Brexit : des centaines de milliards d'euros et des milliers d'emplois déjà délocalisés de Londres à Paris

par Cédric INGRAND
Publié le 20 janvier 2021 à 17h59
La City, le coeur de la place financières londonienne, a vu certains activités regagner le continent avant la sortie du Royaume-Uni de l'U.E.
La City, le coeur de la place financières londonienne, a vu certains activités regagner le continent avant la sortie du Royaume-Uni de l'U.E. - Source : AFP

YOU'RE WELCOME - Selon les chiffres de la Banque de France, grandes entreprises et groupes financiers ont massivement déménagé leurs activités londoniennes, avant même le couperet du Brexit. Et ce ne serait qu'un début.

C'était l'un des effets attendus du Brexit, mais on n'en soupçonnait pas l'ampleur. En sortant de l'Union européenne, le Royaume-Uni ne bénéficie plus de la libre-circulation des biens ou des capitaux, une épine dans le pied pour nombre d'entreprises qui commercent principalement en euros, et plus encore dans la finance, soudain privée du "passeport européen" qui permettait à la City de Londres de proposer ses produits partout dans l'UE. De quoi en pousser beaucoup à prendre ou reprendre pied sur le continent en général, et à Paris en particulier. Restait juste à mesurer la sévérité de la saignée.

C'est désormais chose faite, grâce à la Banque de France. C'est à l'occasion de ses vœux à la presse que le gouverneur de l'institution a communiqué de premiers chiffres, impressionnants. "Malgré la pandémie, près de 2.500 emplois ont d'ores et déjà été transférés et une cinquantaine d'entités britanniques autorisées pour au moins 170 milliards d'euros d'actifs relocalisés en France à fin 2020", a énuméré François Villeroy de Galhau. En octobre dernier, il avait estimé ces déplacements d'activité à 150 milliards d'euros.

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Dans le lot des entreprises qui gagnent ou regagnent la France, on distingue deux groupes distincts. D'un côté, des sociétés françaises, grandes ou moyennes, qui choisissent de rapatrier sur le continent les actifs de leurs succursales britanniques. Elles sont nombreuses, dans les services, l'industrie, ou la santé. De l'autre, des dizaines de grandes institutions financières, autorisées à s'implanter chez nous pour assurer la continuité de leurs activités en France et dans l'UE, après le 31 décembre. Au-delà des actifs, ce sont aussi des salariés, nombreux, de banques comme la Société Générale, Bank of America, JP Morgan, mais aussi de dizaines de sociétés d'investissement, d'intermédiaires financiers, ou de startups des fintechs qui sont passées des bords de la Tamise à ceux de la Seine. 

Dernier symbole, l'Agence bancaire européenne,  qui a à son tour pris un aller-simple dans l'Eurostar de Londres à Paris. Pourtant, si les chiffres impressionnent, on est encore loin de l'exode : sur le demi-million de salariés de la City de Londres, seuls 10.000 emplois auraient à ce jour été perdus au bénéfice de Paris, Francfort, Bruxelles, Luxembourg ou Amsterdam.

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Une nouvelle vague de relocalisations mi-2022 ?

Surtout, le mouvement observé d'une place financière vers l'autre pourrait n'être que le début. "D'autres relocalisations sont attendues et devraient s'accélérer dans le courant de cette année", s'avance le gouverneur de la Banque de France, soulignant que "le Brexit imposait de développer notre autonomie financière européenne". Dans le collimateur des banquiers centraux de l'UE, les chambres de compensation londoniennes, ces institutions qui servent de plaque tournante aux échanges des sociétés financières, et assurent l'essentiel de la compensation de leurs opérations, même en euros. Une importance telle que l'UE leur a donné 18 mois de sursis, avant d'obliger à ce que les opérations en euros ne soient obligatoirement compensées sur le territoire de l'Union.


Cédric INGRAND

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