Reconfinement en suspens, nouvelles mesures sanitaires, campagne vaccinale... L’incontournable question éthique avec Régis Aubry et Mathieu Laine

L'unité de soins intensifs de l'hôpital Lyon-Sud le 25 janvier 2021 ©AFP - JEFF PACHOUD
L'unité de soins intensifs de l'hôpital Lyon-Sud le 25 janvier 2021 ©AFP - JEFF PACHOUD
L'unité de soins intensifs de l'hôpital Lyon-Sud le 25 janvier 2021 ©AFP - JEFF PACHOUD
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Bientôt un an après le début de l’épidémie de Covid en France, confinements et politiques de vaccinations sont devenus notre quotidien.

Avec
  • Régis Aubry Médecin responsable du pôle Autonomie du CHU de Besançon, membre du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et ancien responsable de l’Observatoire national de la fin de vie. Co-rapporteur du dernier avis du CCNE sur la fin de vie.
  • Mathieu Laine Essayiste, directeur de la Société de conseil Altermind

Mais que révèlent de notre éthique les choix de politiques vaccinales et de confinements qui ont eu lieu au cours de cette année ? Peut-on noter une évolution dans notre rapport collectif à la mort et à la maladie, mais aussi à la société et à la liberté ?

Nous explorerons ces questions en compagnie de Régis Aubry, professeur de médecine, directeur du pôle vulnérabilité au CHU de Besançon et membre du CCNE, et de Mathieu Laine, entrepreneur et professeur affilié à Sciences Po, auteur de Infantilisation : cet Etat-nounou qui vous veut du bien (janvier 2021, Presses de la Cité)

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Une politique sanitaire générationnelle

Le fait d’avoir interdit les contacts sociaux, physiques, affectifs ou émotionnels, a entraîné - au-delà de la toxicité du virus - une rupture du sens de la vie avec des syndromes de glissement chez les personnes âgées. (...) Il y a donc un risque à la fois à ne pas confiner et à la fois à confiner. Il faut trouver un juste milieu entre un excès de confinement qui nuit gravement à la santé et un déconfinement total qui nuit aussi à la santé. Régis Aubry

Pour ce qui concerne les jeunes, il y a une urgence à lever d'une manière adaptée le confinement. Il y a une véritable souffrance de la jeunesse générée simplement par le confinement. Il y a une urgence à rendre à la jeunesse ce qui fait sens à son existence, c’est-à-dire les relations. Il faut faire appel à la responsabilité, comme l'a fait d'ailleurs le président de la République. Régis Aubry

_C_omme le disait Hayek, grand économiste libéral : face à une pandémie, le rôle de l'Etat est d'intervenir, de trouver la mesure et de se dire : il y a un certain nombre de choses qu'il faut évidemment arrêter parce que malheureusement, nous devons faire face aux capacités limitées de nos services de réanimation, mais en même temps, selon la formule consacrée, faisons le maximum pour, d'une part, éviter que la vie s'arrête totalement avec toutes ses conséquences psychiques, mais également que nous puissions éviter les excès d'une bureaucratie et d'une infantilisation qui font que nous nous retrouvons en situation d'être quasiment des serfs par rapport à des gens qui décideraient à notre place. Mathieu Laine

Le vaccin, un enjeu politique 

Sur la stratégie vaccinale, le Royaume-Uni a anticipé en formant des personnes à vacciner, autres que des médecins. Ils ont payé très chers les vaccins : ils ont accepté de payer plus cher pour être servis en premier. Dans un moment de recherche, il est légitime qu’il y ait priorité à ceux qui payent plus chers. Ça peut paraître difficile sur le plan moral, les doux rêveurs peuvent nous donner de bonnes leçons mais à la fin des fins les gens ne seront pas vaccinés. Mathieu Laine

Nous sommes face à une pandémie qui sur-vulnérabilise les personnes vulnérables et qui révèle de nouvelles vulnérabilités. Il y a quelque chose de très international dans cette question. On discute de priorités de certains pays producteurs par rapport à d’autres sur l'accès au vaccin. Il y a à réfléchir sur le fond, au-delà de la question politicienne, sur la nécessité absolue qu’il y a dans notre monde à faire preuve au moins en ce moment de solidarité pour que l'on puisse vacciner partout - et je pense aux pays pauvres qui ne seront pas vaccinés. Il y a lieu de se défaire de cette vision un peu libérale autour de la vaccination : nous avons tous tout à perdre à ne pas penser avec une vision solidaire et internationale. Régis Aubry 

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