Non seulement refuser l’antisémitisme, mais plus encore « lutter énergiquement contre toute forme d’antisémitisme politique et religieux ». Tel est l’engagement solennellement pris par les évêques français lundi 1er février à travers la signature d’une déclaration par Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), lors d’une cérémonie organisée au siège parisien de la CEF.

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« La lutte contre l’antisémitisme doit être l’affaire de tous », assure avec force la déclaration remise à Haïm Korsia, grand rabbin de France, et à Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif). Et ce devoir, estiment les évêques, incombe particulièrement aux chrétiens en raison de leur « lien spirituel unique avec le judaïsme ». « La foi en Jésus nous distingue et nous sépare, elle nous oblige aussi, dans la mémoire des heures terriblement sombres de l’histoire », insiste la déclaration, car « guérir de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme est le fondement indispensable d’une véritable fraternité à l’échelle universelle ».

Le retour en force de l’antisémitisme

« Cette déclaration est motivée par une actualité générale très préoccupante, explique à « La Croix » Mgr Thibault Verny, évêque auxiliaire de Paris et membre du Conseil pour l’unité des chrétiens et les relations avec le judaïsme de la CEF. Il y a d’une part un antisémitisme sanglant avec des attentats et des meurtres, mais il y a également un antisémitisme rampant, fait d’insultes sur les réseaux sociaux et nourri de préjugés qui reviennent en force. »

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« Alors que le problème de l’antisémitisme ressurgit avec force en Europe, les évêques veulent sensibiliser à cette question », renchérit le père Christophe Le Sourt, directeur du service national des relations avec le judaïsme au sein de la CEF. Pour appuyer son propos, il n’hésite pas à fournir des chiffres : si les Français de confession juive ne représentent que 1 % de la population, ils sont la cible de plus de 4 actes de violence ou de haine sur 10. Une réalité qui, selon le père Le Sourt, a conduit au départ vers Israël de près de 10 % des juifs de France en 10 ans. « En tant que citoyens et en raison de notre lien spirituel, insiste-t-il, nous devons combattre l’antisémitisme avec les juifs. »

Une déclaration transmise dans les diocèses

De leur côté, ces derniers se félicitent de la déclaration épiscopale. Pour Haïm Korsia, cette « belle démarche » souligne l’existence de « tentations » antisémites dans la société actuelle. Face à ce risque, considère-t-il, « il est important de rappeler les choses avec les mots d’aujourd’hui et de dire que ce serait une trahison du catholicisme que de se laisser glisser sur la pente de l’antisémitisme.Peut-être l’époque nous oblige-t-elle à faire des déclarations pour réaffirmer ce qui est important. » D’autant, note-t-il, que les jeunes générations n’ont pas été marquées par la dernière prise importante de position des évêques en la matière, la déclaration de repentance de Drancy, remontant à 1997.

Voulue par la présidence de la CEF dans la foulée des attentats d’octobre dernier à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice, et de la publication de l’encyclique FratelliTutti, du pape François, cette déclaration dont le titre affirme que « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle » doit désormais être transmise dans les diocèses de France. « Chaque évêque va faire en sorte que le document soit connu et partagé, assure le père Le Sourt. Le but est de rejoindre tous ceux qui ne mesurent peut-être pas encore le grand danger que représente l’antisémitisme pour la société tout entière. »

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