Récit : Shirley Chisholm, la première femme noire à s'être présentée à la présidentielle américaine

En janvier 1972, Shirley Chisholm entrait dans l’Histoire en devenant la première femme afro-américaine à tenter d’obtenir la candidature démocrate pour la présidence. Retour sur ce moment marquant.
Shirley Chisholm la première femme noire à s'être prsente à llection prsidentielle amricaine
Don Hogan Charles/New York Times Co./Getty Images

25 janvier 1972. Sur le parvis de l'église baptiste de Concord à Brooklyn (New York), Shirley Chisholm prend place devant les reporters. La députée a sûrement conscience de l’importance du discours qu’elle va prononcer. Elle s’apprête à entrer une nouvelle fois dans l’Histoire en devenant la première femme noire à se présenter aux élections présidentielles.

« Je ne suis pas la candidate de l’Amérique noire même si je suis noire et fière de l’être. Je ne suis pas la candidate du mouvement des femmes même si je suis une femme et fière de l’être. [...] Je suis la candidate du peuple d’Amérique et ma présence devant vous symbolise une nouvelle ère dans l’histoire politique américaine », affirme Shirley Chisholm avec l’aisance oratoire qui lui est connue. Voici comment elle est arrivée jusque là.

Une femme intelligente et persuasive

Fille d’un père guyanais et d’une mère barbadienne, Shirley Chisholm a longtemps travaillé dans l’éducation à New York, sa ville de naissance, avant de se lancer en politique. En 1968, elle est la première femme noire à gagner un siège au Congrès américain. À l’époque, elle est déjà connue pour son franc parler et n’hésite pas à exprimer son mécontentement quand on l’assigne au comité de l’agriculture (ce qui n'a pas vraiment de sens quand on est l'élue d'une grande ville). Elle finira par être transférée au comité s’occupant des anciens combattants, puis à celui sur le travail et l’éducation.

C’est sa campagne pour l’investiture démocrate en 1972 qui va la hisser au rang d’icône. Dans Vox, la professeure d’histoire Tammy Brown explique : « Je pense que Chisholm est la femme la plus connue de toutes celles qui ont essayé d’obtenir la candidature pour la présidence, pour deux raisons principales. Premièrement, son intellect féroce et ses talents d’oratrice. Elle savait faire un discours. Elle savait casser la baraque. Elle a aussi eu de l’attention parce qu’elle était très intelligente et persuasive. »

Comme l’affirme son slogan de campagne, Chisholm est « Unbought and Unbossed » : une femme indépendante que l’on ne peut pas acheter. Elle se veut porte-parole de ceux qui ont été privés de leurs droits. En plus de son opposition à la guerre du Vietnam, elle base sa campagne sur l’égalité raciale et celle entre les hommes et les femmes. Plus de services pour les pauvres, un meilleur accès à la garde d’enfants pour les mères travailleuses, plus de diversité dans les écoles... Chisholm ratisse large et s’attire les faveurs des immigrés, de la classe ouvrière afro-américaine ou encore des mères de famille.

Shirley Chisholm, la première femme noire à s'être présentée à l’élection présidentielle américaine

Bettmann/Getty Images

Abandonnée par son propre camp

Mais sa campagne n’est pas de tout repos. La candidate manque d’argent et doit même se battre pour être invitée aux débats télévisés. Dans son propre camp, elle fait face à des réticences, notamment celles de certains délégués afro-américains qui lui préfèrent son opposant George McGovern. Pour Chisholm, le sexisme se fait ressentir.

Si les Black Panthers lui apportent leur soutien, la situation est plus compliquée du côté de l’Organisation nationale pour les femmes (NOW). Comme le montre justement la série Mrs. America(diffusée en 2020 sur Canal +, avec Uzo Aduba dans le rôle de Shirley), certaines féministes rechignent à la soutenir. Bella Abzug, figure phare de la NOW, lui préfère George McGovern. Gloria Steinem déclare que ce dernier est le « meilleur des candidats masculins » mais a affirmé récemment ne jamais avoir abandonné Chisholm dans sa campagne.

Malgré le manque de soutien de certaines féministes blanches ou des élus afro-américains, Shirley Chisholm arrive à toucher beaucoup d’électeurs avec son éloquence et son courage. Malheureusement, cela ne suffit pas pour gagner la nomination. Du 10 au 13 juillet 1972, les démocrates se réunissent à Miami Beach pour choisir leur candidat. Chisholm obtient 152 voix, un beau score, mais George McGovern la devance largement. En novembre 1972, c’est le républicain Richard Nixon qui est réélu président.

Morte en 2005, Shirley Chisholm reste une pionnière. Sa campagne a ouvert la voie à de nombreuses politiciennes, aussi bien Hillary Clinton que la nouvelle vice-présidente, Kamala Harris.

Shirley Chisholm, la première femme noire à s'être présentée à l’élection présidentielle américaine

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