Story : Le destin hors du commun de Marie Curie, pionnière du monde de la chimie

Elle est à ce jour la seule femme ayant remporté deux Prix Nobel de chimie. Derrière cette vie exceptionnelle se cache la force de caractère d'une femme qui n'a jamais renoncé à ses rêves et sa passion.
Radioactive   Le destin hors du commun de Marie Curie pionnière de la chimie
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Vivre d'amour et de sciences

Marie Sklodowska quitte sa Pologne natale à l’âge de 24 ans, pour venir étudier la physique-chimie en France. Elle commence alors à étudier à la Sorbonne, qui ouvre ses cours aux femmes étrangères, et obtient sa licence de physique, et celle de mathématique, en l’espace de trois ans. Mais alors qu’elle rencontre de nombreux scientifiques, il y en a un en particulier qui va retenir son attention : Pierre Curie. L’homme est déjà un physicien reconnu, et Marie va alors se joindre à lui pour travailler sur le magnétisme. Attraction instantanée, le couple se marie un an plus tard, en 1895, à Sceaux. Pierre et Marie Curie sont inséparables, et sont aussi dévoués l’un à l’autre qu’à leur passion commune pour les sciences.

Dans une époque pourtant sexiste, Pierre considère sa femme comme son égale, et avoue même qu’elle est sa principale source d’inspiration. Deux ans après leur mariage, Marie Curie met au monde sa première fille, Irène. Premier enfant et première découverte, c’est en 1897 que le couple met au jour un phénomène inédit : la radioactivité. Ils travaillent alors main dans la main sur cette trouvaille sans précédent. Marie et Pierre découvrent également, lors de l’extraction d’un minerai, de nouveaux éléments radioactifs : le polonium et le radium. Une avancée scientifique qui leur vaudra un premier prix Nobel commun en 1903, année où le couple accueille sa deuxième fille, Ève. Si Marie, étant une femme, est d'abord évincée du prix, son époux interpelle le comité, et leur indique que sa réussite est indissociable de celle de sa femme. Après l'intervention de Pierre Curie, le prénom de Marie est alors rajouté.

Le couple si fusionnel sera malheureusement séparé avant l’heure. Le 19 avril 1906, Pierre Curie décède, renversé par une voiture. Une perte dont Marie Curie ne se remettra jamais vraiment. Elle se battra néanmoins pour faire perdurer l’héritage de son mari et sa vision féministe, très rare à cette époque. Marie Curie succède ainsi à son époux, et devient la première femme professeur de la Sorbonne, en mai 1906. Elle reprendra aussi son poste à la direction du laboratoire universitaire qu’il dirigeait, devenant, une nouvelle fois, le première femme à une telle position. En 1907, Marie Curie déménage dans la rue du chemin de fer de Sceaux, afin d’être plus proche de l’endroit où est inhumé son mari.

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Un deuxième prix Nobel sur fond de polémique

Le 8 novembre 1911, Marie Curie reçoit de nouveau le prix Nobel de chimie pour « l’avancement de la chimie par la découverte de nouveaux éléments : le radium et le polonium, par l’étude de leur nature et de leurs composés ». Elle devient alors la première femme à recevoir deux prix Nobel, un exploit jamais inégalé à ce jour. Mais alors que l’évènement devrait réjouir la chimiste, il est terni par la controverse. En effet, quelques jours avant cette annonce, la presse nationaliste s’en prend à Marie Curie. Victime d’un traitement misogyne et xénophobe dans les médias, ces derniers prêtent une liaison, inventée, à la scientifique avec le physicien Paul Langevin. Bien que les deux démentent formellement les rumeurs, la presse s’en donne à cœur joie, qualifiant même Marie Curie de « Polonaise venant briser un bon ménage français ». Un scandale qui prend des proportions internationales lorsque le comité du prix Nobel déconseille à la chimiste de venir récupérer son prix en personne.

C’est alors que Marie Curie est profondément touchée, et déprimée par la situation, qu'elle va recevoir un soutien de taille. Albert Einstein, en personne, écrit à la jeune femme pour lui témoigner son admiration. Les deux chercheurs s’étaient rencontrés plus tôt dans l’année, lors de la prestigieuse conférence scientifique de Solvay, à Bruxelles. Albert Einstein avait été impressionné par la prestance de la seule femme de l’assemblée. Alors qu'elle est en pleine tourmente, le génie décide de la soutenir. Dans sa lettre, ce dernier lui offre son respect, et lui apporte ses conseils, face aux évènements que Marie Curie traverse. « Je me considère chanceux d’avoir fait votre connaissance personnelle », avait-il déclaré. Un soutien de taille pour la chimiste qui décide alors de se rendre à Stockholm malgré tout, pour recevoir son prix.

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Héroïne de guerre

Cette force de caractère, et cette résilience, Marie Curie la mettra au service de la France lors de la Première Guerre mondiale. Accompagnée de sa fille ainée, Irène, elle se rend sur le front afin d’aider les soldats français, et surtout les médecins. La scientifique met au point un système de radiographie dans les hôpitaux de campagne, afin de permettre au personnel soignant de localiser de façon plus précise, et rapide, les éclats d’obus et de balles des blessés. Elle va également équiper et faire fonctionner une vingtaine d’ambulances sur le terrain, rebaptisées « petites curies » en son honneur. Femme de terrain, Marie Curie, malgré le danger, conduira elle-même une ambulance pendant la guerre. Avec les équipements qu’elle a conçus, le nombre de vies sauvées grâce la scientifique s’élèveraient à plus d’un million. Une exploit pour lequel l’intéressée refusera d’être récompensée, même lorsqu’elle sera pressentie pour la Légion d’honneur.

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Une renommée internationale

Depuis la fin de la guerre en 1918, elle dirige, avec sa fille Irène, l’Institut du radium. Après des débuts difficile, l’établissement jouit de la notoriété, devenue internationale, de Marie Curie et reçoit de nombreux dons. L’Institut accueille des étudiants et physiciens du monde entier, dont beaucoup de femmes. Très vite ce dernier devient un symbole de l’émancipation féminine en France et au-delà. En 1921, la journaliste américaine, Marie Mattingly Meloney, grande amie d’Eleanor Roosevelt, organise même une collecte de fonds afin d’acheter de l’uranium au profit de l’Institut. Marie Curie effectue alors son premier voyage aux États-Unis, pour la rencontrer. Très sollicitée, elle voyagera de plus en plus, et notamment aux côtés d’Albert Einstein, pour les besoins de la Commission Internationale des coopération intellectuelles.

Honorée dans la postérité

Mais si les années 20 sont témoins de l’apogée de Marie Curie, elles marquent aussi le début de ses nombreux problèmes de santé. Exposée aux radiations depuis bientôt plus de 20 ans, la scientifique commence à en ressentir les effets. Si à l’époque la communauté scientifique n’a aucun recul sur la dangerosité de ces dernières, on sait à présent qu’elles sont à l’origine de la mort de Marie Curie. Douloureuse ironie pour celle qui en a découvert presque tous les secrets. Grandement affaiblie depuis des années, et atteinte d’une leucémie, Marie Curie décède le 4 juillet 1934, à l’âge de 66 ans. Son héritage scientifique, et son travail acharné, font d’elle l’une des plus grandes scientifiques au monde. Une renommée qui lui vaudra en 1995, son transfert au Panthéon de Paris. Grande pionnière, elle est la première femme a y être honorée pour sa propre réussite. Indissociable de son mari, même dans la postérité, cet honneur fut également accordé à Pierre Curie, par François Mitterand. En 2020, la réalisatrice Marjane Satrapi a porté à l'écran la vie exceptionelle de la chimiste dans son film Radioactive, avec l'actrice Rosamund Pike.