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Autoamour, autohypnose, autoanalyse : comment vivre heureux sans se faire chier avec les autres
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Autoamour, autohypnose, autoanalyse : comment vivre heureux sans se faire chier avec les autres

Self care

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On connaissait l’autogestion, l’autoentreprise, l’autocensure… Voici venu le temps de l’auto-tout, où chacun devient le coach, l’infirmière ou l’amoureux de lui-même. En cause : la phobie du contact, la défiance à l’égard de son prochain, mais aussi la purge des métiers de service et la baisse du pouvoir d’achat.

« Prends soin de toi» est devenu la façon doucereuse et vaguement menaçante de clore une conversation, ainsi que le non moins mielleux (ou ironique ?) «Belle journée ! » Ils ont remplacé, à la fin des courriels, les « A bientôt », « A plus » et le très inapproprié « Je t’embrasse », qui pourrait bientôt valoir une amende pour propagande de gestes non-barrières à leurs utilisateurs. En réalité, le souci de son nombril s’inscrit dans une tendance déjà bien amorcée au self care anglo-saxon, qui encourage le « recentrage » et l’autoadministration de soins corporels, esthétiques, médicaux ou paramédicaux, hier encore pris en charge par des professionnels aguerris. En gros, faites-vous du bien si personne ne s’en charge ! Un «égoïsme assumé» plaident ses promoteurs, qui proposent par ailleurs de «réduire les contacts à faible valeur ajoutée ». Cette philosophie du repli et de la défiance résonne en bon accord avec les mesures sanitaires actuelles et l’ermitage forcé. Elle entre, en revanche, en contradiction totale avec les cultures traditionnelles, qui prônent l’entraide et l’échange de toutes sortes de bons procédés tactiles (de l’épouillage en famille à la triple bise entre amis). Dans un monde supposé hostile, le self care donne un alibi moral – protéger les autres en se protégeant soi – à des pratiques solitaires plus ou moins hédonistes (bains moussants, longs crémages de corps avec un baume Soin de Soi) ou pathétiques (compter ses pas pour être en bonne santé, tenter de faire pousser des poireaux dans sa cuisine, trouver l’estime de ses contemporains sur Instagram, etc.). Il donne surtout un blanc-seing aux politiques de restrictions budgétaires et de casse sociale (hôpital, Sécurité sociale, retraites) sous prétexte de solidarité et de responsabilité individuelle.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne