Comme chaque année, la Fondation Abbé Pierre a publié lundi 2 février 2021 son rapport sur la situation du mal-logement en France. Le Covid-19 a aggravé la précarité à Paris et sur tout le reste du territoire, mais si la mobilisation a été forte en pleine crise sanitaire, la Fondation redoute les conséquence de la crise économique dans les années à venir.
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800 à 900 demandes de logements chaque jour non satisfaites à Paris
En 2020 à Paris, la Fondation a comptabilisé 800 à 900 demandes de logement chaque jour non pourvues. Des besoins qui ont explosé également auprès des associations d’aide alimentaire et qui ont augmenté de 30% du côté des Restos du cœur.
Au printemps, la mobilisation a été sans précédent même s’il a fallu du temps aux associations pour s’organiser, la plupart des bénévoles étant des personnes âgées et donc à risque.
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La mise en place de ticket-service au lieu de distribution de repas et la réquisition d’hôtels vidés de leurs touristes sont autant de solutions qui ont été mises en place rapidement pour répondre à la demande croissante.
En décembre dernier, « 90 000 tickets-services ont ainsi été distribués pour permettre aux bénéficiaires d’acheter eux-mêmes des biens de première nécessité et des produits d’hygiène », explique à actu Paris Eric Constantin, directeur régional Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre.
Des conditions d’accueil insuffisantes
Ce dernier relève toutefois que « le Covid-19 a montré à quel point les solutions d’hébergement d’urgence étaient inadaptées ».
Il était impossible de regrouper les gens dans des gymnases par crainte de la contamination. Concernant les hôtels, on a été confrontés à la surpopulation pour les personnes isolées qui devaient partager leur chambre. L'absence de cuisine dans ces dernières a également été un véritable problème.
Autre faille : l’impossibilité, en pleine crise sanitaire, de réaliser des tests PCR, relève Éric Constantin : « Pour beaucoup cela a été à l’origine d’un refus d’intégrer les établissements mis à leur disposition de peur de se faire contaminer. Certains sont donc repartis dans le Bois de Vincennes par exemple. »
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La « débrouille » mise à mal par la crise
Avec le Covid-19, les personnes qui parvenaient à se loger grâce à des tiers ont été privées de ces solutions. Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre raconte l’histoire d’une femme, auxiliaire de vie, qui « vivait à Paris avec ses trois ados entre l’hôtel et l’hébergement chez des tiers ».
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Cette période l’a fragilisée et « elle a perdu ses solutions de débrouille ». « Cette femme a fini par dormir dans des halls d’immeubles à Sarcelles (Val-d’Oise) », relate Christophe Robert.
« Elle ne voulait plus appeler le 115 parce que ça nécessitait d’attendre longtemps au téléphone et que c’était compliqué d’expliquer cela à ses employeurs », déplore le délégué général.
On a vu des gens sortir des greniers, des caves, des squats pour réclamer de l'aide.
De nouveaux précaires
Mais la vraie crainte pour la Fondation, c’est l’avenir. « On a vu de nouveaux profils tomber dans la précarité. Des entrepreneurs, des commerçants, des intermittents, des restaurateurs, des guides-conférenciers qui se rendent en nombre à l’Espace solidarité habitat pour des procédures d’expulsion, explique Eric Constantin, plus tous les autres qui étaient déjà sur le fil et qui n’ont plus aucun moyen de subvenir à leurs besoins. »
« Le tableau général est inquiétant pour les mois à venir, les impayés vont s’accumuler, une vague d’expulsions se dessine », poursuit-il.
« Une sortie de crise s’envisage avec la construction de logements sociaux »
« Une sortie de crise s’envisage avec la construction de logements sociaux mais l’Île-de-France a pris énormément de retard. Il faudrait 37 000 logements par an si on veut tenir les objectifs, un point qu’on a atteint en 2016 mais qui ne cesse de décroître depuis. En 2019, seuls 28 000 ont été construits, 21 000 en 2020″, détaille Eric Constantin.
En 2020 à Paris, sur 3 000 demandes de logements, seules 600 personnes ont pu en bénéficier.
Pour le directeur régional Île-de-France de la Fondation Abbé Pierre, « on a la solution, la prise de conscience n’est pas nouvelle. Il faut maintenant que des décisions soient prises ou que les politiques assument de ne pas œuvrer en ce sens ».