Au fond, sont-ils si opposés que ça ? D’un côté, les chercheur·se·s intersectionnel·le·s forment une «jeune génération» dans le monde des sciences humaines et sociales. Inspirés par des travaux anglo-saxons, ils appellent à étudier les identités individuelles et collectives en prenant en compte une multiplicité de critères, à commencer par le genre et la «race». Face à eux, une bonne partie de leurs aînés se revendiquent d’une tradition française tendance universaliste et craignent que l’intersectionnalité ne vienne à alimenter une vision communautariste de la société et néglige la question sociale. Dans les deux camps, on entend dire qu’une analyse sérieuse ne peut reposer que sur la diversité des critères d’analyse. Reste à s’accorder sur ceux qui priment. Et c’est bien le problème.
Le sociologue Stéphane Beaud et l’historien Gérard Noiriel ont tous les deux travaillé à la fois sur la question sociale et le monde ouvrier en France, ainsi que sur l’immigration et le racisme. De quoi ménager la chèvre universaliste et le chou intersectionnel ? Pas tout à fait, car leur livre Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie (Agone), qui pointe l’actuelle prépondérance de la «lutte des races» sur la «lutte des classes», est une critique assumée des approches intersectionnelles. L’ouvrage commence par une approche histori