Cheveux de glace: les mystères d'un phénomène hivernal

Cet article a été initialement publié en allemand par notre partenaire éditorial Higgs.ch

Les cheveux de glace n'apparaissent que dans des conditions météo bien précises. | Pixabay/photoblend
Les cheveux de glace n'apparaissent que dans des conditions météo bien précises. | Pixabay/photoblend

En se promenant en forêt en hiver, il est possible de découvrir au détour d’un chemin de délicats fils de glace hérissés sur des branches mortes: des cheveux de glace. Les promeneurs peuvent les trouver sur le bois mouillé, mais pas encore gelé, dans les forêts de feuillus sans couverture de neige, lorsque les températures sont juste au-dessous de zéro et que l’air contient beaucoup d’humidité. À peu près cinq fois plus fins que des cheveux humains, ils peuvent mesurer jusqu’à 20 centimètres de long.

Pourquoi c’est intéressant. Depuis près de 100 ans, les chercheurs spéculent sur l’origine de ces étonnantes structures capillaires gelées. Cela ne fait pas très longtemps que l’on a pu démontrer une hypothèse ancienne: ce sont des champignons présents sur le bois en décomposition qui sont à l’origine du phénomène.

L’histoire scientifique. Le Suisse Gerhard Wagner, connu des amateurs de plantes comme co-auteur de la «Flora Helvetica», l'ouvrage de référence en matière de botanique en Suisse, travaille sur ce sujet depuis de nombreuses années. Sur son balcon, le biologiste retraité a réussi à produire des cheveux de glace, comme d’autres de ses collègues. Mais Gerhard Wagner est allé encore plus loin et a prouvé, grâce à des expériences ciblées, que la suppression des champignons dans le bois empêche la formation de cheveux de glace. Il a publié ces travaux avec le physicien bernois Christian Mätzler en 2009.

Ce travail a servi de base à une équipe de recherche allemande en collaboration avec les Suisses Christain Mätzler et Gehrad Wagner. En 2015, ces chercheurs ont dévoilé la solution de l’énigme. Le champignon responsable – du moins, en Allemagne – de la formation des cheveux de glace a ainsi été révélé. Sur 119 branches de dix espèces d’arbres différentes, seul un champignon a été retrouvé dans tous les échantillons: Exidiopsis effusa.

Le phénomène physique. Mais d’où vient l’eau qui gèle et se transforme en cheveux de glace? L'équipe de recherche germano-suisse a examiné de plus près ce qui se passe entre le bois, l'eau et la glace. Grâce à une expérience toute simple, ils ont pu déterminer que le champignon ne se contente pas de faire sortir l'eau du bois, ce qu’on supposait auparavant:

  • La même branche, qu’elle soit ou non traitée avec un fongicide, génère exactement le même volume de glace.

  • Cependant, les cheveux de glace ne sont produits que les branches non traitées par le fongicide.

  • Sur les branches traitées avec le fongicide, l’eau gèle malgré tout mais de façon plus classique, bien moins spectaculaire.

Pourquoi de la glace sort du bois gelé? Cela pourrait être lié à un phénomène baptisé «frost heave» en anglais (frosthub en allemand). Ce terme décrit traditionnellement un «soulèvement lié au gel» où de la glace remonte des sols et provoque leur déformation.

Revenons-en à notre morceau de bois: les différences thermiques entre l’intérieur et l’extérieur de la branche vont attirer l’eau liquide hors du bois, où elle gèle. Cela ne fonctionne que si l'eau contenue dans le bois est encore liquide, lorsque les températures extérieures sont proches de 0°C. Enfin, pour que la glace ne fonde ou ne se sublime pas trop rapidement, elle a également besoin d'un niveau d'humidité élevé.

Des tanins dans les cheveux de glace. En étudiant la composition chimique de ces fils glacés, l’équipe y a découvert des fragments de lignine, un composé du bois, et des tanins. Les amateurs de vin connaissent bien les tanins, ces polyphénols qui donnent du goût. Les chercheurs supposent aujourd’hui qu'au moins une de ces substances jouerait un rôle protecteur contre le gel, en permettant aux cristaux de se lier les uns aux autre… un peu comme des cheveux.

L’étude à la loupe

L’étude. Evidence for biological shaping of Hair ice.

Le commentaire. Les chercheurs ont réalisé un large éventail d'expériences et d'études de terrain et ont pris des mesures. Cela rend les résultats relativement robustes. Toutefois, les échantillons proviennent exclusivement d'Allemagne et de Suisse. L'étude se réfère donc à un phénomène relativement local.

La fiabilité. Mesures chimiques, biologiques et physiques évaluées par des pairs, diverses expériences en Allemagne et en Suisse.

Le type d’étude. Expériences de laboratoire et études de terrain.

Les financements. Non spécifiés.