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Ce que révèle l’affaire BeurFM/Israël

Figaro

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Rose Ameziane et Malik Yettou, animateurs de «L’Actu autrement» sur Beur FM, ont été sanctionnés par la direction de la radio après une rencontre avec l’ambassadeur d’Israël. Pour les deux animateurs, la chaîne a cédé à la pression des communautaristes et des antisémites.

Rose Ameziane est présidente du Mouvement pour l’émancipation des territoires et intervient en tant que chroniqueuse politique.


FIGAROVOX.- Beur FM vous a sanctionnés après une rencontre avec l’ambassadeur d’Israël. Comment la directrice de l’antenne a-t-elle motivé cette sanction?

Rose AMEZIANE et Malik YETTOU.- Elle a motivé cette sanction par mail en nous informant en ces termes: «pour votre information à tous les deux, l’émission ne sera pas reconduite à la rentrée et ce pas avant un bon debrief de notre ligne éditoriale...» Il était indiqué sans nuance que le fait de rencontrer l’ambassadeur d’Israël et son porte-parole ne respectait pas la ligne éditoriale de Beur fm.

Il nous a été reproché une simple photo sur un tweet de l’ambassade d’Israël et surtout d’avoir rencontré l’ambassadeur et son porte-parole afin d’échanger sur l’accord de paix entre Israël et le Maroc.

Pourquoi avoir décidé de rendre cette affaire publique? La directrice de l’antenne a-t-elle, selon vous, cédé à la pression communautaire?

Nous sommes convaincus qu’elle a cédé à une minorité agissante et influente qui ne cesse de harceler et de mettre la pression. Nous avons ressenti dans sa sanction qu’elle semblait vouloir peut être éviter de se heurter à une certaine frange politique et communautariste. Ceux que le Président appellent les «séparatistes».

Dans un premier temps nous avons ressenti de l’indignation et dans un second temps nous avons trouvé cela tellement incompréhensible, brutal et violent qu’on a décidé d’en parler.

Il était évident pour nous que les agissements de la direction devaient être dénoncés. Il était hors de question d’accepter l’inacceptable. Nous ne pouvons pas croire que la majorité des auditeurs de Beur FM accepte cela.

On a souhaité faire tomber les masques. On a été victimes de menaces et d’injures sans qu’il y ait une seule réaction de la part de la direction.

Cette même direction tente aujourd’hui de sauver les apparences par des mensonges éhontés en affirmant qu’ils ont toujours eu pour projet de réaliser l’émission. Sauf qu’en réalité la direction n’a jamais souhaité les contacter, et qu’il n’ont pris attache auprès de l’Ambassade qu’après l’apparition de l’article.

À aucun moment ni les anti-racistes, ni les gens se revendiquant de lutter contre le racisme n’ont pris notre défense.

N’était-ce pas paradoxal de vouloir résister au communautarisme sur une chaîne communautaire comme Beur FM? Faut-il voir autre chose dans votre sanction qu’un désaccord éditorial?

Beur FM s’adresse effectivement à une communauté mais pas à des communautaristes, en tout cas pas à ma connaissance

Qu’une radio communautaire s’adresse à une communauté n’a rien de choquant. Par contre, qu’une radio cède à la pression communautariste, c’est inacceptable.

Avant tout, il faut être clair sur ce qu’est une ligne éditoriale. Si la ligne éditoriale c’est de ne pas rencontrer l’ambassadeur d’Israël et son porte parole pour traiter d’un accord entre le Maroc et Israël, c’est consternant. Nous avons fait un travail en amont avant de construire ce sujet et il nous semblait sérieux de rencontrer l’ambassadeur d’Israël.

D’ailleurs quelques semaines auparavant, Beur FM avait reçu l’ambassade de l’Azerbaïdjan en plein conflit armée avec l’Arménie, ce qui semble là en revanche être leur ligne éditoriale.

Ne soyons pas dupes, c’est de l’antisémitisme à peine masqué, ou bien de la discrimination à l’égard d’une nation mais les deux nous sont insupportables.

Soyons lucides, il faut voir autre chose que ce prétexte de la ligne éditoriale. C’est tout un mécanisme plus profond qui se trouve derrière: cette nébuleuse séparatiste qui, sur les réseaux sociaux, tente sans relâche d’influencer par des menaces, des insultes ou des invectives la direction.

On ne doit pas céder à leur pression, on doit les combattre avec une volonté inébranlable .

La direction a cédé de manière assez lâche à ces fanatiques des réseaux qui ne se cachent pas d’être des antisémites notoires et pour qui rien que l’existence de l’État d’Israël est un affront.

Si la directrice cède, c’est qu’elle cautionne et qu’elle partage ces idées.

Pourquoi vous êtes-vous engagés avec cette radio au départ?

Nous avons animé deux émissions, de débat «lundi politique» et «l’actu autrement». L’objectif était d’apporter une pluralité d’opinions au sein de la radio. On avait à cœur d’offrir des débats de société sans langue de bois,.

Au commencement, on avait carte blanche de la directrice pour animer nos débats, et nous trouvions cet esprit génial.

On a donc décidé de ne censurer personne, de laisser toutes les idées politiques s’exprimer, d’ouvrir l’antenne à toutes les sensibilités tout en cadrant les débats et interventions.

Et puis cette radio a une histoire, elle est aussi le patrimoine d’enfants d’immigrés ayant soif de prendre part au débat.

Vous avez été traités de «bougnoules de service» sur les réseaux sociaux...

Il y a une volonté, au-delà d’attaquer les idées, d’attaquer les personnes: de fragiliser ou de détruire tous ceux qui ne pensent pas comme eux.

Il y a des insultes mais il y aussi les menaces, on nous a dit qu’on allait payer.

Ces menaces sont graves car elles s’adressent aujourd’hui à l’ensemble de la profession.

À aucun moment ni les antiracistes, ni les gens revendiquant de lutter contre le racisme n’ont pris notre défense.

On doit être très vigilant et ne rien lâcher, nous devons mener un véritable combat contre ces minorités agissantes.

Et plus généralement, lorsque l’on revendique d’être fier d’être français, une minorité malfaisante nous traite ou de «bougnoules de service». Ce qui renvoie bien évidement à une question identitaire pas suffisamment explorée dans notre pays.

Votre émission, «L’actualité autrement», était extrêmement pluraliste. Vous y avez invité des personnalités des personnalités classées à droite comme Charles Consigny, Charlotte d’Ornellas ou Natacha Polony. Pourquoi ce choix, et est-ce aussi l’une des causes de votre sanction?

Cela a été une des causes de notre tension avec la direction. La sanction est tombée après la rencontre à l’ambassade d’Israël. Pour eux la ligne rouge c’était l’ambassade d’Israël, et elle avait été franchie. Le point de non-retour avait été atteint.

Et si nous avons décidé d’inviter des personnalités classées à droite, c’était une volonté assumer d’offrir du relief, de la nuance dans les débats de société à nos auditeurs et auditrices.

Il était essentiel qu’ils puissent entendre des divergences, car débattre avec des personnalités sensiblement d’accord ce n’est plus un débat!

Il serait temps que ces radios communautaires réalisent que leurs auditeurs sont à l’image de la société française actuelle, diverse et plurielle, et que les lignes ont depuis longtemps bougé.

Ce que révèle l’affaire BeurFM/Israël

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29 commentaires
  • FloFrance

    le

    Bravo à ces deux journalistes qui tentent de garder leur objectivité, c'est rara aujourd'hui. Voici leur récompense... Quel dommage

  • FloFrance

    le

    S'il y avait une volonté d'ecouter les deux parties, cela se saura, en faisant cela seul un côté à le droit de s'exprimer,. C'est comme cela que l'on oriente les opinions et que l'on donne toujours qu'un seul pendant de la vérité. Faire faire les autres c'est se la dictature, donc tout est faux. Bienvenue dans le monde d'Israël. Entouré d'ennelis et de menteurs.

  • falbeau

    le

    mais alors ils ont le soutien du mrap ? non ?

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