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Qu’est-ce que le luxe ?

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Publié le , mis à jour le
Est-ce ce qui est cher ? Ce qui est rare ? Ce qui est précieux ? Aujourd’hui, le luxe est plus que jamais associé à l’argent et aux marques, s’affichant sur tous les supports publicitaires, colonisant les imaginaires. Mais son histoire nous révèle toute sa variété. Objets respectés, soigneusement façonnés et conservés, transmis de génération en génération ou découverts par des missions archéologiques, les œuvres du luxe (ou plutôt, des luxes) sont au cœur d’une grande exposition au musée des Arts décoratifs de Paris, qui ouvre pour l’occasion deux salons grandioses habituellement fermés au public. À (re)découvrir dès la réouverture des lieux culturels. Que le spectacle commence !
Vue de l’entrée de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021: Marc Newson  —The Hourglass Suisse, 2015
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Vue de l’entrée de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021: Marc Newson —The Hourglass Suisse, 2015

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Le temps, redoutable adversaire

Au sein d’une cuisine, le sablier est un objet sympathique : usuel, il sert à réussir de parfaits œufs à la coque ou à mesurer l’infusion d’une tasse de thé. Mais dans l’entrée du musée des Arts décoratifs, le sablier conçu par le designer australien Marc Newson semble nous lancer un défi. Certes sublime avec ses courbes larges et les nanobilles en acier inoxydable plaqué d’or qu’il égrène en silence, l’objet de verre (soufflé en une seule fois, un exploit !) nous rappelle d’emblée que le plus grand des luxes est bel et bien le temps. Et qu’en quelques secondes déjà, juste en le contemplant, nous avons vieilli, et nous sommes un peu rapprochés de la mort – Memento Mori. Un supplice, qui remet immédiatement en perspective toute appréhension de la beauté et de la rareté.

© MAD, Paris / Luc Boegly

Écharpe ou bas d’aube (détail)
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Écharpe ou bas d’aube (détail), Alençon, vers 1690

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La dentelle, née des doigts de fée

À sa façon, la dentelle aussi nous parle du temps, puisqu’il suffit de la contempler pour deviner le lent travail manuel qui l’a fait apparaître. Ouvrage de patience et de précision originaire de Venise et des Flandres, elle gagne en popularité à partir de la Renaissance et se retrouve associée à bien des vêtements. « Aux XVIe et XVIIe siècles, les portraits des puissants montrent comment fraises, collets, manchettes, volants et autres cravates de dentelle dialoguent avec les velours de soie et les étoffes de prix », écrit dans le catalogue Denis Bruna, conservateur en chef du département Mode et Textiles au MAD. En France, des manufactures telles que celles d’Alençon ou de Sedan se démarquent dès le XVIIe siècle et concurrencent les meilleures fabriques italiennes, grâce à la volonté de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV, qui souhaite développer le commerce français.

Fil de lin, dentelle à l’aiguille au point de France • © MAD, Paris / Luc Boegly

Salon du bois, pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs à l’Exposition universelle de 1900, Paris
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Salon du bois, pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs à l’Exposition universelle de 1900, Paris

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Un salon dédié tout entier à la beauté

Y entrer, c’est pénétrer un petit bout de l’Exposition universelle de 1900. Ce « Salon du bois » a été créé par le décorateur Georges Hoentschel pour le pavillon de l’Union centrale des arts décoratifs, alors installé de façon éphémère sur l’esplanade des Invalides. L’idée ? Mettre en valeur les savoir-faire que l’Ucad soutient à travers différents salons (dédiés au métal, à la céramique…), dont cet écrin de bois d’une exceptionnelle technicité. Le platane d’Algérie, sculpté en branches fleuries, encadre une grande toile d’Albert Besnard intitulée L’Île heureuse. Cinq ans plus tard, en 1905, le salon est remonté dans l’actuel musée des Arts décoratifs – il faudra toutefois attendre 2020 et l’exposition Luxes pour le voir ouvert au public !

© MAD Paris /Christophe Dellière

Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : Maison Cartier, Pendule écran, Paris, 1927 ; Devant de corsage, Paris, 1925
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Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : Maison Cartier, Pendule écran, Paris, 1927 ; Devant de corsage, Paris, 1925

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Un écran de jade

Est-ce vraiment l’heure qu’il faut lire sur cette pendule Art déco réalisée en 1927 par l’Atelier Couët pour la maison Cartier ? Vendue l’année suivante au banquier américain Georges Blumenthal, elle est constituée de jade, de corail, d’onyx, de nacre, d’émail, de diamants, d’émeraudes et de saphirs. De quoi faire tourner la tête à quiconque la regarde. Dragons, nuages, paysages montagneux délicatement sculptés sur le jade… L’objet témoigne de l’intérêt de Cartier pour l’esthétique asiatique, que l’on retrouve dans nombre de ses productions. À ses côtés, un devant de corsage en mosaïques signé Boucheron de 1925.

© MAD, Paris / Luc Boegly

Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021: Malle Pullman ayant appartenu au Duc de Windsor, années 1940 et Voiture Hispano-Suiza H6B 209, Espagne, 1925
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Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021: Malle Pullman ayant appartenu au Duc de Windsor, années 1940 et Voiture Hispano-Suiza H6B 209, Espagne, 1925

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Voyager loin et bien

À deux pas d’une rutilante automobile Hispano-Suiza H6B, la malle dite Pullman nous parle de la vogue des voyages à travers l’Europe et, grâce à l’emblématique paquebot Normandie, par-delà les océans. Luxe réservé à une élite fortunée, le voyage tient alors de l’art de vivre : il suffit pour s’en convaincre de contempler l’intérieur parfaitement fonctionnel de cette valise ayant appartenu au duc de Windsor (ici désigné par son chiffre et ses couleurs). Parois tapissées de tissu, housses pour les accessoires, nombreux tiroirs, cintres… Un véritable dressing de poche, signé par la célèbre maison Goyard et dont l’extérieur est tendu d’une robuste toile enduite et imperméable.

© MAD Paris /Christophe Dellière

Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : YMER&MALTA et Benjamin Graindorge, “Fallen Tree”, 2011 et Robe Lagerfeld pour Chloé, 1984
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Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : YMER&MALTA et Benjamin Graindorge, “Fallen Tree”, 2011 et Robe Lagerfeld pour Chloé, 1984

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Un banc nommé nature

Il n’est pas difficile d’imaginer que, bientôt, l’incarnation du luxe puisse être une simple balade entre les arbres, loin du bruit et de la pollution urbaine. Conçu à quatre mains par Valérie Maltaverne et Benjamin Graindorge, ce banc dont l’allure disciplinée se prolonge en branches échevelées nous parle de l’exploitation du bois, de sa beauté domptée et de son usage au service du design. Posé sur un bloc de verre borosilicate, il révèle deux temps : celui de la nature, infiniment long, et celui des arts décoratifs. Cloé Pitiot, conservatrice au département des Collections modernes et contemporaines du musée, écrit ainsi dans le catalogue que les deux designers « créent au rythme du vivant, de l’homme et de son environnement. » Derrière lui, changement de ton : une robe Chloé dessinée par Karl Lagerfeld en 1984.

© MAD, Paris / Luc Boegly

Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 ; Guo Pei, Magnificent Gold, Collection « Samsara » Pékin, 2006 (Asian Civilisations Museum, Singapour)
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Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 ; Guo Pei, Magnificent Gold, Collection « Samsara » Pékin, 2006 (Asian Civilisations Museum, Singapour)

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Une robe de conte de fées

Impossible d’entrer dans une pièce sans se faire remarquer ! Mais c’est sans doute un peu l’idée de cette robe ahurissante, dessinée par la créatrice de mode chinoise Guo Pei en 2006. Imprégnée des folies de la Cour impériale chinoise et grande connaisseuse des arts décoratifs, la prodige diplômée à 20 ans a été rapidement plébiscitée par une clientèle de stars – elle a même habillé la chanteuse Rihanna en 2015 pour l’incontournable gala du Met, s’assurant ainsi une publicité ultra-efficace. Volume meringue et traîne affriolante, cette robe monumentale est faite de soie, de fils d’or et d’argent et ornée d’accessoires Swarovski. Cocorico : elle s’inspire d’un uniforme de Napoléon, conservé musée de l’Armée.

© MAD Paris /Christophe Dellière

Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : Olivier Saillard, T-shirt over size draped, collection « Moda Povera I », 2018 ; Issey Miyake, robe Colombe, Paris, collection printemps-été 1991 ; Simon Porte Jacquemus, robe, collection “L’année 97” ; Gloria Cortina, “Banc [Synergie]”, 2016
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Vue de l’exposition Luxes au MAD, Paris, 2021 : Olivier Saillard, T-shirt over size draped, collection « Moda Povera I », 2018 ; Issey Miyake, robe Colombe, Paris, collection printemps-été 1991 ; Simon Porte Jacquemus, robe, collection “L’année 97” ; Gloria Cortina, “Banc [Synergie]”, 2016

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Design sculptural

Encore un banc si beau qu’on hésiterait à s’y asseoir… Il faut dire que la designer mexicaine Gloria Cortina n’est pas du genre à faire tapisserie. Ses meubles convoquent des formes géométriques, relativement massives, et les défient avec des matières rares ou travaillées finement (pierres précieuses, bois tropicaux, textiles sublimes), denses au regard et au toucher. Le Banc [Synergie] (2006) veut incarner une suite mathématique en laiton frappé à la main. Jouant de proportions, les cubes s’enchaînent comme des nombres et parfois s’envolent, riant de la gravité… Derrière lui, trois silhouettes réinventent les plis et les silhouettes et déclinent le blanc – elles sont signées, de gauche à droite, Olivier Saillard, Issey Miyake et Jacquemus.

© MAD, Paris / Luc Boegly

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Luxes

Du 15 octobre 2020 au 18 juillet 2021

madparis.fr

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