Actu : En Allemagne, une partie de Candy Crush fait vaciller la classe politique

Un président de Land avoue jouer à Candy Crush pendant des réunions visio avec Angela Merkel, et c’est toute la presse outre-Rhin qui se scandalise. La chancelière, elle, n’a pas encore réagi à cette polémique qui fait grand bruit.
Bodo Ramelow cover
Martin Schutt/picture alliance via Getty Images

« Les cancres de l’Assemblée. » La séquence a fait le succès de l’émission Le Petit Journal, puis de Quotidien, sa déclinaison sur TMC. Yann Barthès et son équipe y épinglaient nos députés français qui s’autorisaient à dormir, ou à jouer sur leur smartphone, pendant les séances de travail dans l'hémicycle. Cela donnait des scènes amusantes, gentiment moqueuses, qui, en somme, faisaient rire tout le monde. En Allemagne, le ton est tout autre. On ne plaisante pas avec le devoir politique ! Ainsi le prouve cette récente histoire qui agite depuis quelques jours la presse allemande, rapportée par Le Monde.

Tout a débuté sur Clubhouse, ce nouveau réseau social adoré par Hollywood et la Silicon Valley. Le concept ? Les utilisateurs de l’application peuvent échanger oralement dans des salles de discussions virtuelles. Le 22 janvier, quelques jeunes y ouvrent donc une « chat room », baptisée « Trash und Feuilleton », « ce qu’on pourrait traduire en français par “café du commerce” », précise Thomas Wieder, correspondant du Monde à Berlin. Ce groupe connaît un succès immédiat, et accueille rapidement des centaines de participants – certainement en mal de sociabilité en cette période de pandémie. Parmi eux, des personnalités de premier plan, dont des figures de la politique allemande : Kevin Kühnert, vice-président du SPD, Manuela Schwesig, ministre-présidente du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, ou encore Bodo Ramelow, ministre-président du Land de Thuringe. C’est par lui qu’arrive le scandale.

Bodo Ramelow est en effet une personnalité importante. En Allemagne, il y a treize ministres-présidents : ils sont les chefs de gouvernement des Lander, directement en contact avec la chancelière Angela Merkel. Bodo Ramelow est très actif sur le groupe « Trash und Feuilleton ». Les conversations s’enchaînent : « À un moment, il est question d’une mannequin célèbre et de son mari musicien ; un peu plus tard, de vieux films produits à l’époque de la République démocratique allemande », relate le journaliste Thomas Wieder. Puis la discussion est amenée sur un autre sujet… Kevin Kühnert, le vice-président du SPD, évoque la rumeur selon laquelle lors des réunions réunissant Angela Merkel et les ministres-présidents pour gérer la crise du coronavirus, l’un d’eux jouerait à chaque fois à Candy Crush plutôt que d’écouter. Se croyant certainement incognito, Bodo Ramelow avoue que la rumeur est vraie, car ce participant peu attentif, c’est lui… Il précise même que ces réunions interminables en visio avec la « petite Merkel » (c’est le surnom qu’il emploie) lui ont permis de faire de nombreux progrès dans le célèbre jeu.

L’anecdote ne reste pas dans le secret de Clubhouse. Dès le lendemain, elle se diffuse comme une traînée de poudre sur Twitter, reprise immédiatement dans la presse. Toute la classe politique s’en scandalise. Même Georg Maier, ministre de l’Intérieur du Land de Thuringe, demande à son ministre-président de « revoir son comportement », assurant que la situation de la crise sanitaire est trop sérieuse pour qu’on ait le temps de s’amuser sur son smartphone durant ces réunions. « J’espère qu’il s’agit d’une plaisanterie. Car si ce n’est pas le cas, cela explique peut-être pourquoi tant de décisions prises pendant ces réunions sont si loin de la réalité », a également déclaré Annalena Baerbock, coprésidente des Verts.

De son côté, Bodo Ramelow a tenté d’endiguer la polémique, en certifiant qu’il n’était pas le seul à se comporter de la sorte durant ces conférences en visio. « Certains font du sudoku, d’autres jouent aux échecs ou au Scrabble. Moi, c’est Candy Crush », a-t-il expliqué, maladroitement… Il a simplement présenté des excuses pour avoir surnommé la chancelière la « petite Merkel ». En Allemagne, on ne plaisante pas avec le respect.

De son côté, la chancelière n’a pas réagi à cette polémique trop anecdotique dans le contexte actuel. Seul son porte-parole a répondu : « Ces déclarations parlent d’elles-mêmes et ne méritent aucun commentaire supplémentaire. » Ça a le mérite d’être clair.