L’art et la manière

La nudité est-elle une provocation ?  ©Getty - Modigliani
La nudité est-elle une provocation ? ©Getty - Modigliani
La nudité est-elle une provocation ? ©Getty - Modigliani
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Un sondage paraît aujourd’hui sur la provocation dans l’art, la distinction entre l’œuvre et l’artiste, et le phénomène de la « cancel culture », la culture du bannissement venue des États-Unis.

C’est Le journal des Arts qui publie les résultats de cette étude Viavoice-Communic’Art. 55% des Français considèrent qu’il faut distinguer l’œuvre de l’artiste. « Pour autant, il ne faut pas minorer les 33 % de ceux qui pensent que le travail d’un artiste ne doit pas être soutenu si ses comportements privés sont critiquables » souligne Arnaud Zegierman, sociologue et directeur associé de Viavoice, qui relève le chiffre important de « sans opinion » - 12% - indice que les avis ne sont pas figés. D’ailleurs, en posant la question différemment ils ne sont plus que 39 % à considérer « qu’il ne faut pas prendre en compte les comportements personnels pour évaluer une œuvre » contre 51% qui pensent le contraire. Là, les artistes se situent entre les hommes politiques (74 % pensent qu’il faut prendre en compte les comportements personnels) et les chefs d’entreprise (32 %). Quant à la nudité, la critique de la religion ou du pouvoir politique, ce ne sont visiblement plus des motifs de provocation dans l’art. Avec une petite nuance pour la religion - 34% estiment que sa critique est provocatrice - ce qui peut s’expliquer en partie par l’assimilation de cette critique à une forme de racisme. La nudité ne choque que 16% des sondés, mais ils sont 30 % à estimer qu’elle ne devrait pas être visible dans l’espace public. Et là, le taux monte à 39% pour les 18-24 ans. Pour eux, la représentation de la nudité s’apparente souvent « à une manière de véhiculer une iconographie machiste ». Quant à la « cancel culture », la culture de l'annulation, ou du bannissement qui frappe d’ostracisme les individus ou les groupes responsables d'actions ou de comportements perçus comme problématiques, beaucoup moins répandue chez nous qu’aux États-Unis : 80% des personnes interrogées ignorent ce que c’est, 69 % estiment qu’il faut combattre, avec des arguments, une idée avec laquelle on est en désaccord et seulement 8 % qu’il faut interdire son expression. Reste que les réseaux sociaux jouent ici comme partout ailleurs leur rôle de caisse de résonnance. Arnaud Zegierman constate « de plus en plus dans les institutions publiques le côté « on ne prend pas de risque ». Et, comme en France, la place du public est très importante dans la diffusion de la culture, cela a des conséquences sur la diversité de ce que l’on voit dans le monde de l’art. »

À l’œuvre d’art

Sur la distinction entre l’œuvre et son auteur, il peut arriver que la réputation d’un artiste, sa biographie réelle ou supposée, recouvre entièrement sa production et modifie le regard qu’on lui porte. À ce titre Modigliani est un modèle. Sa légende noire d’artiste maudit, alcoolique et impulsif, a « relégué ses œuvres au rang d’illustration biographique ». Dans le magazine L’œil, Isabelle Manca rend compte d’un éclairant travail d’analyse scientifique de 25 tableaux et trois sculptures mené par le Centre de recherche et de restauration des musées de France qui révèle une technique poussée et soigneusement pensée. À commencer par la couleur : contrairement à ses contemporains qui l’utilisaient souvent à la sortie du tube en gage de modernité, la chimie des matériaux montre qu’il la mélangeait beaucoup pour « obtenir des effets de matière et de lumière », parfois jusqu’à une dizaine de pigments. Dans le Portrait de Paul Alexandre devant un vitrage, la veste contient notamment du bleu de Prusse, du bleu de cobalt et du vert émeraude. La main posée dessus a été peinte avant, sur la préparation et non la veste, ce qui lui confère un effet de présence accru. Même technique pour le Nu assis à la chemise, où le tissu a été peint en premier, un drapé blanc, mordant et ombré de gris qui fait ressortir les tons clairs des carnations. La cartographie de fluorescence aux rayons X fait apparaître le travail sur la matière picturale, qui vise à exalter la matité, à donner du relief, en quoi se révèle aussi le sculpteur. Obsessionnel et répétitif, croyait-on : au cours d’une carrière météorique de moins de quinze ans Modigliani a su se renouveler, passant des empâtements d’une matière épaisse à plus de fluidité, « parallèlement à l’épuration de son style », et des aplats de couleur à la multiplication des effets par touches variées.

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Rouge, couleur première

DADA, la première revue d’art, inaugure une série sur les couleurs par celle qui symbolise au mieux l’ambivalence : le bien, le mal, la vie et la mort, les feux de l’enfer et ceux de l’amour. Cochenille, garance, grenat, pourpre ou écarlate, d’aussi loin que l’on a peint, c’est le rouge la couleur chaleur et lumière de l’espoir.

Couleur primaire, mais aussi couleur première !
Couleur primaire, mais aussi couleur première !

Les Secrets de Modigliani : Le LaM de Lille métropole propose, à partir de février 2021, plusieurs rendez-vous qui dressent le bilan des études scientifiques menées à son initiative et en copilotage avec le C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) sur un ensemble d’œuvres de l’artiste, issues des collections publiques françaises.

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