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Non, la vitamine D n’est pas le remède miracle tant attendu contre le Covid-19

Accessible, déjà prescrite à de nombreux patients, la vitamine D pourrait-elle aider à lutter contre le Covid ? Pas si vite, répondent de nombreux experts, qui soulignent que son utilité dans ce cadre n’est pas démontrée.

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Souvent promue pour ses bienfaits réels ou supposés, la vitamine D fait régulièrement parler d’elle depuis le début de la pandémie de Covid 19 alors que le monde cherche désespérément un traitement.

La semaine dernière, une tribune de médecins, très médiatisée, appelait « à supplémenter l’ensemble de la population française en vitamine D », parce que cela « pourrait contribuer à réduire l’infection par le Sars-CoV-2 ainsi que le risque de formes graves de Covid-19, de passages en réanimation et de décès ».

Utile à la santé osseuse, la vitamine D – qui est en fait une hormone – est synthétisée par l’organisme grâce à l’ensoleillement. On la trouve aussi dans certains aliments comme les œufs ou les poissons gras.

Des carences chez les bébés et les personnes âgées

Certaines populations (personnes en institution, comme en Ehpad par exemple) sont à risque d’insuffisance, voire de carence, de même qu’une bonne partie de la population française l’hiver, d’où l’intérêt de prescrire des « supplémentations » en vitamine D sous forme médicamenteuse, par exemple pour les bébés ou pour les personnes âgées, pour compenser ce manque.

La vitamine D sert aussi, comme de nombreux autres éléments utiles à l’organisme, à assurer le bon fonctionnement du système immunitaire. De là à glisser vers l’idée que la vitamine D protège des maladies ou les guérit, il n’y a qu’un pas… qu’il ne faut pas franchir, explique Mélanie Deschasaux, chercheuse en épidémiologie nutritionnelle.

La « différence est subtile » mais « ce qu’il faut, c’est assurer un fonctionnement normal du système immunitaire (…) qui lui-même va lutter contre les infections ». Mais sans pour autant garantie d’y échapper tant il y a de facteurs qui entrent en jeu dans la réaction de l’organisme à une infection.

Cancers, infections respiratoires, diabète… les espoirs placés en la vitamine D ne datent pas du Covid

« Avoir un système immunitaire qui fonctionne bien, c’est avoir son armée en ordre de marche », dit-elle encore, rappelant que la supplémentation n’est là que pour compenser une insuffisance, pas pour doper l’organisme.

Cancers, infections respiratoires, diabète… les espoirs placés en la vitamine D ne datent pas du Covid, mais « à l’heure actuelle, comme on prend les données qui existent, il reste encore trop d’hétérogénéité dans les résultats, ce qui fait qu’on a du mal à conclure », explique Mélanie Deschasaux.

Et aujourd’hui, on en est à peu près au même point concernant le Covid : « Il y a des études ’observationnelles’ (par opposition à des essais cliniques, considérés comme plus solides, NDLR) qui montrent une corrélation entre le taux de vitamine D et le pronostic de la Covid : plus le taux est haut, meilleur est le pronostic, moins de décès, moins de formes sévères… », explique le Pr Cédric Annweiler, chef du service de gériatrie au CHU d’Angers et signataire de l’appel.

« Il faut des essais cliniques »

Sauf que scientifiquement, corrélation (ou association) n’est pas causalité. Actuellement, « on a ce qu’on appelle une présomption scientifique mais pour avoir une preuve scientifique, une causalité, il faut des essais cliniques », rappelle le Pr Annweiler, précisément en train de lancer un essai plus large et mieux conçu, pour voir si la vitamine D aide les personnes âgées face au Covid.

Il est d’autant plus compliqué d’isoler le rôle de la vitamine D que les populations les plus à risque de Covid graves sont aussi les plus à risque d’insuffisance en vitamine D.

« En l’absence de données cliniques comparatives de niveau de preuves suffisant, on ne sait pas quel est l’effet d’une supplémentation en vitamine D en prévention des infections par Sars-CoV-2 ou en traitement » du Covid, disait aussi la revue médicale Prescrire mi-décembre.

« La porte de sortie de la crise, c’est le vaccin et les gestes barrières »

D’ailleurs, assure le Pr Annweiler, « on ne dit pas du tout que c’est la panacée, c’est au mieux, un adjuvant, mais la porte de sortie de la crise, c’est le vaccin et les gestes barrières ».

Autrement dit : se jeter sur des compléments alimentaires ou des ampoules de vitamine D dans l’espoir de se prémunir du Covid n’a aucun sens, note le Dr Jérémy Descoux, fondateur du collectif No Fake Med, appelant « à la prudence ». Pour lui, à ce stade, « il est précipité de faire une communication grand public », car « on risque des comportements erratiques ».

Gare aux intoxications !

Même si les cas sont très rares, les intoxications existent. L’Agence du médicament (ANSM) vient d’ailleurs d’alerter sur « le risque de surdosage associé » aux « compléments alimentaires à base de vitamine D chez des enfants », qui peuvent contenir des quantités élevées.

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