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Une compression de César, un livre dédicacé de Joan Miro, une lithographie de Braque, des œuvres d'Arman, Folon ou Moretti, des meubles signés, une collection de pipes, mais aussi une cave « impressionnante, avec grands crus bordelais et prestigieux millésimes ». Rien à voir avec le fameux inventaire de Prévert. Cette liste, extraite d'un article du 14 novembre 2015 paru dans Le Parisien, n'est qu'un court extrait du catalogue de la vente aux enchères des biens de l'acteur Lino Ventura. Amateur d'art et, comme son ami Brassens, de tabac si l'on se fie à la présence des pipes dans ce descriptif hétéroclite.
Lino Ventura n'en était pas moins un grand amoureux du vin, très souvent en provenance du vignoble bordelais. Pierre Perret raconte, dans son livre de souvenirs Ma Vie en vin, qu'à l'occasion d'une émission de télé Ventura lui avait offert un Petrus 1970 alors qu'à l'époque les deux vedettes ne se connaissaient pas très bien. Une autre fois, c'est un Petrus 1961 que l'acteur lui fait déguster, en magnum, pour accompagner un osso-buco cuisiné par ses soins. « Nous étions avec Mireille Darc, mon copain Jean Carmet et le meilleur dialoguiste du monde, Michel Audiard, un moment de symbiose », raconte Pierre Perret, interrogé pour un article dans la Revue du vin de France. Lino Ventura fut remercié de son amicale générosité : « Il a découvert ma cave et il a vite repéré, au bout de deux ou trois dîners à la maison, où se trouvaient les bons crus… » se souvient encore Perret lors d'un passage à Europe 1, interviewé au côté d'un Jean-Louis Debré tout sourire, buvant, si l'on peut dire, ses paroles. Lors de l'un de ces fameux dîners, pour lancer les hostilités et accompagner une galantine de foie gras, Perret ayant suggéré un sauternes, Lino Ventura descendit dans la cave, fit semblant de fermer les yeux et de choisir au hasard une bouteille : il en sortit un château Yquem 45.
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Il cuisinait vraiment dans les films
Comme beaucoup d'acteurs de sa génération, lorsque Ventura ouvre une bouteille de vin dans l'un de ses films, il s'agit très couramment de rouge et, la plupart du temps, de bordeaux. Au cinéma, même dans les années 1970, c'est rarement du Petrus qui coule dans les verres. Plutôt des bordeaux simples que l'on qualifie parfois de petits, mais des bordeaux tout de même. À l'époque, le bordeaux-bashing n'a pas encore été inventé et dire du mal des vins de Bordeaux en ouvrant une bouteille de beaujolais nature n'est pas encore à la mode. Lors de la fameuse scène à table du film La Gifle, pour laquelle Lino Ventura a tenu à cuisiner personnellement les pâtes qu'il fait ingurgiter (le mot est faible) à Francis Perrin, alias Marc Morillon, le petit ami de sa fille jouée par Isabelle Adjani, c'est un bordeaux que l'on devine sans grade qui accompagne le repas. Mais, dans la vie, Ventura était non seulement un buveur avisé, mais aussi un cordon bleu, comme on disait à l'époque, grand spécialiste des pâtes…
Un jour qu'il racontait comment son ami auteur des « Copains d'abord » avait englouti l'intégralité d'une soupière de ses fameuses pâtes, Brassens, feignant de prendre ça pour un reproche, rétorqua : « Plains-toi… Tu en vois des mecs comme moi qui font honneur à tes plats ? » Il y en avait bien quelques-uns si l'on en croit les nombreux témoignages des amis de Ventura, Blier père en tête et, bien sûr, Gabin. Un jour que ce dernier était interrogé aux côtés d'Audiard, il lâcha avec une forme d'admiration : « T'as qu'à te trouver à table avec Lino… Ben, mon vieux, Lino, c'est du sérieux ! Tu parles d'un quadrille de mâchoires ! Il nous rend double-six à tous ! Parce que je me souviens, à la maison, un petit salé aux lentilles, une fois, et un cuissot de sanglier, une autre fois… Mon vieux… Tu croirais qu'il va te tuer, Lino, quand il mange, tu croirais qu'il va te tuer ! T'oses plus parler ! T'entends les mâchoires qui font clac, clac, clac ! Tu te dis : “Merde ! Si je m'approche, il va me buter !” Tu peux pas savoir ce que c'est ! Il est champion du monde, lui ! »
Bordeaux 2018
Château Bouillerot
06 80 20 32 25.
Fruits noirs, cerise, mûre, bouche riche, dense, tanins fins, serrés, bonne longueur, finale savoureuse.
Bordeaux 2018
Château le Bonalguet
06 81 91 08 12.
Nez fin, aromatique, fruits noirs, floral, élevage soigné, bons tanins serrés, sapide, long, fruité pur en finale, note saline.
Bordeaux 2017
Domaine du Carrelet
06 98 63 39 28.
Fruits noirs, très bon fruit en bouche, pur, bonne matière, de la fraîcheur, typé merlot, assez charnu, gourmand, tanins enrobés.
Bordeaux 2016
Château Thieuley
05 56 23 00 01.
Nez délicat, fruits noirs, feuillage, de la fraîcheur, bouche fine, tanins fondus, vin harmonieux, finale réglisse, tendu.
Bordeaux-supérieur 2018
Château Turcaud
05 56 23 04 41.
Cuvée Majeure. Nez réglissé, fruits noirs, bouche ronde, charnu, petits tanins fermes et frais, long, savoureux.
Bordeaux-supérieur 2018
Château Reynier
05 57 84 52 02.
Fruits noirs, burlat, bouche fraîche, tanins veloutés, bien enrobé, tendu, finale relevée.
Bordeaux-supérieur 2017
Château Landereau
05 56 30 64 28.
Classique. Nez agréable, fruits noirs, cassis, biscuit, tanins fins, serrés, pur, droit, bonne structure, finale sapide.
Bordeaux-supérieur 2016
Les Gravières de la Brandille
05 57 69 83 01.
Frais, floral, fruits rouges, feuillage, typé cabernet, note de réglisse, tanins fins, serrés, finale relevée.
Bordeaux-supérieur 2016
Château Lauduc
05 57 34 43 56.
Grande Cuvée. Fruits rouges, cassis, zan, fin, bonne fraîcheur, tanins délicats, harmonieux, de l'éclat.
Et pour la galantine de foie gras… Château d'Yquem 2013.
Parmi les noms les plus prestigieux du Bordelais, dont les prix se sont littéralement envolés ces dernières années, il est encore possible d'accéder à Yquem, au moins lors des foires aux vins de septembre. En effet, les liquoreux, aussi grands soient-ils, sont moins prisés que les grands rouges et demeurent à prix « abordable ». Nous avions sélectionné l'an passé un 2013 en demi-bouteille, très bien noté.
Merci pour ce retour aux choses simples. Voir un bon film, déguster un bon vin, sortir du quotidien triste dans lequel veulent nous enfermer les bienpensants plus ou moins "écolo bobo"