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Le réalisateur des "Misérables" Ladj Ly à nouveau dans le viseur de la justice
Ladj Ly
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Le réalisateur des "Misérables" Ladj Ly à nouveau dans le viseur de la justice

Soupçons

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L’association à but non lucratif du réalisateur des Misérables se retrouve sous le coup d’une enquête préliminaire pour « blanchiment » et « abus de confiance ». Pas sûr que l’école fondée par le réalisateur s’en remette…

« Une bombe au napalm ! » C’est ainsi qu’un des élus de la mairie de Montfermeil a qualifié la nouvelle : une enquête préliminaire pour « blanchiment » et « abus de confiance » à l’encontre de l’association la Cité des arts visuels de Ladj Ly qui a pignon sur rue dans sa ville.

Car Ladj Ly, c’est l’exceptionnelle réussite montrée en exemple de l’enfant des quartiers devenu une star grâce au succès des « Misérables ». Film qui fut primé au Festival de Cannes en 2019 et césarisé en 2020. Ladj Ly, c’est le type pugnace, qui a réussi à monter, grâce à des aides financières publiques et privées, une école de cours de cinéma (au budget de près de 800 000 euros selon nos informations) ne nécessitant ni diplôme ni condition d’âge. Pour les minots de banlieue, Ladj Ly est d'autant plus un héros qu’il revenait de loin après avoir été condamné en 2011 à trois ans de prison pour enlèvement et séquestration... Las, selon les informations du Parisien, son CV pourrait être sévèrement entaché.

Mouvements d'argent suspects

Tout aurait commencé début 2020 après que Tracfin s’est intéressé à des mouvements d’argent suspects, notamment sur de possibles détournements de sommes publiques. Il serait question de plus de 200 000 euros. D’après des sources contactées par Marianne, les enquêteurs cherchent à comprendre où se seraient volatilisés ces montants, montants qui, pour le moment, ne concerneraient que l’année 2019…

De quoi miner ceux qui ont voulu croire en cet homme providentiel dont l’aura permettait de rejaillir sur les quartiers sensibles. « Voilà, c’est reparti, s’exclame anonymement un élu de Clichy-sous-Bois, attendant de plus amples éléments d’enquête. Que ne va-t-on pas dire maintenant ? Je vois déjà d’ici le raccourci : banlieue égale voyous… » Et de s’interroger sur le calendrier de cette vraisemblable fuite du parquet financier. « Quand même bizarre que cette information sorte avant la réunion du comité interministériel des villes de ce vendredi avec l’annonce de nouvelles mesures, notamment d’un milliard promis pour les quartiers prioritaires... »

Un contrat avec Netflix

Du côté des services de communication du CNC, de BNP Paribas, des Ateliers Médicis, des Fondations Nexity et France Télévisions, tous sponsors de l’école Kourtrajmé, on semble tétanisé. Réagir ou pas ? Pour l’instant, c’est silence radio. Et quelle est la position de l’artiste J.R à la tête de la section Art et Image ? Ou celle de l’actrice Ludivine Sagnier qui dirige la section acting ? La femme du réalisateur Kim Chapiron, co-fondateur de l’école avec Ly, en plein triomphe dans son rôle d’ex-femme de Lupin pour la série de Netflix, ne s’est pas encore exprimée.

Du côté de Netflix, on n’apprécie pas d’être mêlé de près ou de loin à de potentiels problèmes judiciaires. Et comme la plateforme de VOD avait signé en octobre dernier avec Kourtrajmé une aide d’une durée de trois ans pour le financement de trois courts-métrages réalisés par les élèves de l’école, on s’interroge sérieusement sur la pérennité du partenariat.

Par la voix de leur avocate, Julia Minkowski, Ladj Ly et son frère cadet Amadou, président de l’association, tentent de rassurer et « nient toute malversation. » D'autres projets, comme l'ouverture d’établissements à Marseille et Dakar, pourraient être compromis. « Quel gâchis, se désole un ex-collaborateur de Ly. Son idée était magnifique et commençait à bien tourner. Depuis 2019, environ 150 personnes ont été formées. Une véritable réussite.»Bien que la prudence doive être de mise en attendant les conclusions de l'enquête, il poursuit :« Si les malversations étaient avérées, l’école n’y survivrait pas. L’espoir d’ascension sociale qu’il avait fait naître redescendrait alors comme un mauvais soufflet. Avec ce genre d’affaires, on ne sortira jamais de l’image délétère qui colle aux villes de Montfermeil et Clichy-sous-Bois surtout depuis les terribles émeutes de 2005. » De la difficulté d'être un exemple.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne