Encore embrumé, vous émergez d’un rêve. Ne vous fuit-il pas déjà ? « Le rêve est le phénomène que nous n’observons que pendant son absence. Le verbe “rêver” n’a presque pas de présent », observait Paul Valéry dans Tel quel (1941).
La science, pourtant, est en voie de faire mentir l’écrivain. Des chercheurs sont parvenus à échanger en temps réel avec des dormeurs en plein rêve. Les expérimentateurs leur posaient des questions précises, et, en retour, ceux qui se prêtaient à l’expérience y ont correctement répondu dans près de un cas sur cinq. Une faible proportion ? « Elle est bien plus grande que si ces bonnes réponses résultaient du hasard », souligne Delphine Oudiette, chercheuse à l’Inserm et à l’Institut du cerveau (ICM), à Paris, et qui cosigne cette étude, parue dans la revue Current Biology jeudi 18 février.
Fait inédit, cet exploit se double d’une « jolie histoire », raconte-t-elle. Les quatre équipes qui cosignent l’article (une américaine, une allemande, une néerlandaise et une française) poursuivaient, chacune de son côté, ses propres travaux sur le même sujet. « Plutôt que d’entrer en compétition, nous avons décidé d’unir nos forces en publiant ensemble nos résultats. Reproduits quatre fois de façon indépendante, ceux-ci devenaient plus convaincants ! »
Code de communication
Toutes les expériences ont été réalisées sur des « rêveurs lucides » : ils avaient conscience d’être en train de rêver, durant la phase de sommeil dit « paradoxal ». Une capacité plus ou moins répandue : si la moitié des personnes interrogées disent avoir fait au moins un rêve lucide dans leur vie, moins de 0,5 % en fait au moins un par semaine (il est cependant possible de s’y entraîner).
Au total, 36 rêveurs lucides ont participé à ce travail : 22 aux Etats-Unis, 10 en Allemagne, 3 aux Pays-Bas, 1 en France. Le patient français aura pour sa part vu 65 expériences être réalisées sur lui, sur un total de 158 pour les quatre groupes. Le patient en question avait pour particularité d’être atteint de narcolepsie, une maladie chronique rare qui se traduit par des endormissements irrépressibles à tout moment de la journée.
Mais comment les chercheurs sont-ils entrés en communication avec ces rêveurs ? Côté expérimentateurs, par des sons (parole ou bips sonores), des flashs lumineux ou des stimuli tactiles (en tapotant le dos de la main un nombre précis de fois). Côté rêveurs, il a fallu ruser : des capteurs enregistraient leurs mouvements oculaires ou les contractions de leurs muscles faciaux.
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