Passer au contenu

Une Mosellane à la recherche du premier amour de sa grand-mère, soldat américain à Rosselange en 1945

Par

Caroline Bell, une Mosellane originaire de Rombas, cherche la trace du premier amour de sa grand-mère, Bernadette. Un soldat noir américain stationné dans la Vallée de l'Orne en 1945, dont Jacques, l'oncle de Caroline, et ses enfants, sont les descendants.

Cette photo a été prise à l'hiver 1945 au studio Criaco de Rosselange, puis colorisée Cette photo a été prise à l'hiver 1945 au studio Criaco de Rosselange, puis colorisée
Cette photo a été prise à l'hiver 1945 au studio Criaco de Rosselange, puis colorisée - Studio Criaco

Caroline Bell, une mosellane ayant grandi à Rombas, a décidé de retrouver le premier amour de Bernadette, sa grand-mère. Cette dernière a été reconnue sur une photo extraite des archives du studio Criaco, à Rosselange, au bras d'un soldat noir américain, qui pourrait être le père de Jacques, l'oncle de Caroline. De son coté, le fils de Jacques vient de recevoir les résultats d'un test ADN qui amène de nouvelles pistes. 

Secret de famille

Tout commence par une omerta digne d'un clan sicilien. Dans les années 70, Jacques, un ancien enfant placé, récupère son extrait de naissance avant de se marier. Il découvre ainsi l'identité de sa mère, Bernadette, qui l'avait reconnu avant de le confier à l'assistance publique, et prend contact avec elle. Caroline, la petite-fille de Bernadette, vient alors de naître. 

La mère de Caroline se découvre donc un demi-frère, et Jacques, qui vit dans le Sud-Ouest, maintient des contacts avec toute la fratrie. Pendant près de deux décennies, personne n'interroge ce nouveau lien dans la famille : " Pour moi c'était mon oncle, je ne me posais pas de questions, explique Caroline. Ma mère non plus. Même Jacques, lorsqu'il a repris contact avec sa mère, à aucun moment il n'a été question pour lui de savoir. "

C'est une question de génération, à l'époque, on ne posait pas de questions - Caroline

L'oncle Jacques est métis, " un peu bronzé " aux yeux de sa nièce, mais dans l'esprit de la petite fille, ce détail n'est que le signe de sa vie passée plus au soleil. Quand Bernadette meurt, en 1995, Caroline n'est âgée que de 24 ans : " Ma grand-mère n'a jamais parlé du père de Jacques. Cela ne m'aurait jamais traversé l'esprit de lui poser des questions sur sa vie amoureuse. Pour moi, ma grand-mère était une femme austère, pas très drôle. De savoir que nos grands-parents, même nos parents, ont pu avoir une vie amoureuse avant, c'est toujours un peu troublant ", explique-t-elle. 

Un couple immortalisé sur pellicule

Ce n'est qu'à la faveur du hasard et d'une paire d'yeux bien aguerris que le secret de Bernadette se dévoile. En 1997, le studio photo Criaco, situé à Rosselange, ouvre ses archives. Un cousin de Caroline récupère quelques clichés qu'il épluche en compagnie d'une tante membre d'un cercle de passionnés d'histoire. Cette dernière reconnait alors Bernadette sur l'un d'eux, au bras d'un soldat noir américain.

Pour la famille, l'attitude du jeune couple laisse peu de doute quant à la nature de leur relation : " On voit qu'ils se connaissaient de façon intime, ils sont proches l'un de l'autre. Rien que le fait qu'ils aient volontairement pris la pose ensemble en dit long ", commente Caroline. 

Bernadette et son GI sur la photo probablement prise en début d'année 1945
Bernadette et son GI sur la photo probablement prise en début d'année 1945 - Studio Criaco

Le couple figé sur pellicule ne se forme qu'après l'arrivée des premières troupes américaines dans la vallée de l'Orne, en septembre 1944. Jacques naît en novembre 1945. Seul signe distinctif du soldat : le patch de la 3e armée américaine, trop imprécis pour l'identifier.

La réapparition du cliché, 52 ans après sa prise, n'a pourtant pas le retentissement auquel on pourrait s'attendre : " Il était prévu que ma tante envoie des copies à mes cousins, et en premier lieu à Jacques, mais il est mort la même année peu de temps avant la découverte de cette photo. Il n'aura jamais vu le visage de son père ", explique Caroline. 

Caroline relance l'enquête, 20 ans plus tard 

Personne ne se saisit alors de cette découverte pour lancer des recherches. Mais le temps passant, les enfants de Jacques s'intéressent de nouveau à cette partie de leur histoire, avant qu'elle ne leur échappe définitivement. Caroline, aujourd'hui âgée de 50 ans, y est aussi pour quelque chose. À l'occasion d'un retour en Lorraine, elle s'arrête dans les locaux d'Ascomémo, une association pour la conservation de la mémoire de la Moselle, sur la période de 1939 à 1945. 

Dans leurs archives photos, elle reconnait alors son grand-oncle, qui pose seul cette fois : " J'ai pu les envoyer à mes cousins et cousines, qui étaient très très émus parce qu'on dirait vraiment mon oncle, même dans la gestuelle, la posture sur la photo, c'est incroyable ", confie-t-elle. 

... de l'autre côté de l'Atlantique 

Caroline se saisit alors des moyens offerts par la technologie et contacte des groupes spécialisés aux Etats-Unis, via les réseaux sociaux, ainsi que plusieurs associations de mémoire. De nombreuses personnes sont déjà revenues vers elle pour lui envoyer des photos de groupes, mais Caroline n'a reconnu le père de Jacques sur aucune d'entre elles  : " Il appartenait à l'un des bataillons de noirs américains, qui étaient assez peu nombreux à l'époque. J'ai appris que beaucoup d'entre eux ont ensuite été envoyés en Corée pour faire la guerre , explique-t-elle. Il me manque le numéro de son bataillon d'appartenance. Avec ça, on pourrait plus facilement le retrouver dans les annuaires d'anciens vétérans. "

Qu'est-devenu ce soldat, plus de 75 ans après son passage en Lorraine ? La science pourrait bientôt y apporter une réponse. Son petit-fils, cousin de Caroline, a récemment passé un test ADN à visée généalogique, dont la pratique est interdite en France mais autorisée dans d'autres pays de l'Union Européenne, notamment en Allemagne. Les analyses permettent de rechercher des profils génétiques proches à travers le monde, et d'identifier ainsi des parents éloignés : " Le père de Jacques a peut être refait sa vie et aurait sans doute des enfants, des petits enfants ou au moins de la famille ", explique Caroline.

S'il y a des connexions américaines, c'est forcément de cette famille-là - Caroline 

Quatre personnes identifiées comme des petits-cousins probables 

Caroline a " fait des bonds " dimanche dernier, lorsque son cousin a reçu les résultats de ce test  : quatre personnes ont été identifiées comme partageant un profil génétique d'un niveau comparable à celui d'un petit-cousin, parmi d'autres suggestions. 

Caroline a même découvert le visage de l'un d'entre eux : un homme vivant en Californie, qui a publié sa photo sur le site internet de la société : " Je trouve que la ressemblance est vraiment flagrante, et tous nos espoirs sont donc fondés sur l'attente de sa réponse ", s'exclame-t-elle. 

Si ces individus ont eux-même établi leur arbres généalogiques, ce sont autant de nouvelles pistes de recherche pour Caroline et sa famille : " Peut-être qu'avec le temps d'autres personnes vont être identifiées grâce à cela , car ce qui nous manque c'est le nom et le prénom de cet homme "

Un espoir de mettre enfin un nom sur un visage, et de réunir Bernadette et son GI pour la postérité. 

Ma France : Améliorer le logement des Français

Quelles sont vos solutions pour aider les Français à bien se loger ? En partenariat avec Make.org, France Bleu mène une consultation citoyenne à laquelle vous pouvez participer ci-dessous.

undefined