Par SudOuest.fr avec AFP
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Déjoué par la DGSI, le projet d’attentat dirigé par Daesh sur le sol français avait pour objectif “une tuerie de masse”. Les trois hommes encourent chacun une peine de trente ans de prison

« J'étais chaud pour aller en Syrie mais jamais de la vie pour faire un attentat en France », s'est défendu jeudi le Strasbourgeois Hicham Makran, jugé par la cour d'assises spéciale de Paris, avec deux co-accusés, pour avoir projeté une attaque sur le sol français en 2016.

Au bout du compte, Hicham Makran, 41 ans, n'est jamais allé en Syrie et est soupçonné d'avoir voulu commettre « une tuerie de masse » à Paris avec son complice et ami d'enfance Yassine Bousseria, également dans le box des accusés.

Avec un troisième homme, le Marocain Hicham El-Hanafi, 30 ans, ils comparaissent pour association de malfaiteurs terroriste. Ils encourent chacun 30 ans de réclusion criminelle.

“Être cuisinier pour Daesh”

Les cheveux longs et gras de gel, une barbe fournie dépassant de son masque chirurgical, Hicham Makran, a du mal à trouver ses mots. Les rapports des psychologues soulignent sa « capacité de compréhension limitée ». Il est parfois perdu quand le président ou les avocats généraux emploient des mots qu'il ne comprend visiblement pas.

Son « embrigadement » - un des termes dont il ne comprend pas le sens - au sein de Daesh remonte à 2014, raconte-t-il. « J'ai été choqué par (les images) des enfants déchiquetés » par des bombardements en Syrie. « Dans ma tête, poursuit-il, est venue l'intention de partir ».

« Ils (des agents de Daesh, NDLR) disaient : On a besoin de vous en Syrie, on a besoin de beaucoup de personnes, de médecins. J'avais de la peine… C'était pour les enfants », soutient Hicham Makran.

« Bon, vous n'étiez pas médecin », fait remarquer assez méchamment le président. « Non, non », bredouille l'accusé qui affirme avoir eu l'intention d'être cuisinier pour Daesh.

« Mais on ne choisit pas son rôle, si on vous avait mis un fusil entre les mains vous auriez dû combattre », insiste le président. « Oui », concède l'accusé, tête baissée. « Et des attentats, vous vouliez en commettre ? », poursuit le président. « Non, pas en France », s'insurge l'accusé.

Peur à Gaziantep

En février 2015, il s'embarque pour la Syrie avec son ami Yassine Bousseria. Deux anciens copains du quartier, Oumar Diaw et Lakhdar Sebouai, s'y trouvent déjà depuis respectivement 2013 et 2014.

Oumar Diaw avec qui Hicham Makran n'a jamais coupé les ponts lui explique comment tromper la vigilance des polices européennes. Makran et Bousseria prennent le train de Strasbourg à Zurich puis l'avion jusqu'à Chypre avant de prendre le ferry jusqu'en Turquie d'où ils comptent rejoindre le califat de Daesh en zone irako-syrienne.

« On est resté une demi-heure à Gaziantep. C'était plein de Peshmergas (combattants kurdes, NDLR). On a préféré repartir », raconte Makran.

« Des Peshmergas dans une ville turque ? », s'étonne l'avocat général qui se lance dans une brève leçon de géopolitique. « Des Peshmergas… des soldats turcs… c'étaient des militaires. Je ne sais pas distinguer un Kurde d'un Turc », lui répond l'accusé.

Piège de la DGSI

Daesh n'en veut pas aux deux « déserteurs ». Alors qu'ils se trouvent encore en Turquie, à Adana, Oumar Diaw leur fait parvenir un fichier (que les deux Strasbourgeois chargent sur une clé USB) pour communiquer de façon cryptée avec l'organisation islamique dès leur retour en France.

C'est avec cette clé cryptée que Bousseria et Makran poursuivront leur dialogue avec Daesh « Pourquoi ne pas avoir cessé de correspondre avec eux ? », veut savoir le président. « Par peur des représailles », dit Makran.

Le 15 novembre 2016, plus de 18 mois après leur retour de la frontière turco-syrienne, un donneur d'ordres en Syrie demande aux deux Strasbourgeois d'aller récupérer des armes cachées dans la forêt de Montmorency (Val d'Oise) sans savoir que cette cache d'armes constitue un piège monté par la DGSI (le service de renseignement intérieur).

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La police arrête les deux hommes avant qu'ils ne passent à l'action. « On n'aurait jamais fait un attentat », affirme Makran qui, à son tour, fait preuve d'ironie en déclarant : « Heureusement qu'on a été interpellé ! Si les enquêteurs avaient été un peu plus malins, ils auraient fait un guet-apens » à Montmorency, dit-il.