Femmes maires : "Les hommes cèdent la place là où il n'y a ni pouvoir, ni moyens"

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  • L'Aude comptait 53 femmes-maires à l'issue des municipales de 2008, 63 après celles de 2014 et 69 aujourd'hui.
    L'Aude comptait 53 femmes-maires à l'issue des municipales de 2008, 63 après celles de 2014 et 69 aujourd'hui. Independant - CHRISTOPHE BARREAU
Publié le , mis à jour
Textes Laurent Rouquette

L'Observatoire régional de la parité d'Occitanie a analysé les chiffres issus des élections municipales de 2020, par département. L'Aude n'est pas spécialement bien placée dans la féminisation de la fonction de maire.

Le nombre de femmes maires progresse, mais cela ne veut pas dire qu'elles prennent de l'importance politique pour autant : telle est la conclusion, en forme de paradoxe, dressée par l'Observatoire régional de la parité d'Occitanie, présidé par Geneviève Tapié. L'Héraultaise, ancienne viticultrice, membre du Conseil économique, social et environnemental d'Occitanie, militante historique du PS méridional, résume en peu de mots les résultats de l'étude menée par son Observatoire sur les données du répertoire national des élus du ministère de l'Intérieur : "Le nombre de femmes maires est important dans les plus petites communes, celles où il y a le moins de moyens, le moins de pouvoir, le moins d'influence, le moins d'indemnités".

Evolution faible

Une conclusion qui a demandé une analyse fine des élections municipales de  2020, par département, et par strates de population. "Au niveau régional, le nombre de femmes maires a évolué de moins de 3 % par rapport à 2014, et  839 femmes ont été élues maires parmi les 4 407 communes d'Occitanie, soit 19,04%. Et force est de constater que plus on s'éloigne des petites communes, plus il y a de pouvoir, moins on rencontre de femmes", remarque l'Observatoire. 82% des femmes maires d'Occitanie président aux destinées d'une commune de moins de 1000 habitants.

87% des femmes-maires de l'Aude sont élues dans des communes de moins de 1000 habitants

"Dans l'Aude, ce phénomène est accentué, souligne Geneviève Tapié. Dans ce département particulièrement, on peut dire que les hommes laissent la place aux femmes dans les toutes petites communes, celles dans lesquelles la parité légale (stricte alternance d'un homme et d'une femme dans les candidatures, NDLR) ne s'applique pas". Le département n'est déjà pas le mieux placé sur le pourcentage général de femmes maires (69 sur 425 communes, soit 16,5% contre 19 au plan régional), mais il a un nombre supérieur de femmes maires de communes de moins de 1000 habitants (87%). Surtout, il fait partie de ceux qui comptent le plus de femmes dans les microcommunes de moins de 100 habitants. Presque une de ces communes sur quatre est dirigée par une femme dans le département, un chiffre que seules les Hautes-Pyrénées et surtout l'Ariège dépassent.

Carcassonne Agglo : "Regrettable"

Pour l'instant, l'Observatoire de la parité ne s'est pas penché sur les intercommunalités, en l'absence de chiffres définitifs du ministère de l'Intérieur. "Dans l'Aude, on note toutefois quelque chose d'éminemment regrettable : le nombre de femmes vice-présidentes de Carcassonne Agglo est passé de 3 sous la précédente mandature à une seule aujourd'hui", tempête Geneviève Tapié. Et la surreprésentation des hommes dans le conseil d'agglo n'est pas une excuse. "Rien n'oblige à ce que, dans une maire, on désigne le maire pour siéger à l'intercommunalité. Il suffirait que le conseil désigne une élue pour représenter le village : cela servirait le principe constitutionnel d'égalité de représentation et permettrait de lutter contre le cumul des mandats", suggère la présidente de l'Observatoire.

Les mairies audoises dirigées par des femmes

Voici la liste des communes de l’Aude dont le maire est une femme (liste résultant des dernières élections municipales de mars et juin 2020).
Alet-les-Bains : Ghislaine Tafforeau. Arques : Geraldine Gracia. Belcastel-et-Buc : Anne-Marie Valmigère. Bouilhonnac : Dorothée Pechaire. Bram : Claudie Faucon-Méjean. Cailhavel : Danielle Bonnet. Camps-sur-l’Agly : Rolande Alibert. Castans : Yolande Piton. Caunette-sur-Lauquet : Marie-Pierre Gayda. Caux-et-Sauzens : Geneviève Raboul. Cubières-sur-Cinoble : Maryse Baillat. Davejean : Melinda Bornia. Fabrezan : Isabelle Géa-Peris. Fendeille : Danielle Fabre. Ferran : Dominique Fromilhague. Festes-et-Saint-André : Catherine Eulalie. Fraissé-des-Corbières : Céline Cerda. Gaja-et-Villedieu : Hélène Mas. Homps : Béatrice Bort. Joucou : Lydie Munier. Labastide-d’Anjou : Nathalie Naccache. Laurac : Yolande Steenkeste. Maisons : Florie Blanc. Malviès : Evelyne Santini-Trastet. Marseillette : Bernadette Duclos. Mas-Cabardès : Nadia Doria. Mas-Saintes-Puelles : Isabelle Siau. Mayreville : Sandrine Aline Raymonde Campguilhem. Mirepeisset : Fabienne Martinage. Mireval-Lauragais : Marie-Paule Cau. Montclar : Anne Barthe-Lascorz. Montgradail : Sabine Jeannot. Montjoi : Jessica Bosch. Montséret : Geneviève Fabre. Mouthoumet : Christelle Hermand. Névian : Magali Vergnes. Niort-de-Sault : Marie-Antoinette Moulis. Peyriac-de-Mer : Catherine Gouiry. Peyriac-Minervois : Denise Gils. La Pomarède : Nadine Rostoll. Preixan : Patrica Dhumez. Puichéric : Christine Peany. Ricaud : Nicole Martin. Roquecourbe-Minervois : Corinne Giacometti. Roubia : Geneviève Lopez. Routier : Michèle Ancelle. Saint-Louis-et-Parahou : Marielle Bastou. Saint-Martin-Lys : Rose-Marie Manaud. Sainte-Valière : Viviane Durand. Seignalens : Marie-Claude Nouvel. Serviès-en-Val : Martine-Marie Escanuela. Sougraigne : Nicole Socquet-Juglard. Tournissan : Marilyse Rivière. Toureilles : Marie-Christine Palomino. Trassanel : Christiane Gros. Tréville : Véronique Corroir. Tuchan : Béatrice Bertrand. Valmigère : Isabelle Fouquet. Verdun-en-Lauragais : Monique Vidal. Villardebelle : Marguerite Falcou. Villar-en-Val : Magali Arnaud. Villedaigne : Lydie Loïs. Villelongue-d’Aude : Marie-Claudine Laffont. Villemagne : Hélène Brousse. Villeneuve-lès-Montréal : Anne-Marie Mazières. Villesèque-des-Corbières : Catherine Maitre. Villesiscle : Rachel Stremler. Villespy : Maryse Lala.

La 69e commune recensée par l’Observatoire comme étant dirigée par une femme est Roquefort-des-Corbières, où Marie-Christine Thérond-Chet a été réélue mais son élection est annulée et la commune est dirigée depuis le 3 novembre par une délégation spéciale en attendant un nouveau scrutin, le 7 mars prochain.

Paroles d'élues

Melinda Bornia, maire de Davejean : "Il faut savoir se battre"

Melinda Bornia a pris en mars dernier la tête de la mairie de Davejean, village de 117 habitants dans les Hautes-Corbières.
Melinda Bornia a pris en mars dernier la tête de la mairie de Davejean, village de 117 habitants dans les Hautes-Corbières. DR - DR

"Je ne me vois pas avec tout un tas d’étiquettes, présidente de ci ou de ça, sans pouvoir assumer ce que cela représente derrière. Pour l’instant, je suis maire, je travaille, j’ai trois enfants. Si je veux bien remplir mon mandat, cela suffit. Et me présenter à une autre élection, je n’y pense pas".

Les choses sont dites avec beaucoup de simplicité et de franchise par Melinda Bornia, 39 ans, maire de Davejean depuis les dernières élections. Et quand on lui demande comment est venu cet engagement, si quelqu’un lui a proposé d’être candidate, elle sourit : "C’est plutôt moi qui ai proposé à Guy Jouin de monter une liste en 2014. Lors du premier mandat, j’étais sa première adjointe, et pour cette fois, nous avons inversé", raconte cette bénévole du comité des fêtes de la commune, revenue à l’âge de 16 ans dans le village natal de son père. "C’était en 1996, j’avais 16 ans. Nous vivions en région parisienne et mon père a été frappé par le chômage. Nous sommes donc revenus à Davejean". Après sa scolarité à Carcassonne au lycée Jules-Fil, Melinda (Mazerm à l’époque) se dirige vers une carrière dans l’œnologie, travaillant un temps à la cave coopérative de Padern, avant de décider de se reconvertir dans l’enseignement.

"Mon tempérament me permet de n’avoir aucune difficulté avec le fait d’être femme et maire. Il faut savoir écouter, et savoir se battre aussi", souligne celle qui ne se revendique d’aucun bord politique, "vraiment ", et qui en vient à se demander si, à vouloir ainsi remplir pleinement leur fonction sans briguer d’autres mandats, les femmes, en politique, ne seraient "finalement pas plus honnêtes".

 

Claudie Faucon-Méjean, maire de Bram : "Le plus important, c'est l'équilibre"

Élue municipale depuis 2001 et maire de Bram depuis 2011, Claudie Faucon-Méjean est la femme qui dirige la commune la plus peuplée dans l’Aude (3 300 habitants).
Élue municipale depuis 2001 et maire de Bram depuis 2011, Claudie Faucon-Méjean est la femme qui dirige la commune la plus peuplée dans l’Aude (3 300 habitants). Claude Prat - Claude Prat

Elle a une façon de positiver les situations qui est tout sauf de la naïveté. Claudie Faucon-Méjean, maire de Bram depuis 2011, fait preuve de recul, et parfois d’humour, lorsqu’elle évoque son parcours, balisé par des hommes qui lui ont "fait confiance". Jacques Cambolive, vieux grognard de la gauche audoise, l’a contactée lorsqu’elle était directrice de l’école maternelle du village. C’était aux élections de 2001, et, dans cette commune où se pratiquait encore le panachage des listes, "j’ai fait le meilleur score, mieux que le maire", sourit-elle aujourd’hui. Un résultat qu’elle attribue à la "chance du débutant", qui lui a ouvert les portes d’un poste d’adjointe, mais "à l’enfance, l’éducation, le social, comme par hasard", sourit-elle encore de ce travers qui consiste, pour les hommes politiques, à charger toujours les femmes des secteurs jugés "féminins. Et les clichés ont la vue dure", glisse celle qui, aujourd’hui, est vice-présidente de l’association des maires de l’Aude, mais "chargée de l’éducation et de la culture", soupire-t-elle.

Les choses changent toutefois. À la communauté de communes, elle était déléguée à l’enfance et à la jeunesse, mais se voit aujourd’hui chargée du personnel et des services publics. Une responsabilité plus en phase avec ce service public qui, justement, était à l’origine de son engagement en politique…

Sur la question de savoir si les hommes laissent aujourd’hui la place aux femmes dans les communes les plus petites, Claudie Faucon-Méjean refuse "une tendance à opposer. Je suis pour que nous nous engagions tous ensemble, chacun à une place, avec comme principe l’équilibre et la représentativité". Cet équilibre pour lequel elle milite auprès de l’Observatoire régional de la parité, en réfléchissant à la création d’une structure regroupant les femmes maires. Un peu sexiste, ce regroupement ? "On rattrape le temps perdu", plaisante-t-elle, encore une fois.

 

Patricia Dhumez, maire de Preixan : "Le pouvoir pour le pouvoir ne m'intéresse pas"

Patricia Dhumez  est maire de Preixan et de ses 630 administrés depuis 2014.
Patricia Dhumez est maire de Preixan et de ses 630 administrés depuis 2014. Independant - BOYER Claude

Lorsqu’on lui demande pourquoi, en 2014, lorsqu’elle a monté sa liste aux municipales pour succéder à Daniel Barcelo, Patricia Dhumez a voulu une parité totale alors que la loi ne l’exigeait pas, la maire de Preixan est un peu décontenancée. "Je n’ai même pas d’explication. Pour moi ça coule de source, ça me paraissait logique", ajoute cette quinquagénaire, géographe de formation, qui fut enseignante, mais qui est surtout connue pour son engagement associatif. Patricia Dhumez anime en effet depuis 20 ans le club de savate boxe française de Trèbes, dont elle assume la présidence.

Cet engagement explique peut-être qu’elle n’ait pas hésité, en 2014, lorsque l’ancien maire de Preixan a décidé de ne pas se représenter, à proposer sa candidature. "Acceptée par toute l’équipe", précise-t-elle, équipe qui elle non plus n’a pas vu d’inconvénient dans la décision d’appliquer la parité. Et le village a suivi, puisque la liste de Patricia Dhumez était seule en lice, tout comme en 2020.

"Je ne cherche pas le pouvoir pour le pouvoir. Je l’ai, et j’essaie de l’utiliser à bon escient pour la population", dit cette élue particulièrement fière "d’avoir pu faire aboutir le projet qui était celui du mandat : la réfection totale de la rue de la mairie avec un réaménagement complet de l’espace public et la création d’une zone de rencontres". Projet qui fut un peu plus long que prévu, mais qui reste sa "grande satisfaction".

"J’ai un engagement très basique", martèle celle qui n’envisage absolument pas de candidater pour une autre élection. "Je n’ai pas d’autre ambition que de rester au niveau local". Et œuvrer, concrètement, pour sa commune.

 

Catherine Gouiry, maire de Peyriac-de-Mer : "Les femmes ont plus de visibilité dans la vie quotidienne des villages"

Maire de Peyriac-de-Mer (1 140 habitants) depuis 2014, cette infirmière retraitée est aussi très investie dans le Parc Naturel Régional de la Narbonnaise.
Maire de Peyriac-de-Mer (1 140 habitants) depuis 2014, cette infirmière retraitée est aussi très investie dans le Parc Naturel Régional de la Narbonnaise. Séverine Combes - Séverine Combes

Pour elle, ce ne sont pas les hommes qui ont "laissé la place aux femmes dans les petites communes". Catherine Gouiry bat en brèche l’affirmation de l’Observatoire régional de la parité pour donner sa propre interprétation : "Nous, les femmes, sommes beaucoup plus visibles dans les petites communes : nous allons chercher les enfants à l’école, nous nous investissons dans les associations..." C’est du reste comme cela que, investie dans la vie scolaire dès son arrivée à Peyriac-de-Mer, Catherine Gouiry a été approchée par l’ancien maire, Louis Vic, et a intégré l’équipe municipale dès 1995.

Elle a le même sourire que ses consœurs lorsqu’elle évoque cette délégation "au social et aux écoles", que le maire lui a par la suite confiée. "On ne voit pas trop de femmes déléguées à la voirie", plaisante cette infirmière en établissements de santé, dont la candidature en tête de liste s’est "naturellement imposée", en 2014, après un intermède de 6 ans dans l’opposition.

Passionnée d’environnement et de développement durable, cette maire d’une commune littorale enchâssée au sein d’un écrin de nature préservée, a des responsabilités au Parc Naturel Régional qui correspondent mieux à cet engagement : elle y est la vice-présidente chargée du plan climat. Et L’Agglo du Grand Narbonne lui a confié la délégation aux lagunes.

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