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Bacri d'amour

DISPARITION - Scénariste et comédien, Jean-Pierre Bacri est mort lundi 18 janvier à l'âge de 69 ans. Il était l'un des comédiens les plus populaires du cinéma français et le co-auteur des succès d'Agnès Jaoui. Acteur du « Sens de la fête » ou de « On connaît la chanson », ce faux râleur était un vrai tendre.

Jean-Pierre Bacri a été récompensé cinq fois aux Césars, quatre fois comme scénariste et une fois comme acteur
Jean-Pierre Bacri a été récompensé cinq fois aux Césars, quatre fois comme scénariste et une fois comme acteur (© Loïc Venance/AFP)

Par Adrien Gombeaud

Publié le 18 janv. 2021 à 18:08Mis à jour le 18 janv. 2021 à 20:34

Jean-Pierre Bacri était l'un des plus grands acteurs et auteurs de comédie du cinéma français. Or, au soir de sa mort, ce lundi 18 janvier, qui se souvient de son rire ? Bacri, le rouspéteur des jours gris, a éclipsé le Méditerranéen. Né en Algérie en 1951, il a grandi dans le sud de la France avant de monter à Paris. A ses débuts, son étiquette de pied-noir le conduit chez Alexandre Arcady d'abord dans « Le Grand Pardon » (1981) puis dans « Le Grand Carnaval » (1982). Il va devenir l'un des plus solides seconds rôles du cinéma français. L'un de ces comédiens qui nous surprend, le soir, au coin de films qui repassent à la télé : « Mais oui, c'est Bacri le flic de « Subway » ! » ; « Ah tiens, il y avait Bacri entre Villeret et Pauline Lafont dans « L'été en pente douce » ! »

Il faudra attendre que son visage se creuse, que son front se fripe pour le voir passer au premier plan. Il faudra surtout attendre Agnès Jaoui. Ils se rencontrent à la fin des années 1980 dans une pièce de Pinter mise en scène par Jean Michel Ribes. Ils vont se construire ensemble, écrire des pièces qui deviendront des films à succès : « Cuisines et dépendances » que tourne Philippe Muyl en 1992 et « Un air de famille », porté à l'écran par Cédric Klapisch en 1995. Alain Resnais les surnomme les « Jabac ». Ils écrivent pour lui les partitions virtuoses de « Smoking/No smoking » (1993) et « On connaît la chanson » (1997).

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Cinquantaine de films

Acteur populaire, Bacri passe d'Alain Chabat (« Didier », 1994 ; « Santa et Cie », 2017) à Nicole Garcia (« Place Vendôme », 1998 ; « Selon Charlie » 2006), Claude Berri (« Une femme de ménage », 2002) ou Nakache et Toledano (« Le sens de la fête », 2017). Bien sûr, il accompagne les films d'Agnès Jaoui : « Le goût des autres » (2000), « Comme une image » (2004), « Parlez-moi de la pluie » (2008), « Au bout du compte » (2013)… En tout il aura tourné une cinquantaine de longs-métrages, bien souvent des succès, raflé deux Molières et cinq Césars. Il avait, en somme, tout pour être heureux.

Si Bacri a cultivé son personnage de mal luné, c'est que la France du début du millénaire l'attendait. Quelle autre nation aurait pu s'identifier à ce héros bougon, agacé, revêche… que celle qui, avant lui, avait adoré Louis de Funès ? Cependant, plus qu'un râleur, Bacri était un inadapté, un gars qui n'avait jamais sa place dans la famille, dans le monde du travail ou dans l'époque. Déboussolé, il avançait, paumé, dans le marais absurde de notre modernité. Rouspéter représentait une façon, toute française, de rébellion.

Le cinéma et la tendresse

Dans « Place Publique » (2018), le dernier « Jabac », il incarne un animateur télé en perte de vitesse, dépassé par Internet, ringardisé. Jaoui filme cet homme fatigué, assis sur les ruines de sa carrière. A la fin, seul sur une marche, il se met à chanter « Osez Joséphine » de Bashung : « A l'arrière des berlines, on devine des monarques et leurs figurines, juste une paire de demi-dieux… ». A la ville, le couple s'est séparé. Restent le cinéma et la tendresse du regard de Jaoui sur celui qui sera, sans doute toujours, l'homme de sa vie. « Je suis le rat des scélérats, à qui sourit la vie ».

On regarde cette séquence, ce moment doux, et l'on se souvient que ces deux-là ont eu l'idée d'inventer pour Resnais un personnage qui écrirait une thèse sur « Les chevaliers de l'an mille au lac de Paladru ». Ce jour-là, sans doute, et bien d'autre fois encore, on entendit le rire de Jean-Pierre Bacri. Jean Pierre Bacri est mort, et l'on sait bien qu'au fond, cet homme a toujours fait semblant de ne pas aimer la vie.

Adrien Gombeaud (@AdrienGombeaud)

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