'a pas le choix : il fait appel. Spector commet alors l'erreur de sa vie. Pour ce procès en appel qui doit être une simple formalité - une confirmation du non-lieu -, il engage l'avocat Doron Weinberg, célèbre pour avoir été accusé d'escroqueries par ses clients. Le procureur Jackson, lui, orchestre discrètement le choix des 12 nouveaux jurés. Et en une poignée de jours, ceux-ci vont condamner Spector à dix-neuf ans de prison ! La Californie n'est plus une zone de non-droit pour milliardaires lubriques.

A la prison d'Etat de Corcoran, pas question de rencontrer la légende vivante du rock. On refuse de médiatiser ce prisonnier encombrant tant il est la caricature de l'ambiance délétère de la Cité des Anges... Ses voisins ne sont autres que Charles Manson et Sirhan Sirhan, l'assassin de Robert Kennedy. Phil Spector y reste égal à lui-même. Peu causant, l'oeil allumé, mais sans moumoute, il a fait de ses codétenus des fans qui ont carrément créé une association : Libérez Phil ! Avec ses avocats, il passe ses journées à préparer son nouvel appel... Car il sait, il y croit dur comme fer, qu'il sortira bientôt.

Al Pacino en Phil Spector, et Helen Mirren dans le rôle de son avocate Linda Kenney Baden, dans le téléfilm de la chaîne HBO consacré au procès, en 2013, «Phil Spector».
Al Pacino en Phil Spector, et Helen Mirren dans le rôle de son avocate Linda Kenney Baden, dans le téléfilm de la chaîne HBO consacré au procès, en 2013, «Phil Spector». © Moviestore/REX/Shutterstock /Sipa

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