C’est un jugement "historique", selon les Amis de la Terre. Plus de 10 ans après le début d’une procédure intentée contre le géant pétrolier pour pollution dans le détroit du Niger, celui-ci a été condamné par la Cour d’appel de La Haye. Shell serait responsable des fuites de pétroles qui ont souillé les terres d’agriculteurs. Pour l’ONG, "c’est la première fois qu’un tribunal tient une multinationale responsable de son devoir de vigilance à l’étranger".

Plus de 13 ans après le début des procédures, Shell vient d’être condamné pour des fuites de pétrole qui ont gravement pollué trois villages dans le delta du Niger. La Cour d’appel de La Haye estime que la filiale nigériane du géant pétrolier est "responsable des dommages résultant des déversements" de pétrole dans deux des villages concernés. L’entreprise devra indemniser trois des quatre agriculteurs plaignants pour un montant à préciser ultérieurement. La maison mère Royal Dutch Shell devra également équiper l’oléoduc en cause dans l’un des villages "d’un système de détection des fuites afin que les dommages environnementaux puissent être limités à l’avenir", a indiqué le juge Sierd Schaafsma.
Pour les Amis de la Terre Pays-Bas qui portaient plainte avec les agriculteurs nigérians, ce jugement est "historique" car "c’est la première fois qu’un tribunal tient une multinationale néerlandaise responsable de son devoir de vigilance à l’étranger". Si Shell affirme depuis le début que ces fuites ont été provoquées par des "sabotages", le juge estime cependant que le pétrolier est "responsable du fait qu’elle n’a pas interrompu l’approvisionnement en pétrole le jour du déversement".
Il aura fallu une dizaine d’années de procédure et une évolution dans l’appréhension de la responsabilité des multinationales face aux dommages exercés par leurs filiales à l’étranger pour en arriver là. En première instance, la justice néerlandaise avait déclaré que la maison mère ne pouvait pas être tenue responsable des éventuelles négligences de sa filiale au Nigeria. Depuis, plusieurs législations ont été adoptées ou sont en cours dans l’Union européenne pour reconnaître ce lien à travers le devoir de vigilance.
Un "avertissement" pour les multinationales
Aux Pays-Bas cependant, la législation en ce sens est limitée au travail des enfants. Pour Donald Pols, directeur des Amis de la Terre Pays-Bas, le jugement est donc un "avertissement pour toutes les multinationales néerlandaises impliquées dans des injustices à l’échelle mondiale. Les victimes de la pollution de l’environnement, de l’accaparement des terres ou de l’exploitation ont désormais de meilleures chances de gagner une bataille juridique contre les entreprises concernées."
Cela ouvre notamment la voie à des jugements plus favorables aux nombreuses autres victimes de ces pollutions qui ont intenté des procès à Shell devant les tribunaux britanniques et néerlandais. Celles-ci ont pu gagner des manches juridiques contre la compagnie mais, grâce à différents recours, Shell n’a que très rarement payé les dommages et intérêts demandés. Pendant ce temps, le delta du Niger reste fortement pollué et les marées noires continuent. Chaque jour, le plus gros pays producteur de pétrole en Afrique exporte deux millions de barils. 
Béatrice Héraud, @beatriceheraud

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