Comment rater une rencontre amoureuse ?

En mai 2020, l'Ifop publait un sondage mentionnant les effets du confinement sur la vie des célibataires : on y découvrait une numérisation accrue des échanges amoureux et une baisse de l'activité sexuelle ©Getty -  archigram
En mai 2020, l'Ifop publait un sondage mentionnant les effets du confinement sur la vie des célibataires : on y découvrait une numérisation accrue des échanges amoureux et une baisse de l'activité sexuelle ©Getty - archigram
En mai 2020, l'Ifop publait un sondage mentionnant les effets du confinement sur la vie des célibataires : on y découvrait une numérisation accrue des échanges amoureux et une baisse de l'activité sexuelle ©Getty - archigram
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Ce dimanche 14 février relevait de l'inédit pour les Français : pour la première fois, les couples ont fêté leur amour dans un contexte de restrictions sanitaires. Mais encore faut-il avoir eu l’occasion de rencontrer quelqu’un ces derniers mois, et que cette rencontre ait été réussie…

Avec
  • Charles Pépin Philosophe, écrivain et journaliste
  • Marie Bergström Sociologue, chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED) à Paris

Déjà, la Saint-Valentin ça n’est pas facile mais la Saint-Valentin en temps de COVID c’est encore moins évident. Voilà pourquoi ce Superfail est consacré aux rencontres, mais bien-sûr aux rencontres ratées. Il y a autant de manières de rater une rencontre que de s’embrasser. Et si certaines rencontres ratées se limitent à un peu de temps perdu à deux, d’autres s’achèvent à la manière d’Un amour de Swann chez Proust où Swann se damne pour une « femme qui n’est pas son genre ». 

Comment bien rater une rencontre amoureuse, pour le savoir, nous sommes allés interroger le philosophe Charles Pépin, il vient de publier La rencontre : une philosophie, aux éditions Allary. 

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Comment rater une rencontre amoureuse 

Pour le philosophe Charles Pépin, la meilleure manière de rater une rencontre, qu’elle soit amicale ou amoureuse, est de l’envisager avec des attentes bien précises et arrêtées. En effet, s'accrocher à des attentes semble avoir pour effet principal de réduire notre capacité à accueillir l’inattendu, élément essentiel d'une rencontre réussie : 

Donc une rencontre ratée est une rencontre qui est ratée parce qu’on est trop dans l’anticipation, trop dans la prévision, trop dans la gestion, trop dans une approche rationnelle avec des critères, avec des attentes. Pour ne pas rater une rencontre, il faut développer une disponibilité. Soit être un peu relâché par rapport à son attente initiale, soit - parce qu’au fond c’est ma thèse - ne rien attendre du tout et accueillir ce qui vient. Charles Pépin, philosophe

Pour Charles Pépin, la logique identitaire qui consiste à revendiquer une forme d‘autosuffisance individuelle et qui lui paraît être la logique dominante aujourd’hui, est également une entrave à la rencontre réussie. 

Pour rencontrer l’autre, il faut que je comprenne que ma vérité est hors de moi, ma vérité est dans cette excentrement. C’est ce que je disais très bien René Char : il faut pouvoir s’établir à l’extérieur de soi pour espérer pouvoir devenir soi. 

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L’homogamie : un obstacle à la "vraie" rencontre 

Le phénomène d’homogamie, qui consiste pour un individu à choisir un partenaire issu du même groupe social que le sien, apparaît également pour le philosophe, comme une entrave à la réussite d’une rencontre. Rencontrer des individus qui nous ressemblent ne permet en effet pas de casser la « bulle d’entre-soi » : 

Ma proposition est plutôt de casser cette bulle d’entre-soi, de faire en sorte que cette carapace identitaire, sociale et psychique soit fissurée. Et pour moi la vraie rencontre c’est celle qui vient fissurer, semer le trouble dans ce confort identitaire. 

Si les applications de rencontre sont souvent encensées pour le caractère inattendu des rencontres qu’elles proposent, la sociologue Marie Bergström vient relativiser cette idée. Selon elle, les applications perpétuent les mêmes inégalités dans l’accès aux échanges amoureux, et ces inégalités sont plus visibles que dans le monde hors-ligne :  

« Tout le monde n’a pas les mêmes facilités dans l’interaction. Hors ligne, ce n’est pas forcément facile de se rendre compte qu’on est dans une position défavorisée dans les échanges amoureux et sexuels, alors que sur les plateformes dédiées à la rencontre, on se rend compte tout de suite que ça ne marche pas. ». Marie Bergström, sociologue du numérique 

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