VIOLENCES SEXUELLESLes excisions en hausse avec la pandémie, un tabou qui perdure en France

Excision : Avec la pandémie, les mutilations sexuelles en hausse et un tabou qui perdure en France

VIOLENCES SEXUELLESLa journée internationale contre les mutilations génitales est célébrée ce samedi
Environ 200.000 femmes seraient excisées dans le monde (illustration)
Environ 200.000 femmes seraient excisées dans le monde (illustration) - Yasuyoshi CHIBA / AFP / AFP
Julie Urbach

Julie Urbach

L'essentiel

  • La pandémie mondiale cause une recrudescence des excisions dans le monde ces derniers mois.
  • Des jeunes femmes vivant en France en sont aussi victimes, alors que ce sujet «trop confidentiel» mériterait une meilleure sensibilisation et prise en charge.

C’est un autre effet secondaire de la pandémie mondiale dont on entend très peu parler. D’après plusieurs observateurs, les mutilations sexuelles chez les femmes et les filles connaissent une forte hausse dans le monde depuis le début de la crise sanitaire. « Contrairement à Ebola qui a permis un net recul, le Covid a créé une forte augmentation du phénomène », observe Isabelle Gillette-Faye, sociologue et directrice de la fédération GAMS.

Il y aurait plusieurs raisons à cela. « Avec la fermeture des écoles, excisions et mariages forcés sont les solutions trouvées pour que les petites filles ne traînent pas dans les rues, craint-elle. On risque d’avoir un ou deux millions de cas de plus qu’attendu d’ici à 2030. » « En raison du ralentissement économique, les exciseuses exercent ces activités de subsistance néfastes, alerte aussi l’association Plan international en Somalie. Elles font du porte à porte pour vendre leurs services. »

En France aussi

Alors que 200 millions de femmes sont aujourd’hui victimes de cette ablation partielle ou complète des organes génitaux, le Covid n’a fait qu’accélérer une pratique qui, bien qu’ancestrale et interdite dans de nombreux pays, est loin d’être éradiquée. En France aussi, les chiffres sont à la hausse, avec des estimations qui ont doublé en dix ans, passant de 60 à 125.000 femmes, notamment en raison de la féminisation de la population migrante, expliquait une étude de 2019.

« Avant, on parlait du Mali, du Sénégal ou de la Mauritanie, désormais il y a le Soudan ou l’Erythrée, poursuit Isabelle Gillette-Faye. Mais il faut sortir des stéréotypes car une petite fille arrivée du Kurdistan irakien, d’Indonésie ou du Pakistan est aussi à risque… Rappelons que l’excision est pratiquée sur quatre continents sur cinq, qu’elle n’est dictée par aucune religion mais par l’objectif de contrôler le corps des femmes. »

Sensibilisation et prise en charge

A l’exception de ce 6 février, journée internationale contre les mutilations génitales, la parole peine à se libérer. Si l’excision est durement punie en France (et ce même si l’acte est, comme souvent, pratiqué dans un autre pays) et qu’un plan a été lancé par le gouvernement, la sensibilisation et la prise en charge semblent encore insuffisantes. « Il n’y a rien dans les manuels scolaires alors qu’il est impératif d’en parler, estime Fatoumata Gassama, une étudiante nantaise qui a monté une exposition itinérante à destination des adolescents. C’est parfois vu comme banal alors qu’il s’agit d’un vrai traumatisme. »

Un tabou à lever qui permettrait une orientation plus facile vers les professionnels de santé, qui commencent petit à petit à prendre en charge ces patientes. Créée en 2016 à Saint-Denis, la Maison des femmes a par exemple pratiqué en 2020 une centaine de réparations du clitoris (opération prise en charge par la Sécurité sociale), accompagnées d’un suivi psychologique.

En Loire-Atlantique, le conseil départemental a décidé d’organiser, jeudi, un séminaire suivi par quelque 200 professionnels pour tenter d’avancer sur cette question « encore trop confidentielle ». Le planning familial 44, qui accompagne de plus en plus de femmes qui demandent l’asile en raison d’un risque de mutilation sexuelle, compte organiser des journées de formation et il a été décidé de créer un véritable « réseau », pour que n’importe quel médecin généraliste, infirmière scolaire ou éducateur sache à qui s’adresser en cas de doute.

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