Toulouse. Sébastien Brosse, professeur de biologie à l'Université Paul Sabatier : "La biodiversité de nos rivières est inconciliable avec la densité humaine"
Sébastien Brosse, professeur de biologie à l’université Paul-Sabatier, a mené une étude sur l’évolution de la faune aquatique, les poissons, dans le monde entier. Le constat est inquiétant.
Comment mesure-t-on la "santé" des cours d’eau ?
Il y a plusieurs manières de mesurer la biodiversité, on peut compter le nombre d’espèces, les liens de parenté entre espèces ou les rôles joués par les poissons dans les rivières. En pratique, on utilise la technique du "foot print index", littéralement des "traces de pas" pour évaluer l’empreinte humaine en prenant en compte la densité de population autour des cours d’eau que nous étudions et la distance aux villes. En Europe, cette présence de l’homme est très forte. Pour notre étude, nous avons aussi utilisé des données disponibles dans la littérature, en plus de nos données de terrain. Il serait en effet illusoire d’inventorier nous-même les poissons de plus de 2 400 cours d’eau du globe.
Qu’en est-il de l’état de nos rivières, en particulier du bassin de la Garonne ?
Il faut d’abord se rappeler qu’il fut un temps où l’on y comptait les saumons par milliers, où les esturgeons pouvaient mesurer trois mètres et où l’on voyait encore des pêcheurs d’alose à la Daurade qui vivaient de leur pêche. On buvait même l’eau. Aujourd’hui, le constat est cruel. D’après notre indice, la Garonne est notée 11 sur une échelle de 12, le zéro indiquant un cours d’eau sans aucune modification humaine et 12 un cours d’eau très fortement modifié. Cela signifie que sa biodiversité est particulièrement dégradée, comme c’est le cas malheureusement pour la grande majorité des cours d’eau d’Europe de l’ouest.
Quels sont les effets les plus graves de la pollution humaine ?
La pollution n’est pas mesurée en tant que telle. Les changements observés de biodiversité sont surtout largement dus à la fragmentation des cours d’eau par les barrages et à l’introduction d’espèces de poissons non natives, introduites par l’homme, opportunistes et invasives, qui mangent les autres. Dans le bassin de la Garonne, on trouve en effet de très nombreux barrages, ainsi que de nombreuses espèces non autochtones telles que la carpe, originaire d’Asie centrale, le black-bass ou la perche soleil (dite japonaise) venus d’Amérique du Nord, et bien sûr le sandre et le silure d’Europe centrale, qui peut devenir énorme. Les autres pollutions humaines s’ajoutent évidemment à ces deux facteurs pour dégrader la biodiversité.
La situation sanitaire de nos cours d’eau est-elle réversible ?
Elle l’est probablement encore en partie, tant que des espèces ne sont pas éteintes, mais cela demande des choix politiques forts pour préserver ce qu’il reste de biodiversité. Nos cours d’eau subissent cependant des impacts humains de longue date, et revenir a un état initial semble difficile. Il s’agit au moins de préserver l’existant en rétablissant la connectivité des rivières, leurs voies naturelles, et en régulant les espèces non natives. Mais certaines sont protégées, c’est difficile. L’interaction humaine est en conflit avec la biodiversité.
J'ai déjà un compte
Je me connecteVous souhaitez suivre ce fil de discussion ?
Suivre ce filSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?