TENNISPrès de 30.000 spectateurs à l'Open d'Australie, comment est-ce possible ?

Open d’Australie : Comment le tournoi s’est-il débrouillé pour pouvoir accueillir autant de public ?

TENNISLe premier tournoi du Grand Chelem de l'année va nous offrir des images que l'on n'avait pas vues depuis une éternité
Novak Djokovic s'amuse avec le public lors d'une exhibition à Adelaïde avant l'Open d'Australie, le 29 janvier 2021.
Novak Djokovic s'amuse avec le public lors d'une exhibition à Adelaïde avant l'Open d'Australie, le 29 janvier 2021.  - Michael Errey / AFP / AFP
Nicolas Camus

Nicolas Camus

L'essentiel

  • L'Open d'Australie, premier tournoi du Grand Chelem de l'année, a débuté cette nuit à Melbourne.
  • Alors que partout dans monde le huis clos est devenu une habitude depuis de longs mois, ce Majeur va se disputer devant 25.000 à 30.000 personnes chaque jour.
  • Une jauge exceptionnelle, résultat de mesures drastiques prises par les autorités de l'état du Victoria - et du pays de manière générale - pour éradiquer le Covid-19.

Du public dans les allées, des tribunes joliment garnies, des spectateurs qui profitent des matchs sans avoir à porter de masque – sauf sur les trois courts principaux quand le toit sera fermé. L’Open d’Australie qui s’est ouvert il y a quelques heures va nous faire un bien fou au moral, avec ces images qu’on a l’impression de ne plus avoir vues depuis une éternité. Au total, 390.000 personnes sont attendues sur le site du tournoi pendant la quinzaine.

« C’était vraiment super de rejouer devant du public, ça faisait longtemps », apprécie Rafael Nadal, qui a redécouvert cette douce sensation lors d’une exhibition à Adélaïde avec quelques autres cadors, la semaine dernière. Vu de chez nous, cet inespéré retour dans le monde d’avant tient du miracle. C’est pourtant tout l’inverse. Cela fait huit mois que Craig Tiley, le patron du tournoi, trime sans relâche. Avec la menace constante d’un petit grain de sable qui viendrait tout foutre en l’air.

Un personnel du Grand Hyatt testé positif

Comme mercredi dernier, par exemple. Alors que tout a été mis en place pour éradiquer le coronavirus à 200 km à la ronde afin que le tournoi puisse avoir lieu, un membre du personnel du Grand Hyatt, un des trois hôtels où ont séjourné les joueurs pour leur quarantaine à leur arrivée sur place, a été testé positif. Ce qui a contraint Tiley à agir dans l’urgence pour éviter le pire.

Tant pis pour le ressentiment – et une partie de la santé mentale – des joueurs et joueuses logés dans cet hôtel, surtout ceux (Benoît Paire par exemple) qui venaient tout juste de sortir de deux semaines d’isolement total dans leur chambre à cause de cas de Covid-19dans l’avion. Tout le monde a dû rester cloîtré un jour de plus et repasser par la case test. Soulagement, deux jours plus tard. Les 507 personnes concernées (dont 160 joueurs) ont tous été déclarés négatifs.

Les « sacrifices incroyables » des habitants du Victoria

« La probabilité que l’un d’entre eux soit positif était très faible, a commenté celui qui est aussi le président de la fédé. C’était une précaution supplémentaire pour protéger la population locale. » Le Big Boss du tennis australien marche en effet sur des œufs. Il a dû, pour réussir à maintenir la première levée du Grand Chelem de l’année, convaincre les autorités sanitaires du pays et la population, qui n’avaient pas envie de voir les efforts des derniers mois réduits à néant par quelques sportifs venus des quatre coins du monde. Ça n’a pas été sans peine.

« Il a fallu huit mois de travail au côté des autorités gouvernementales et de l’Etat du Victoria [où se trouve Melbourne] pour nous donner l’opportunité d’organiser le tournoi, avait expliqué Craig Tiley, lors d’une conférence de presse courant décembre. Nous voulons à la fois nous assurer que les joueurs bénéficient de la meilleure préparation possible et protéger le précieux environnement sans Covid-19 que la communauté victorienne a construit grâce à des sacrifices incroyables, au cours des six derniers mois. »

Plus de 110 jours de confinement

Ce ne sont pas des mots en l’air. Il faut bien se rendre compte des efforts consentis dans ce pays pour se débarrasser du coronavirus. En juillet dernier, le Victoria a subi une deuxième vague épidémique particulièrement violente. Le gouvernement local a donc instauré un reconfinement général jusqu’au 28 octobre. Soit 112 jours enfermé chez soi – record du monde –, avec l’armée déployée dans les rues pour s’assurer que les mesures de quarantaine étaient respectées. Dévastateur pour les emplois et de nombreuses familles.

Autre exemple de l’intransigeance des autorités, à Perth (sur la côte ouest), fin janvier, le premier cas de transmission locale a été détecté en dix mois. Dans la minute suivante, deux millions de personnes étaient interdites de sortir de chez elles. C’est avec ces réponses « rapides et fermes » que l’Australie a jugulé l’épidémie. Et quelques atouts naturels, aussi, comme sa faible densité et sa situation géographique qui lui a permis de fermer ses frontières aux étrangers dès mars dernier. Depuis, les différents états ont également érigé des barrières étanches entre eux. Une première depuis l’indépendance, en 1901.

On comprend mieux les réticences des Australiens, qui sont parvenus à maintenir le nombre de décès en deçà des 1.000, à accueillir le monde du tennis. D’ailleurs, les premiers jours n’ont pas été simples à gérer. Le journal The Age racontait début janvier comment des résidents du Westin avaient manifesté leur colère en apprenant que leur hôtel devait servir pour la quarantaine des joueurs. Une requête pour une injonction de dernière minute devant la Cour Suprême plus tard, l’organisation a dû trouver un plan B.

On pense aussi à la malheureuse Alizé Cornet, qui a osé se plaindre de la quarantaine stricte qui lui a été imposée comme à 71 autres joueurs après son voyage en avion. « Des semaines et des semaines de pratique et de travail acharné vont être gaspillées pour une personne positive à Covid dans un avion 3/4 vide. Désolé, mais c’est insensé », a-t-elle twitté. Quelques Australiens lui ont répondu qu’elle était bien gentille mais que des milliers d’entre-eux ne pouvaient pas rentrer chez eux depuis presque un an. D’autres ont moins mis les formes. La Française a fini par effacer son message et s’excuser platement.

Ce ne sont là que deux exemples parmi des dizaines. Les discussions ont été très agitées ces dernières semaines. Elles sont désormais couvertes par le bruit des premiers coups de raquette. Pourvu que ça tienne pendant deux semaines.

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