En 10 ans, la plus grande population de rhinocéros a décliné de 70 %

Les animaux du parc national de Kruger, en Afrique du Sud, sont victimes du braconnage, de la corruption et de la sécheresse.

De Dina Fine Maron
Photographies de Brent Stirton
Publication 3 févr. 2021, 16:58 CET
Pour réduire le risque que les animaux soient tués par des braconniers, la corne de nombreux ...

Pour réduire le risque que les animaux soient tués par des braconniers, la corne de nombreux rhinocéros vivant dans des réserves privées d’Afrique du Sud est coupée. Mais comme elle repousse après quelques années cette stratégie s’avère onéreuse pour les parcs publics à court d’argent, comme celui de Kruger. Les rhinocéros photographiés vivent à Nelspruit, dans l’élevage de John Hume.

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton

Trésor des parcs nationaux d’Afrique du Sud, les rhinocéros qui évoluent au sein du parc Kruger sont en danger.

Au cours de la dernière décennie, leur nombre a chuté d’environ 70 %. Le braconnage et ses conséquences directes sur la reproduction et la survie des rhinocérons sont les principaux responsables du phénomène, selon une nouvelle évaluation menée par South African National Parks (SANparks), l’organisation qui gère Kruger et 18 autres parcs majeurs du pays.

Plus de 10 000 rhinocéros vivaient à Kruger en 2010. Ils sont aujourd’hui moins de 4 000. La population est constituée de 3 549 rhinocéros blancs, des brouteurs aux lèvres carrées, et de 268 rhinocéros noirs, dotés de lèvres supérieures pointues qui leur permettent d’arracher les feuilles et les fruits des arbres. Les rhinocéros du parc national Kruger représentent environ 30 % de la population totale de rhinocéros sauvages au monde, estimée à 18 000 individus.

« Nous sommes très inquiets mais nous savons depuis un moment déjà que [l'espèce] connaissait une éradication lente. L’information a juste été officialisée », déclare Grant Fowlds, ambassadeur pour la conservation de Project Rhino, une organisation sud-africaine à but non lucratif.

Le braconnage des rhinocéros femelles s’avère particulièrement dommageable, car elles peuvent avoir une dizaine de rhinocérons au cours de leur vie. Et comme le souligne Michael Knight, président du groupe de spécialistes du rhinocéros africain pour l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), une organisation qui évalue le statut de conservation des animaux sauvages, les jeunes orphelins survivent rarement.

La corne de rhinocéros se vend majoritairement en Chine et au Vietnam pour être sculptée ou utilisée dans le cadre de la médecine traditionnelle. Il existe par ailleurs un marché pour les cornes de rhinocéros aux États-Unis. S’étendant sur près de 20 000 km², Kruger est l’épicentre du braconnage de rhinocéros en Afrique du Sud depuis longtemps, estime l’équipe du parc.

Le nombre d’animaux victimes du braconnage à Kruger avait pourtant diminué jusqu’en 2004, où un pic de 800 rhinocéros abattus pour leur corne avait été enregistré. Depuis, ce chiffre a été divisé par deux.

Des pertes supplémentaires ont été enregistrées en 2015 et 2016, lorsque le parc a été touché par un épisode de sécheresse, indique Michael Knight. La reproduction des rhinocéros a alors diminué et les mères, déshydratées, ont produit moins de lait, ce qui a causé la mort des rhinocérons sous-alimentés. La nourriture a également été rare pendant cette sécheresse. Les rhinocéros blancs ont été durement touchés par le manque d’herbe ; selon le ministère sud-africain de l’Environnement, des Forêts et de la Pêche, leur taux de mortalité était deux fois plus élevé que la normale.

 

DE NOUVELLES STRATÉGIES DE PROTECTION

Malgré ces mauvaises nouvelles, l'espoir subsiste. La technologie de surveillance ciblée employée par le parc, surtout utilisée pour protéger les femelles en âge de se reproduire, et les arrestations de grande envergure de braconniers ont permis d'endiguer pour partie le phénomène. Selon SANparks, le braconnage a reculé de 21,6 % pour les rhinocéros et de 43,8 % pour les éléphants entre 2018 et 2019.

Pour protéger les rhinocéros, SANparks envoie certains individus du parc Kruger dans des zones plus sécurisées extérieures au parc, notamment dans d’autres parcs nationaux. Mais cet effort est bloqué depuis des années en raison d’une épidémie de tuberculose qui sévit parmi ces mammifères à corne.

Pour protéger les tissus, la corne est coupée 10 cm au-dessus de sa base. Les cornes de rhinocéros passées en contrebande sont principalement recherchées en Chine et au Vietnam pour la médecine traditionnelle et la réalisation de sculptures.

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton

Pour lutter contre le braconnage, les parcs privés, plus petits, d’Afrique du Sud sont nombreux à avoir opté pour la coupe de la corne. Mais cette stratégie s’avère extrêmement onéreuse : elle nécessite un hélicoptère, un vétérinaire expérimenté et entre 500 € et 840 € par animal, détaille Grant Fowlds. Et comme la corne repousse au bout de quelques années, il s’agit de frais courants. La corne de rhinocéros est composée de kératine, une protéine présente dans nos ongles. Par conséquent, si sa coupe est correctement réalisée, les animaux ne souffrent pas.

 

LA CORRUPTION DANS LE VISEUR

SANparks dénonce la corruption interne, qu’elle décrit comme un « fléau » qui « a un énorme impact sur le personnel et les opérations de lutte contre le braconnage, ainsi que la réputation de SANparks ».

« Il est évident que les gangs de braconniers ont infiltré les rangs des gardes de Kruger et d’autres parcs et réserves, comme le prouvent les arrestations réalisées », confie Cathy Dean, présidente de l’organisation à but non lucratif Save the Rhino International, basée à Londres.

394 rhinocéros ont été victimes de braconnage dans les parcs du pays en 2020, la plupart de ces actes ayant été perpétrés à Kruger. Si, dans un premier temps, les confinements liés au coronavirus ont empêché la circulation autour du parc, réduisant ainsi le braconnage, la levée des restrictions a provoqué une recrudescence de ces activités, en particulier en décembre, indique le Ministère sud-africain de l’Environnement, des Forêts et de la Pêche.

L’année dernière, 66 braconniers présumés de rhinocéros ont été interpellés dans le parc Kruger et 90 autres personnes pour braconnage et trafic de corne de rhinocéros à l’extérieur du parc. Michael Knight prévoit cependant un ralentissement des poursuites judiciaires en raison de la fermeture controversée du tribunal régional de Skukuza, surnommé le « tribunal des rhinocéros » et situé dans le parc Kruger. Skukuza est connu pour son taux de condamnation élevé des braconniers et ses lourdes peines de prison.

L’organisation South African National Parks, qui gère notamment le parc Kruger, collabore avec les experts médicolégaux de la police pour tenter d’arrêter les braconniers qui s’attaquent aux rhinocéros. Elle s’appuie notamment sur des preuves ADN établissant un lien entre les cornes et les animaux tués.

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton

Entre avril 2019 et mars 2020, 303 rhinocéros ont été victimes du braconnage dans le parc Kruger. Un chiffre nettement inférieur aux prédictions de SANparks, qui s’attendait à 500 animaux abattus sur cette période, et qui représente une diminution de 22 % du braconnage par rapport à l’exercice comptable précédent. Pourtant, Grant Fowlds ne se réjouit pas de cette nouvelle : « Il y a moins de rhinocéros à tuer », confie-t-il, les braconniers ont donc plus de mal à les localiser.

 

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Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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